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Stéréotypes de genre : ce qu’on transmet (sans le vouloir) en tant que parents

Je reproduis ici une partie de l’article de Julie Caron publié sur le site de Magicmaman pour lequel j’ai été interviewée, à la suite de la parution de mon dernier ouvrage « Le Manuel qui dézingue les stéréotypes« , aux éditions Eyrolles.

Elever son enfant sans se soumettre à des clichés, pour certains très ancrés, est-ce possible ? Les stéréotypes se nichent en effet partout, qu’on le veuille ou non, qu’on en ait conscience ou non. Mais alors comment permettre à ses enfants de choisir librement une activité sportive ou artistique ? L’égalité passe-t-elle aussi par les vêtements et les jouets? Allons-nous finir par encourager et valoriser des qualités habituellement prêtées aux femmes ?

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Revenons sur les thématiques qui peuvent nourrir ces préjugés et certains comportements stéréotypés.

  • Les vêtements de l’enfant

Une jeune maman nous raconte que son fils adore porter des robes. Elle trouve ça plutôt mignon et n’a pas été inquiète, jusqu’au moment d’entrée à l’école : « J’ai dû lui interdire de mettre des robes, car je savais que ça serait compliqué pour lui. Parfois je me demande si c’est normal que je réagisse comme cela », témoigne-t-elle. Amandine Hancewicz confirme qu’il est très difficile de dépasser cette problématique, car elle est soumise à un marketing fort. « Rien que dans l’espace du magasin, la binarité est présente puisqu’on nous demande de faire un choix entre l’espace fille et l’espace garçon », souligne-t-elle. Cependant, elle admet qu’on commence à remettre en question les habillements genrés, ne serait-ce que pour la couleur : « On sait désormais que le rose pour les filles, le bleu pour les garçons est un stéréotype. On arrive peu à peu à dépasser cela ». Mais comme le concrétise cette maman, la problématique est plus insidieuse : « Les vêtements masculins sont désormais considérés comme unisexes : un petite fille en pantalon-baskets n’attire pas l’attention et ne témoigne pas d’une intention particulière. A l’inverse, les jupes, les robes ou les paillettes renvoient encore exclusivement au féminin. Un petit garçon qui les porte est donc suspecté de vouloir rejeter son appartenance au genre masculin. Même dans le domaine du jeu, cela met encore les adultes mal à l’aise : on s’amusera de voir sa fille se déguiser en chevalier, mais beaucoup moins de voir son fils se déguiser en princesse ! », explique Nathalie Anton.about:blank

  • Le choix des jouets pour enfants

En tant que parents, même si l’on est attentifs à ne pas mettre les enfants dans des cases, difficile d’y échapper avec les jouets, comme le confirme Nathalie Anton : « Pour faire plaisir et rester dans le consensus, l’entourage va souvent offrir des ouvrages ou des jeux stéréotypés. Du côté des parents, même si l’on est conscient des clichés genrés que ces cadeaux véhiculent, il peut être compliqué de les refuser« . Même quand on est d’accord sur le principe, il est encore rare d’offrir une poupée à un garçon. « Pourtant, ils adorent, comme les petites filles, jouer avec. Ce n’est que vers l’âge de 3 ans qu’ils s’en détournent, lorsqu’ils prennent conscience que ce n’est pas ce que la société attend d’eux. Mais jouer à la poupée ne revient-il pas tout simplement imiter le rôle des parents et à prendre soin de l’autre ? Ces qualités altruistes précisément nécessaires au lien social ne devraient-elles être valorisées ?« , s’interroge Nathalie Anton. Les gens ne vont pas se rendre compte que ces petites choses rentrent dans une construction de l’identité. Le rose et les poupées enferment dans le délicat, le joli, le mignon. La fille va être encouragée à développer l’ordre, le soin, le rangement, le petit, l’esthétique. Quant aux garçons, on lui tend volontiers un camion, des avions, soit une ouverture vers l’extérieur. On les pousse aussi plus volontiers à jouer dehors et on les autorise plus facilement à se salir (motricité, habileté) donc ce n’est pas juste une question de jeux. Cela implique beaucoup de concepts :  avec une épée, on invite aux mouvements amples, on crie, on développe une rivalité avec un adversaire). Ce sont des comportements qui vont autoriser les garçons à prendre place dans l’espace, s’imposer davantage… Et les enfants intègrent très tôt ces attentes liées au féminin et au masculin. On observe que les garçons jouent spontanément avec des jouets très variés quand ils se croient seuls, mais qu’ils se conforment à ceux qui correspondent à leur genre lorsqu’ils se savent observés par des adultes. « Cela démontre que dès le plus jeune âge, ils ont déjà intégré la dévalorisation du féminin. Ils pensent qu’ils rencontreraient des regards réprobateurs en jouant à la poupée », décrypte Manuela.

