Enseigner l’histoire au XXIe siècle

Un défi de l’enseignement de l’histoire est d’intéresser les élèves à des faits révolus, à des faits passés. Pour un enseignant d’histoire l’intérêt et l’utilité de l’histoire vont de soi, ce qui n’est pas forcément le cas pour un élève. Cela est d’autant plus vrai que les nouvelles technologies permettent un accès quasi instantané à la connaissance historique.

L’enseignant a un rôle à jouer car au fond c’est lui qui, par son cours, fait vivre l’histoire à ses élèves. Il fait renaitre, revivre le passé. Il rend vivant les sociétés passées, les évènements passés, les personnes du passé… L’enseignant n’est pas une page internet sans vie ni dynamique. Alors, comment intéresser les élèves né(s)s au XXIe siècle à l’étude du passé ? Ma réponse personnelle tient dans le fait de rendre l’histoire vivante, de faire (re)vivre l’histoire en classe. Pour cela, je vous propose un petit manifeste en 7 points (en plus ça porte chance) dont chacun commence par une lettre éponyme de ce manifeste : R-E-V-I-V-R-E.

Le manifeste

Si l’image du professeur d’histoire contant un épisode de l’histoire est une image ancienne et a parfois été critiquée, il y a un vrai retour en force du récit en histoire. Ces récits sont souvent très appréciés des élèves (au-delà du soulagement pour eux de ne plus avoir à écrire de cours pendant la pause récit !). Je me rappelle, quand j’étais élève, de l’une de mes enseignantes qui allait même jusqu’à éteindre les lumières lors de la phase « récit » afin de nous plonger dans l’ambiance !

L’histoire a beaucoup à voir avec le métier d’inspecteur. Un historien réalise une enquête à la recherche de sources (collecter des preuves matérielles, écrites…) qu’il examine (critique externe, critique interne…) et compare (adéquation, contradiction…) afin d’établir la vérité sur une situation donnée. Cette flamme enquêtrice peut inspirer les activités proposées aux élèves afin de se mettre dans la peau d’un « apprenti chercheur » qui doit enquêter sur une situation historique. L’idée est de mettre les élèves face à une situation problème et hop « vous avez 30 minutes pour trouver la solution » !

Il parait indispensable de varier les situations pédagogiques afin d’éviter une routine monotone et pour permettre de dynamiser les cours. La palette est tellement vaste ! Il y a du choix : récit, dialogue avec les élèves, activité individuelle ou en groupe, activité en salle informatique, visionnage d’une vidéo, écoute d’un son, étude d’une carte, démarche de projet… Comme dit l’expression, il faut varier les plaisirs !

L’histoire se veut, selon-moi, être vivante et imagée. Il faut pouvoir créer des images mentales à nos élèves en incarnant l’histoire : ne pas hésiter par exemple à projeter un diaporama avec 50 illustrations de l’Exposition universelle de Paris en 1889 afin que les élèves observent à quoi cela ressemblait, ce qui s’y faisait comme activités et « distractions ». Montrer des images prend du temps en classe mais je suis un fervent partisan de cette histoire illustrée. Je n’imagine plus faire un cours désincarné en parlant d’un sujet hors-sol en proposant deux textes. Cette considération vaut également, d’ailleurs, pour la géographie.

Il s’agit de valoriser les élèves dans leur maitrise de l’histoire. Plutôt que de ne voir que ce qui ne va pas et ce qu’ils ne savent pas, il est – je trouve – intéressant de partir de ce qu’ils savent ou maitrisent. Les élèves ont souvent des choses à dire sur l’histoire mais ils n’ont pas pris cette habitude car on ne les sollicite pas assez. Pourtant il est satisfaisant de voir combien ils ont bel et bien un rapport à l’histoire. Les discussions en cours ou en off avec les élèves sont très éclairantes de ce rapport à l’histoire : une série qui aborde une période historique, un jeu vidéo sur un personnage de l’histoire, un membre de la famille ayant participé à tel conflit, un objet à la maison faisant écho à un événement historique, un séjour en vacances à visiter tel lieu ou tel musée… Il ne faut pas oublier d’intégrer le vécu des élèves à l’histoire car, en les pressants, ils ont des choses à dire !

Les frustrations en histoire sont nombreuses. L’enseignement de l’histoire demande du courage intellectuel (si, si) : on ne peut pas tout dire, on doit avancer dans le programme, on doit faire des choix en sélectionnant quels personnages historiques on va faire passer à la trappe, quels événements on va devoir sacrifier, quels exemples ne seront pas mentionnés, quels documents seront montrés… L’enseignement de l’histoire demande aussi du pragmatisme : les élèves ne peuvent pas tout retenir, tout savoir… Il faut savoir accepter ces limites, ainsi que ses propres limites.

Il y a une nécessité d’innovations afin d’apporter de la nouveauté en histoire (quel beau faux paradoxe en histoire que de chercher la nouveauté). Cela peut passer par la mise en place de projets pédagogiques divers : une sortie pour aller au musée ou sur un lieu d’histoire, apporter des objets d’histoire en classe pour faire travailler les élèves dessus en leur faisant concrètement « toucher » l’histoire (monnaie, médaille, artisanat des tranchées, timbres, affiches…), introduire du numérique (reconstitution de Paris à la Révolution, jeux sérieux, visite dans un musée virtuel…), faire intervenir une personne ayant vécu une situation historique afin de travailler le témoignage, demander aux élèves de créer un jeu de société pour réviser le programme…

 

L’histoire relève du domaine du passé mais il ne faut pas oublier que ce sont nous, les contemporains, qui la faisons vivre. L’histoire n’existe que par le présent. Faire comprendre que l’histoire a été faite par des acteurs, c’est aussi une belle finalité à faire comprendre à nos élèves : ils sont les acteurs vivants de l’histoire qu’ils sont en train de vivre. Ils ont du pouvoir, le pouvoir sur l’avenir. Quelle belle leçon de mélange entre passé-présent-futur…

 

Une chronique de Sylvain Gérard

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