je sors mon revolver.

Vous avez tous reconnu le célèbre slogan de Baldur von Schirach, chef des jeunesses hitlériennes. Sinistre mémoire. Que vient faire cette citation sur le consensuel WebPédagogique ? Attendez avant de mettre des commentaires rageurs et vengeurs. Le terrifiant fait divers qui a fort justement agité notre petit monde vient rappeler quelques évidences. Que mettre un policier dans l’enceinte de chaque collège est aussi utopique que démagogique. Il faudrait plutôt permettre au personnel de travailler avec son chien de défense. Moins de dépense publique, moins de policiers mobilisés…

Plus sérieusement, ce fait divers nous rappelle que le collège n’est plus à l’abri de la société et que sa porosité y permet les débordements. Que la violence redevient une gestuelle acceptable et acceptée. J’ai été surpris par les réactions entendues lors de l’autre mauvais exemple estival. Une bonne baston n’a rien de répréhensible ! C’est une réaction normale. Tu m’insultes, je te casse la gueule. Et alors ? Et suivent des remarques courroucées sur l’enchristement des protagonistes, « des bons pères de famille » ! La justice ferait mieux de s’occuper des « vrais délinquants » et j’en passe des meilleures.

Cette violence qui semble coller avec le collège doit aussi être mise en perspective. Qui n’a jamais entendu ces nombreuses remarques sur l’ennui au collège, sur ce lieu où « mes enfants n’ont rien appris », voire sur le « je n’ai rien appris au collège » ? Par delà un ensemble de représentations que nous sommes à même de déconstruire – il est assez évident qu’un adolescent qui sait bien lire et bien écrire, qui vit dans un milieu porteur, va infiniment moins retirer de ses années-collèges. Donc le collège est surtout là pour les classes populaires. Ah ? La France est la mauvaise élève de la classe OCDE, son collège accentue l’échec scolaire ?

Regarder le monde en face

Il serait peut-être judicieux de se poser quelques questions ! On peut estimer que c’est la faute aux programmes et qu’un recentrage sur l’essentiel est nécessaire. On peut mettre en avant des méthodes pédagogiques d’apprentissage de la lecture « efficaces » et bannir les « mauvaises » méthodes (qui, au reste, ne sont plus utilisées depuis une trentaine d’années, mais c’est un autre propos).

On peut aussi enlever son bandeau, quitter sa salle de classe et regarder le vrai monde. Qui utilise peu les réseaux sociaux, n’a pas de console de jeux, n’accède pas facilement à un ordinateur ou à une télévision (et n’est pas abonné à un programme de vidéo en ligne) ? Qui doit utiliser le téléphone des copains pour avertir ses parents ? Qui, à part les bons élèves et les enfants de prof ?
Le bannissement des téléphones de l’enceinte des établissements scolaires (qui n’est pas totalement mauvais), tout comme le dédoublement des CP (qui n’est pas totalement mauvais) participe de la même analyse : l’organisation de l’école, qui date du XIXe siècle, est le modèle indépassable de l’apprentissage et de la réussite.

Renverser la classe

Il serait peut-être temps de se remettre tous en cause. Ce n’est pas en saupoudrant nos pratiques de quelques escape games ou de padlet que l’on va inverser la tendance ! Cela étant, au vue de la frilosité et de la rigidité du mammouth, peut-être qu’il vaut mieux renverser la classe et bricoler dans son coin.
Et les autres, justement, que font-ils dans leur coin ? Ils créent des tiers lieux. Des lieux favorables à l’apprentissage. Une salle de classe avec des îlots bonifiés ? Non, un « learning center ».

« Un learning center est un lieu pour l’apprentissage et l’acquisition des savoirs où l’individu se confronte à la connaissance sous des formes multiples, avec la médiation potentielle de personnels éducatifs (enseignant, bibliothécaire, médiateur, conférencier,…) mais aussi un lieu de vie, ouvert, favorisant l’échange ! C’est la diversité des modalités d’accès, physique et numérique, associées à leur facilité d’usage (disponibilité, ergonomie des espaces et des outils, ouverture horaire…) qui définit la qualité d’un learning center[1]. »

Pourquoi les learning center émergent-ils ? Parce qu’un lieu de travail, une bibliothèque, c’était un lieu de silence où les apprenants venaient chercher des livres ou des revues et prenaient des notes. Or, aujourd’hui, avec les méthodes actives, telles la pédagogie par projet ou la production collaborative de document, la salle de classe, comme la bibliothèque, n’est plus un lieu adapté aux possibilités d’apprentissage. Il faut des espaces différenciés, un lieu de silence pour le travail individuel, un lieu pour le travail de groupe, un lieu pour la collaboration et les échanges avec des pairs ou des enseignants, ou des documentalistes…

Peut-être que la violence que nous subissons tous les jours, au collège, n’est pas seulement due au changement de société ? Peut-être que cette violence est exacerbée par le sentiment d’échec d’une partie des apprenants ? Peut-être que le collège est une institution vieillissante qui n’est plus en phase avec la société et les modes d’apprentissage ? Peut-être qu’un changement est nécessaire ? Mais lequel ?

[1] Un excellent article sur ce site, d’où j’ai extrait cette citation. ?

 

Une chronique de Philippe Crémieu-Alcan

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