Nous y voici à nouveau : les épreuves du bac démarrent, bientôt celles du brevet,  nous commençons nos surveillances. « Commençons » est un grand mot. En fait, dans notre métier, nous surveillons sans cesse. Toute l’année nos élèves. Et lors des bacs/brevets blancs. Bref, la surveillance fait partie de notre quotidien.

Surveiller, c’est quoi ?

C’est avant tout :

Faire s’installer les candidats. Facile dans l’ensemble sauf avec ceux qui se font remarquer :

Passer 10 minutes à vérifier les identités des élèves.

Comparer (l’air interrogatif) la tête de l’élève avec la photo de sa carte d’identité, magnifique bambin de 7 ans que l’on a parfois vraiment du mal à reconnaitre dans cette jolie blonde ultra-maquillée type défilé de miss France ou dans ce grand gaillard poilu et son air goguenard« je ne me ressemble pas hein ? ». De toute façon, nous sommes bien obligés de les croire alors, photo reconnaissable ou non, on passe ! Et puis il y a nos propres élèves, que l’on les connaît par cœur mais dont on fait semblant de vérifier l’identité, parce qu’on est pro ! Pas de favoritisme, même là !

Faire ranger les sacs contre un mur.

Le dernier objet dont ils se séparent est un prolongement de leur corps : leur smartphone : pour certains, c’est un déchirement : un dernier coup d’œil, un dernier encore… Ils le mettent souvent en silencieux, incapables de l’éteindre, comme si c’était se couper vraiment du monde.

Lire les consignes officielles

On pense que normalement tout élève un minimum sensé sait qu’il ne doit pas tricher, ne pas communiquer, qu’il ne doit pas faire de marques distinctives sur sa copie, qu’il doit éteindre « tout objet connecté » (c’est nouveau ça ! Ps : comment on fait pour vérifier si sa montre est connectée ou non ?). On le pense, mais ça va mieux en le disant ! De toute façon, on DOIT le faire, donc, on les lit.

Expliquer les consignes pour le scannage de la copie

Pas de stylo effaçable ni de couleur claire (il parait que ça ne passe pas !), ni de « blanco » (chez les élèves pour lesquels le correcteur a remplacé le brouillon, c’est un calvaire. « Mais je fais comment si je me trompe ? » : « Tu barres… »)

Faire remplir les entêtes

« C’est quel examen ?», « C’est quoi le repère ? » , « C’est quoi mon numéro de candidat ? », « Comment on numérote ? » , « Mdame, j’me suis trompé, je peux en avoir une autre ? »

Distribuer les sujets.

La sonnerie, l’ouverture des enveloppes, le coup de stress, vous qui tentez de les rassurer en souriant « bon courage à tous » en donnant le sujet. Et hop, ça démarre vraiment, dans un silence parfait que vous regrettez de n’avoir pas plus souvent dans l’année.

Parfois vous surveillez votre matière (surtout avant, quand il existait un vrai bac, avant le bac Blanquer donc…) et les élèves scrutent votre tête : vous souriez ? Vous soupirez ? Parfois vous vous dites intérieurement, rassuré « Super, c’est exactement ce que j’ai fait avec mes élèves ! », d’autres fois vous grimacez « Mais c’est quoi ce sujet ? J’ai tant bossé toute l’année pour ça ? » (cf. l’étude de document en spécialité HGGSP cette année), ou encore vous blanchissez « Ça va être dur… ».

Vous observez aussi vos quelques élèves dans la salle : certains vous font un clin d’œil, dans lequel vous entendez: « Chouette hein, madame ! »,  d’autres vous ignorent…Vous savez que, discrètement, vous irez de temps en temps jeter un œil sur leur prose, par-dessus leur épaule.

Que faire pendant que ces heures longues s’égrènent ?

Passer dans les rangs

Regarder attentivement. Mais regarder quoi ? 20 ans de surveillance et je n’ai vu qu’un candidat tricher. Il consultait son cours, TOUT son cours sur sa calculatrice, lors d’une épreuve de Physique-chimie. Prenant l’objet du délit en main, j’accours auprès de mon administration qui me renvoie illico presto rendre son cours au candidat « Mais vous n’y pensez pas, on ne peut pas lui confisquer sa calculatrice puisqu’elle est autorisée ! », fut-elle un modèle  où tous les cours peuvent être tapés ! « Et puis, il a fait un effort en tapant tout ça ! » Depuis j’ai appris qu’il y avait des cours entiers disponibles sur internet, à télécharger selon le modèle de votre calculatrice.

Les amener aux toilettes (mon dieu que certaines vessies sont petites !)

Les accompagner en balade (de plus en plus d’élèves Tiers-temps ont cet aménagement autorisé )

Distribuer les brouillons, les copies supplémentaires.

Leur amener de l’eau 

Vous savez, les canicules à 38 degrés et plus, avec des salles-étuves, surtout quand vous êtes dans le gymnase, sous une verrière, plein sud (à fortiori si vous vivez dans le Sud !!!), dans une salle sans fenêtres (un jour, on verra un prof tenter de battre des ailes à la porte pour essayer de faire rentrer un peu d’air puisqu’on ne nous a toujours pas fourni des ventilateurs).

Leur donner l’heure encore et encore (mais quand vont-ils penser à acheter une vraie montre ?)

 

On dirait que ça occupe tout ça… En réalité vous passez quand même une grande partie de votre temps à attendre et à vous occuper en faisant semblant de ne pas être occupé (puisqu’on doit exercer une surveillance attentive !).

Que fait-on d’autre alors ?

Personnellement,  j’ouvre un PC discrètement en faisant attention à couper le son, et je range mes cours sur mes clés USB, ce que je n’ai jamais le temps de faire de l’année, je feuillette les nouveaux manuels quand il y en a, je trie 10 mois de messages sur la messagerie pro… Heureuses surveillances qui me permettent de me mettre à jour. Mais je n’oublie pas de lever sans cesse les yeux !

Que font mes collègues ? Comme moi, ils commencent à préparer leurs cours de l’an prochain, lisent des livres de leur matière ou des romans, font des mots croisés, jouent aux échecs sur leur téléphone. J’en ai même vu tricoter… Certains ne font rien. Mais alors rien du tout. Debout contre le mur au fond de la salle, ils attendent que le temps passe…

Et le temps passe, inexorablement. Les premiers élèves décident de partir, rendent leur copie : on fait émarger, on vérifie, on classe dans l’ordre alphabétique. On lit les premières copies, on s’insurge (en silence !) contre l’indigence de ce qu’on lit, les énormités, on a honte pour eux, pour nous (forcément, ce sont les premières rendues !!!). À la dernière sonnerie, il faut parfois arracher la copies aux irréductibles qui ont toujours « un dernier mot à écrire , s’il vous plait….». Parfois il  ne reste plus qu’un seul irréductible gaulois à composer… Vous n’attendez qu’une chose, qu’il pose enfin son crayon pour que vous puissiez partir.

Et enfin nous sommes seuls dans la salle. On vérifie le nombre de copies avec l’autre surveillant, on descend au secrétariat d’examen, on fait la queue dans une file de surveillants, enveloppe sous le bras : une dernière fois on vérifie l’adéquation entre notre pile de copie et la feuille d’émargement et c’est fini. On n’a plus rien dans les mains, plus de responsabilité. On peut rentrer chez nous la conscience tranquille…

et recevoir dans quelques jours le lien internet pour nos copies à corriger, sur un écran d’ordinateur !!! Mais ça, c’est une autre histoire…

 

Une chronique de Kaliprof

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