Il y a toutes sortes de liens :

J’ai découvert les liens enseignant-zapprenants de petite taille il y a maintenant 5 ans lorsque je suis devenue maicreeeeeesse.

Le lien affectif

Si j’aime voguer de-ci ou de-là pour expérimenter de nouvelles façons de travailler en classe, il y a un point sur lequel je suis convaincue depuis mon tout premier jour de classe. Un point qui correspond à ma façon d’enseigner jusqu’au fond de mes tripes (et probablement que je quitterai l’enseignement le jour où ça ne sera plus le cas) : j’ai besoin de créer un lien affectif avec mes élèves. Un lien affectif fort. Un lien affectif réciproque. Et j’y consacre tout mon début d’année scolaire (tout autant qu’à poser le cadre de travail et à réveiller les cerveaux après la torpeur estivale…).

Bien sûr je ne parle pas de créer une relation artificielle et malaisante : il ne s’agit pas de copinage ni de maternage ni rien de cet ordre. Simplement de construire une relation qui, tout en restant asymétrique, se fonde sur mon choix de répondre aux besoins affectifs de mes élèves. Je ne cherche pas à créer artificiellement de distance inutile, tout ça au prétexte que ce serait un pseudo-devoir inhérent à la fonction professorale.

Bien au contraire, une fois ce lien créé entre nous, et au sein de la classe entre les élèves, j’ai pu constater à chaque fois les bénéfices pour les élèves. Leur plaisir (leur joie même) de venir à l’école est un cadeau quotidien pour moi. Mais je peux observer aussi d’autres bénéfices :

Bref, c’est magique le lien affectif.

Seule ombre au tableau, ce type de lien affectif peut prendre un peu de temps à se construire en début d’année.

Et comme nous ne sommes pas des robots, le « reboot » du mois de septembre avec des nouveaux élèves où tout est à construire peut être délicat…

D’ailleurs mes collègues commencent à me connaitre : elles savent que pendant toute la première période, à chaque fois qu’elles me demanderont comment ça se passe avec ma classe, ça se terminera en un grognement au mieux sceptique (voire franchement excédé les jours de [biiip]) « Bof… Je sais pas… Nan mais ils sont sympas hein mais… pffff… J’sais pas… Il ne se passe pas grand-chose quoi… ».

Jusqu’au jour où le lien est là, où le cadre est en place, où tout est réuni pour que les journées de classe soient magiques.

Et après ça ?

Alors chaque année je suis tentée de changer de niveau pour suivre ma classe sur 2 ans. Pouvoir gagner ce temps précieux en début d’année. Pouvoir nous appuyer sur nos habitudes de travail bien rodées, sur notre connaissance des uns et des autres. Ne pas avoir, pour une fois, à tout recommencer de zéro. Miser aussi sur une relation déjà construite avec les parents. Gagner du temps.

Chaque année je me dis que CE groupe d’élèves est tellement exceptionnel et attachant que c’est LA classe pour laquelle je serais prête à sauter le pas.

…Et finalement chaque année ma passion du CE1 l’emporte, je garde le niveau, je dis au revoir à mes élèves dans un mélange de larmes et de joie…

Cette élève

Il n’y a qu’une seule élève que j’ai eue deux années de suite dans ma classe, et cette élève je sais que je ne pourrai jamais l’oublier.

Tout a commencé avec son sourire. Gigantesque. Solaire. Faisant face à des difficultés importantes en classe, elle était notamment comme paralysée en présence de l’écrit (en lecture, en écriture, en graphisme…). Enfermée dans ses troubles des apprentissages, elle passait en une fraction de seconde du sourire au masque de fer dès qu’on lui mettait des lettres sous les yeux. Le lien affectif a mis du temps à fendiller sa coquille faite de timidité, d’anxiété et de manque de confiance.

Mais petit à petit, elle a commencé, enfin, à faire des timides progrès.

Et elle en était fière. Enfin.

Ces progrès restaient en revanche en décalage total avec les attendus d’une fin de CE1. Nous nous sommes donc posé la question qu’elle refasse une année de CE1. Nous avons évoqué cela lors d’un des RDV avec ses parents et elle. Ses parents étaient complètement demandeurs mais elle restait mutique. Me fixant de ses grands yeux, je sentais qu’elle voulait me faire passer un message mais quand je lui demandais ce qu’elle en pensait, elle, elle restait silencieuse. Elle continuait de me dévorer du regard.

Je devinais ce qu’elle attendait. Je ne savais juste pas comment amener les choses.

Et c’est son père, finalement, qui m’a demandé : « Mais si elle redouble son CE1, il y a des chances qu’elle reste dans votre classe ? ». Elle a continué à me regarder avec ses grands yeux. Et j’ai dit que c’était bien sûr OK en ce qui me concernait si c’était ce qu’ils voulaient. Elle a littéralement explosé de joie devant ses parents, surpris. Ce jour-là, nous avons donc fait un contrat elle et moi, et je lui ai promis que j’allais être encore plus sur son dos pour cette 2e année, dès le tout début, pour qu’elle montre encore plus ce dont elle était capable.

Nous avons tenu parole toutes les deux et un an plus tard elle a pu passer en CE2. Cette deuxième année de CE1 j’ai eu l’impression de découvrir une nouvelle élève. Le lien affectif était déjà là, les repères aussi. Alors l’année a commencé sur les chapeaux de roues, des paillettes dans ses yeux de septembre à juillet.

En fait quand je repense au bonheur d’avoir eu deux années de suite cette élève, je me dis que je suis quand même bien bien bien tentée de suivre ma classe de cette année en CE2…

À suivre… !

 

Une chronique de Sophie Pouille

Laisser un commentaire

buy windows 11 pro test ediyorum