  • Les activités extra-scolaires pratiquées

Audrey se souvient : « je voulais faire du rugby, comme mon père. Je me rappelle qu’il a accepté de m’emmener à un entraînement, mais a tenu à me faire tester d’autres activités. Bizarrement, mon frère a juste été inscrit au rugby et point ». Les enfants, comme les parents, ont tendance à se conformer à des modèles qui les rassurent : activités douces pour les filles et sports de combats ou collectifs plutôt pour les garçons. Manuela explique : « En tant que parents, on est soumis à des idéaux et à des imaginaires. On ne peut pas s’empêcher d’avoir des modèles qu’on transfère sur ses enfants, et on les encourage à des voix tracées. L’enfant va vite penser qu’il ne fait pas plaisir à ses parents s’il ne se conforme pas à leurs attentes ». Mais, au fond, qu’un garçon choisisse le foot, ce n’est pas un problème. La problématique est plutôt de savoir si l’enfant a choisi ou subi cette décision. Rarement un parent va en effet remettre en question ce choix initial s’il se conforme aux stéréotypes connus. « Cela demande de l’énergie d’aller contre la norme et on a envie de protéger ses enfants« , explique Nathalie Anton. « Cependant, ajoute-t-elle, essayons d’élargir leurs centres d’intérêt : pourquoi pas aller voir un match de foot avec sa fille qui fait de la danse ou un ballet avec son fils qui joue au foot ? »

  • Les comportements attendus de l’enfant

« Certes, la différence physique femme-homme saute aux yeux, et l’homme et la femme ont des rôles complémentaires sur le plan de la reproduction. Toutefois, on en déduit trop aisément que leurs personnalités et leurs comportements devraient eux aussi être différents et complémentaires : les filles seraient douces et les garçons agressifs, les filles seraient dans la coopération et les garçons dans la compétition, les filles seraient calmes et les garçons énergiques… Mais ces qualités ne sont pas « naturelles » : elles sont culturelles et construites par l’éducation », décrypte Nathalie Anton. Les attributs féminins se classent ainsi encore trop souvent en opposition aux attributs masculins. S’observe ensuite une hiérarchie de ces traits au détriment du féminin, car le masculin reste le référent de validation. Manuela : « Notre souhait n’est pas seulement d’encourager les filles à développer des compétences que l’on prête aux garçons. L’idée, c’est aussi de valoriser certaines valeurs sociales, dans le soin, dans l’attention à l’autre, entre autres exemples que l’on prête plus facilement aux femmes. »

Comment donner de bons repères aux enfants ?

