Le saviez-vous ? Nos élèves ont une vie en dehors de la classe et leur temps n’est pas totalement dédié aux apprentissages. Je ne vous apprends rien, me direz-vous, et pourtant, nous avons beau le savoir, nous avons tendance à l’oublier. 

La preuve ? Combien d’exercices donnés la veille pour le lendemain ? Combien de devoirs donnés pendant les vacances ? Combien de consignes données sur le cahier de texte en ligne le soir ou pendant le week-end ?

« Le temps scolaire s’étale et se répand »

Plusieurs facteurs éclairent notre tendance à phagocyter l’emploi du temps de nos élèves, tel Chronos dévorant ses enfants : les vastes programmes qui débordent des horaires impartis ; la mémorisation qui nécessite la reprise des notions vues en classe ; l’idée que notre matière est la plus importante ; la difficulté de visualiser les devoirs donnés par les autres collègues ; les parents qui dénigrent les enseignants qui ne donnent pas “assez” de devoirs… Les raisons s’ajoutent les unes aux autres et, in fine, le temps scolaire s’étale et se répand au détriment du temps personnel des enfants et des adolescents dont nous sommes en charge. Comment s’étonner ensuite qu’ils soient angoissés, qu’ils dorment si peu, qu’ils copient les uns sur les autres, ou que leur travail soit bâclé ?

Si la place des devoirs à la maison nécessite la mobilisation de l’ensemble de la communauté scolaire, enseignants, élèves et parents, nous pouvons individuellement y réfléchir, en nous interrogeant notamment sur deux points. 

Tout d’abord, sur nos pratiques pédagogiques : anticipons-nous suffisamment le travail donné pour permettre à nos élèves de s’avancer et de s’organiser ? Leur offrons-nous des temps de révision à la fin ou au début de nos cours ? Leur proposons-nous des rappels de la leçon dans les évaluations formatives pour que celle-ci soit mieux mémorisée lors de l’évaluation sommative ? Acceptons-nous de reporter un contrôle ou de trouver une solution avec les collègues lorsque les élèves nous indiquent avoir déjà trois devoirs sur table ce jour-là ?

Ensuite, il convient de nous interroger sur les représentations plus ou moins conscientes que nous avons des élèves. Par exemple, le fait que rêver, s’amuser ou être en mouvement soient des activités prohibées dans nos salles de classe peut nous conduire à négliger le fait que les jeunes en aient besoin au dehors, et à imaginer que nos devoirs “les tiennent”, leur évitent de “se laisser aller”, les aident en quelque sorte à “devenir meilleurs”. 

La vie privée : un facteur capital à prendre en compte

De même, nous pouvons penser que la vie privée est à proscrire de l’espace scolaire, car l’attention d’un élève ne doit pas être détournée des purs apprentissages. Ainsi, les informations personnelles recueillies en début d’année sont vite enfouies dans nos casiers ; lorsqu’un libellé demande d’exprimer un avis personnel, le « nous » générique est préféré au « je » ; et quand se manifeste en classe une émotion trop vive, son traitement est souvent externalisé vers l’infirmerie ou le bureau du CPE. Force est de constater que nous ne considérons pas toujours l’élève comme un enfant ou un adolescent comme les autres, et que nous occultons tout un pan de sa vie personnelle. 

Pourtant, celle-ci joue un rôle capital sur sa santé, son humeur, sa disponibilité ou sa capacité à fournir le travail demandé. Les situations de mal-être et les difficultés matérielles révélées par le confinement et l’enseignement à distance nous l’ont clairement montré. Espérons que le retour à la normale que nous souhaitons tous pour la rentrée de septembre nous permettra de garder en tête combien il est important de la prendre en compte.

 

Une chronique de Nathalie Anton, enseignante et psychologue, autrice de L’Art d’enseigner

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