« Ton fils sera médecin. » Quelle fierté d’entendre cette phrase, jusqu’au moment où j’ai compris que ce n’était pas son cerveau qui était complimenté mais sa graphie plus que douteuse et approximative…

En tant qu’enseignante, bien évidemment, je me suis interrogée. Qu’ont fait ses maîtresses pour que mon fils écrive aussi mal ? Ou plutôt, que n’ont-elles pas fait ? Mais rapidement, la déformation professionnelle a pris le dessus et je me suis questionnée sur la qualité de la graphie de mes grands élèves de CM2.

Il paraît que c’est trop tard, à ce niveau-là, le mal est fait. Les bases de l’écriture ont été posées. Chacun a déjà plus ou moins ses habitudes, sa formation propre des lettres… Pourtant, les cahiers d’écritures du CP sont les mêmes pour tous. L’exigence de forme des lettres est la même pour tous. Les affichages sont les mêmes pour tous. Alors, pourquoi avons-nous tous une écriture différente ? Pourquoi certains forment-ils mieux les lettres en « attaché » et d’autres sont plus à l’aise en les détachant les unes des autres ?

Après réflexion, il s’impose à moi l’évidence suivante : nous sommes tous différents, avec des capacités différentes et des priorités différentes. C’est à nous, enseignants, de montrer que, tout en gardant son unicité, chacun peut aussi répondre favorablement à une même exigence en s’en donnant les moyens.

Nous allons ici voir de quelles manières l’envie d’avoir une belle écriture et de construire de jolies phrases peut se développer et se travailler à l’école, de la petite section au CM2.

En maternelle

Au début, les petites mains maladroites se ruent sur les crayons. Et pourtant, il y a tellement d’autres outils à manipuler au préalable. On n’apprend pas à se servir d’un crayon directement. On apprend en grand avant d’apprendre en petit.

Ainsi, on verra souvent des petits bouts de 3 ou 4 ans se contorsionner pour devenir un très beau cercle, s’assembler pour construire un triangle ou un carré.

Plus tard, ces mêmes têtes blondes feront de grands mouvements de bras pour dessiner dans l’air, avec le bout de son doigt toutes sortes de formes.

Une fois ces gestes maitrisés, pinceau à la main, les voilà transformés en artistes pour enfin voir en couleurs le résultat de toutes leurs représentations aériennes.

Mais tout cela est encore bien gros et si je puis me permettre, bien grossier aussi. C’est donc à ce moment-là que la maîtresse ou le maître sort d’on ne sait où son bac à semoule. Et allègrement, chacun peut tracer et retracer avec son doigt dans les petits grains ces formes nouvellement apprises. Les gestes sont d’abord grands mais ils deviennent de plus en plus petits au fur et à mesure des entraînements.

Quand enfin toutes ces étapes ont été franchies avec succès et dextérité, chacun a le droit de prendre le sacro-saint feutre pour mettre par écrit ses performances.

En élémentaire

Et puis, le temps passe vite et un jour, ces fameuses formes deviennent des lettres. Le travail restant le même : tracer grand et dans l’espace puis réduire petit à petit le « plan de travail » jusqu’à arriver à tracer de belles lettres toutes identiques sur un cahier qu’ils montreront fièrement à leurs parents.

Mais tout comme pour le dessin, le coloriage, les maths, le sport ou encore le chant, nous n’avons pas tous les mêmes facilités. Alors, malgré des bases et modèles identiques pour tous, l’écriture de chacun devient inexorablement unique. Cependant, les maîtres et maîtresses ont toujours quelques petites astuces de sioux pour que les élèves présentent, au fur et à mesure que le temps passe et que l’écriture évolue, un travail lisible.

Dans ma classe de CM2 par exemple, ils ont à cœur de devenir des champions de copie. Chaque copie proprement présentée autant dans la graphie que dans l’orthographe est récompensée par un « champion de copie ». Là, l’élève va fièrement colorier (sans dépasser cela va sans dire) une de ses cases du tableau des champions jusqu’à valider un palier de champion de copie. Ils sont tout d’abord amateurs puis professionnels, experts, grands maîtres et enfin dieux de la copie, avec des diplômes à chaque étape qu’ils sont ravis de présenter à la maison !

Il ne faut pas oublier que rares sont les enfants qui travaillent pour eux. La grande majorité travaille pour rendre fiers ses parents, son enseignant… Et si par-dessus, on lui ajoute une carotte, la motivation peut atteindre des sommets !

Alors quand il s’agit de faire de belles phrases en plus d’avoir une belle écriture (entendons bien ici une écriture « appliquée »), quelle plus belle carotte que celle de partager sa création, que dis-je, son œuvre, avec les autres élèves de la classe. Et lorsque l’histoire inventée est bien construite pourquoi ne pas aller la faire découvrir aux autres classes de l’école ?

Les plus jeunes pourraient y voir un objectif futur à atteindre et les plus avancés, quant à eux, en tirer jalousement une motivation supplémentaire à l’amélioration de leurs récits.

L’écriture tend à disparaitre à l’âge adulte, quelle tristesse ! À nous, enseignants, de leur montrer quelle satisfaction et quel plaisir on a à lire ou écrire de jolis textes.

 

Une chronique de Claire Gomez

Laisser un commentaire

buy windows 11 pro test ediyorum