Pour Nathalie Anton, la première chose à faire, c’est déjà de prendre conscience de ces stéréotypes. « C’est important de les connaître et de les comprendre. On n’est pas toujours conscients qu’on incarne soi-même des stéréotypes, sans le vouloir », estime-t-elle. C’est d’ailleurs pourquoi Manuela Spinelli et Amandine Hancewicz ont choisi dans leur ouvrage de détricoter l’origine de certains clichés. Ainsi, elles nous apprennent que la prédominance du rose dans l’univers féminin est très récente puisqu’elle remonte seulement aux années 80. Ensuite, il est possible d’entrer dans un dialogue avec l’enfant, pour l’interroger sur sa perception de ce que peuvent ou doivent faire les filles et les garçons, encourage Nathalie Anton. Il est ensuite nécessaire de pointer du doigt les stéréotypes quand votre enfant y est confronté : « Partir du principe louable que les filles et garçons sont égaux sans creuser le sujet davantage risque de renforcer les stéréotypes : en effet, l’enfant observe les inégalités à l’œuvre, et il en tire ses propres conclusions. Donc il est nécessaire d’ouvrir la discussion pour déconstruire les clichés observés ». Enfin, parfois, il peut être envisageable d’avoir recours à une sorte d’interventionnisme : « S’il.elle ne veut inviter que des garçons ou que des filles à son anniversaire, on peut lui demander pourquoi et l’inciter à convier un groupe mixte », donne-t-elle comme exemple.

Amandine estime par ailleurs que les pratiques non sexistes ne se retrouvent pas seulement dans ce que nous consommons : « Si le sujet des jouets et vêtements revient souvent, c’est peut-être parce qu’on lie énormément l’éducation à un domaine consumériste. Or, on peut complètement déconstruire certains préjugés et avoir un regard critique sans rien acheter. Dans les façons de parler, les façons de raconter une histoire, le vocabulaire (notamment celui des métiers, en parlant des pompiers et des pompières). Mais aussi, réfléchissant à l’exemple que l’on donne, en temps que parents et donc en partageant les tâches par exemple », explique-t-elle.

Lutter contre le sexisme : une question de parents, mais pas que…

Manuela Spinelli tient finalement à rappeler que les parents ne sont pas les seuls à éduquer les enfants : « En tant que parents, il est intéressant de s’interroger sur ce que l’on voudrait transmettre à nos enfants et les clichés que l’on ne veut pas reproduire. Mais il existe beaucoup d’autres vecteurs de transmission : livres, dessins-animés, crèche, école… Les parents ne peuvent pas et ne doivent pas porter tout le poids de l’éducation non-genrée, donc pas de culpabilité à avoir si l’on tombe dans certains écueils », rassure-t-elle. « En écrivant notre livre, nous étions très soucieuses à comment le rédiger pour ne pas alimenter la charge mentale des mères. En tant que parents, on a forcément une marge de manœuvre, mais à la fois, l’origine des stéréotypes nous dépasse bien souvent et surtout, elle nous précède. La responsabilité est donc collective. Ce n’est pas un échec individuel de voir son enfant céder à certains clichés », rassure Amandine.

Le rôle de l’école dans les stéréotypes de genres est donc crucial selon toutes nos auteures. « L’Education nationale forme nos enfants : elle a une force de frappe ou de changements sociales énormes. C’est intéressant de se poser cette question-là. La lutte contre toutes les discriminations, plutôt que d’être sur une surcharge des parents, en particulier des mères », estiment Manuela et Amandine. Elles détaillent :  » L’école conserve un héritage raciste, colonialiste et sexiste qui est peu analysé. Il continue de transmettre des clichés racistes et sexistes. L’éducation nationale à sa création avait des vocations civilisatrices : on éduquait les garçons en futurs citoyens et les filles en futures mères. A l’heure actuelle, les démarches qui luttent contre le sexisme relèvent plus d’initiatives personnelles que d’un réel élan national. Ce qui fait qu’il y a une inégalité face à cette éducation », estiment-elles. Nathalie Anton, enseignante de lettres également, salue cependant l’intérêt que porte l’école à cette problématique de l’égalité, avec notamment la création d’un « référent Egalité» dans chaque établissement scolaire vers qui les parents peuvent se tourner.  Éduquer sans préjugés n’est en effet pas l’apanage des parents. A la société toute entière de s’y pencher.

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