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Et si changer sa façon de parler, c’était changer le monde ?

Le 8 mars, c’est la Journée internationale des droits des femmes. Et NON, par pitié, ne dites pas « la journée de la femme », qui est une très très mauvaise traduction du nom officiel de cette manifestation internationale, officialisée par l’ONU en 1977 sous le nom de « Women’s day ». Il ne vous aura pas échappé que « women » est bien un pluriel, donc adoptons la bonne dénomination une bonne fois pour toutes, et tant pis pour la mauvaise traduction de l’ONU francophone. À l’occasion de cette journée, je voulais vous parler … de la façon dont on parle.

En tant que référente égalité fille-garçon de mon collège, j’essaye de faire mienne la maxime « le 8 mars, c’est tous les jours » ! Et qu’est-ce qu’on fait tous les jours, a fortiori lorsqu’on est enseignant ? On parle. Beaucoup. Alors, changeons la façon dont on parle pour faire progresser l’égalité !

Suivez le guide !

  • Je dis égalité « femme homme » ou « fille garçon »

Pour respecter l’ordre alphabétique, qui vaut ce qu’il vaut, mais qui a le mérite d’être neutre.

  • Je parle de « l’humain » plutôt que de l’homme avec un grand H.

Cette mini révolution est lourde de sens : le français possède un mot qui désigne à la fois l’homme et la femme, pourquoi s’en priver ? J’ai donc également cessé de parler des « Droits de l’Homme » et je dis désormais « Droits de la personne humaine », dans la lignée des « Human rights ».

  • J’utilise les noms féminins qui existent depuis des siècles, même si ça fait bizarre au début.

À ce propos… avez-vous remarqué le « professeuse » qui se cache dans le début de cet article ? (petite parenthèse : Je dis « professeuse » pour suivre la logique de la langue française : masseur/masseuse, voleur/voleuse … ce qui donne  : professeur/professeuse. Avant, je disais (ou plutôt j’écrivais) « professeure » mais cette façon de faire ne suit pas la logique de la langue française, car à ma connaissance, un seul couple de mot fonctionne de la sorte : un mineur/une mineure. Il est donc plus logique de suivre la règle majoritaire). Si vous souhaitez vous lancer, dites-vous bien que ce qui paraît bizarre ne l’est pas réellement : avant le 17e siècle et la grande campagne d’invisibilisation des femmes menée par l’Académie Française, tous les noms de métiers étaient féminisés : on disait « un médecine/une médecine », « un peintre/une peintresse », ou encore « un philosophe/une philosophesse ». Si on regarde la liste des noms féminins que l’Académie Française du 17e condamne, on constate qu’il s’agit essentiellement des activités qui, selon eux, sont dévolues aux hommes. C’est donc une manière de dire que les femmes ne doivent pas exercer ces activités, et de mettre celles qui les exercent dans une situation de transgression, car si ce n’est pas dans leur « nature », on peut donc se moquer d’elles. Et pour vous rassurer, dites-vous bien que tout n’est qu’une question de temps et d’habitude : plus personne ne dresse l’oreille lorsqu’on parle de (l’ex) chancelière allemande Angela Merkel, alors qu’à sa prise de fonction, cela paraissait inimaginable de féminiser le mot « chancelier ». Alors : osons !

  • Je donne un poids égal au féminin et au masculin quand je parle de groupes mixtes.

Si je dis « les ouvriers font grève » alors qu’il y a des femmes dans le groupe… c’est sexiste. On n’y pense pas car, qu’on le veuille ou non, nous vivons dans une société sexiste. Mais si on veut faire évoluer les choses, il faut cesser d’invisibiliser les femmes. Ce n’est pas si difficile que ça : « les français et les françaises vont devoir se prononcer sur le ou la prochaine présidente de la république ». Cette phrase est-elle si compliquée que ça ? Alors oui, ça prend un peu plus de temps … Mais l’égalité femme-homme mérite bien ces quelques mots de plus il me semble. Et pour ceux qui ont besoin d’un argument supplémentaire… qui a dit : « Françaises, Français, aidez-moi ! » ? De Gaulle, le 27 juin 1958, dans son premier discours télévisé après son retour au pouvoir. Si le général l’a fait, pourquoi pas nous ?

 

Je m’arrête là, même s’il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet. Vous remarquerez que je n’aborde pas l’écriture inclusive car, comme son nom l’indique, c’est une écriture, et donc cela ne relève pas du domaine du langage oral que je souhaitais aborder aujourd’hui.

J’espère que ces quelques pistes de changement trouveront écho parmi vous : quel meilleur jour pour se lancer dans ces menues évolutions que le 8 mars prochain ? Alors, à vous !

 

Bibliographie (pour celles et ceux qui souhaitent approfondir)

Cet article étant majoritairement fondé sur le travail d’Eliane Viennot, professeuse émérite de Littérature de la Renaissance, voici donc quelques articles et ouvrages qui ont fait évoluer ma façon de parler :

un article sur les noms féminins (et notamment une entrée sur le mot « professeuse »)

– son (court) livre Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, Editions IXe
– son (plus long) livre L’académie contre la langue française, Editions IXe

– un https://www.franceculture.fr/personne-eliane-viennot.html pour celles et ceux qui préfèrent l’audio !

 

Une chronique de Cécile Thivolle

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