Vapeurs de stress. Transpi et déo à gogo. Silence si pesant qu’on n’entend même pas une mouche voler car elle n’ose pas entrer dans ce lieu qui semble maudit. Bienvenue dans les salles d’examen ! La surveillance, Monsieur Z s’y colle encore cette année, et il va pouvoir vous présenter les archétypes de candidats qu’il va croiser au détour d’un regard, le temps d’une matinée de 4h sans interruption.
8 Profils d’élèves passant un examen
1° Le stressé de base en mode TOC
Assez facile à remarquer. Il vient de regarder pour la 15e fois sa convocation sur le bureau. Pour être bien sûr que ce n’est pas la liste de courses de môman. Vérification des stylos. Une demie douzaine de chaque sorte : stylo plume, stylo bic, stylo bic qui fait un peu plume, effaceur, crayon 2B et 2H au cas où il faille faire un croquis façon Michel-Ange. Oui, même en philosophie. Souvent il se talque les mains pour éviter que la moiteur inonde la copie, faisant valser les phrases dans un océan de suée. Il ne vous demandera pas l’heure. Il a l’horloge de papy Dédé qui a connu les tranchées de 1914 et qui ne peut tomber en panne. Il va pleurer. Quatre ou cinq fois et une fois le sujet déposé il ne décollera plus ses yeux de la copie, rongeant ses ongles comme Gollum cherchant l’anneau.
2° Le détendu du bulbe
Il arrive dans les 5 dernières minutes, vêtu d’un short, d’un bob et un stylo à la main. Il s’assoit en baillant puis lève la main pour poser la question essentielle : « on peut partir au bout de combien de temps ». Il connaît pourtant déjà la réponse mais on ne sait jamais. Avec le décalage horaire y a toujours moyen de gratter une minute ou deux. La seule chose qu’il va remplir c’est le cartouche, avant de s’abandonner sur sa chaise quelques longues minutes. Ô temps, suspends ton vol ! Il se concentre. Puis va griffouiller ici et là, non sans lâcher des petits rires innocents. Premier à rendre sa copie, il vous lancera un « c’est carré, chef » avant d’essayer de vous checker. En vain. Il aura entre 2 et 18. Tout dépend du karma.
3° Le hippo glouton
Il a demandé à tous ses enseignants pour se rassurer. Ils ont bien dit « OUI TU PEUX ». Alors il a tout apporté : eau plate en gourde isotherme à 8°, petit kawa ristretto OKLM, barres chocolatées diverses, gâteau au chocolat de tata Susu que ça va te porter chance mais mâche bien. Il dispose le tout sur son bureau façon banquet de Platon, si bien qu’on a du mal à trouver la place pour la copie ou le sujet. Il passera toute l’épreuve à alterner entre dissertation et éructation. Pour le plaisir de ses camarades adjacents. Et le gâteau à tata finira aux commodités quand il aura remarqué à sa sortie qu’il a entièrement fait hors-sujet.
4° Le regard de détresse
Il vient de lire le sujet pour la 12e fois et vous lance le même regard que votre épagneul quand vous l’avez emmené chez le véto pour lui retirer toutes velléités et toute virilité. Il lève la main doucement et vous demande de lui expliquer la question 3. Pas de bol, vous ne captez rien en neurosciences. Il va alors chercher de l’inspiration dans les aspérités du plafond, gémissant à voix basse et se balançant de droite à gauche comme un GS incontinent. Puis son regard va se balader et tenter d’accrocher un symbole, un mot dans la copie des voisins qui va lui permettre d’enfin démarrer. Au bout d’une heure trente.
5° Le Jeanne d’Arc compulsif
Facilement remarquable puisque c’est le seul qui murmure à l’oreille des stylos. En pleine communication avec l’au-delà, pratique pour les examens d’histoire, il vocifère, éclate de rire, se trouve à la hauteur des débats « t’es bon mec t’es bon la mention la mentioooooooon » sous les regards médusés des autres participants. Il sera bien entendu obligatoire de lui demander de discourir à voix basse avec ses autres personnalités afin de ne pas déranger le bon déroulement des épreuves.
6° Le bêta bloqué
Maman a trop chargé la dose. Pour éviter le surplus de stress, il a avalé un peu trop de plantes en cacheton. Bilan : le voilà, écume aux lèvres, en train de découvrir le sujet dont il ne comprend pas un traître mot. Mais quelle est donc cette langue bizarre et ces lettres qui dansent une rumba devant ses yeux. Les yeux rougis comme un lapin myxomateux il tombera tête la première dans sa trousse et vous devrez appeler l’infirmière scolaire pour une évacuation en douceur. Pas de bol.
7° Le fraudeur en toc.
Il a essayé de mettre le théorème de Pythagore sur sa montre connectée. Manque de bol elle fait 22 pouces et on lui a confisqué. Il a tenté d’écrire les principales dates de la guerre froide dans sa trousse. Son stylo plume a coulé, balayant 30 ans de conflits entre les puissances. Il compte se rattraper en SVT en consultant Wikipédia aux toilettes. Il a oublié que dans cette partie du lycée il y avait seulement des urinoirs et, sous le regard insistant de son accompagnateur, il aura autre chose à prendre en main pendant 2 minutes. Dur dur.
8° Le jusqu’au-boutiste
Il est l’heure de rendre les copies et pourtant on a toujours cet élève qui a encore une phrase à écrire. Une phrase tellement longue qu’elle prend deux minutes. Une phrase digne de Proust qu’on lui demande de conclure rapidement. Ce même élève qui va se lever, et finir debout, voire même en marchant vers notre bureau CETTE PHRASE qui va tout changer. Qui le fera passer de l’autre côté de la moyenne, assez brillamment : « car la fuite des cerveaux c’est quand le cerveau fuit et du coup on doit l’exclure du pays car c’est pandémique tout ça ». Ça valait le coup.
Si on ajoute les demandes d’heure constantes, les reniflements de nez récurrents qui nous ramènent à la Grande épidémie de choléra, les départs en cascade pour aller à la plage entre potes, on aura vraiment, vraiment, envie de recommencer l’année prochaine !