Qu’est-ce que l’enfance pour un enseignant en 2022 ?

L’enfance est une période clé dans la vie d’un individu, autant d’un point de vue cognitif, intellectuel, psychologique que de construction de repères socio-culturels. Elle est à prendre en compte comme une période très spécifique, et à haute responsabilité pour l’enseignant, car c’est une période de grande fragilité, de grande exposition aux traumatismes.

Voilà pour un cadre général. Toutefois, on est en mesure de se demander ce qui pourrait changer de la perception de l’enfance pour un enseignant dans le monde actuel. Nous avons trouvé quelque pistes de réflexion : 

Premièrement, depuis la pédagogie de la transmission et l’idée que l’enfant n’est pas encore parvenu au stade d’individu, nous avons fait du chemin. Ainsi, depuis Françoise Dolto, l’enfant est considéré comme un individu à part entière, et l’enseignement est envisagé dans une perspective beaucoup plus actionnelle, centrée sur l’enfant comme acteur, et donnant à l’enseignant un rôle d’accompagnant plutôt que de figure d’autorité. 

Une autre spécificité actuelle repose sur l’idée que l’enfance pourrait être un patrimoine en danger, à préserver. En tâchant d’éviter les écueils réactionnaires, nous pouvons parler d’une surexposition de l’enfance au monde des adultes (par le téléphone, Internet, la télévision, etc.) et d’une certaine hyper sexualisation (maquillage précoce, télé réalité, etc.). Le rôle de l’enseignant serait donc également de protéger une forme d’innocence que nous souhaiterions associée à l’enfance. 

Nous aurions enfin voulu parler du nouveau rôle de l’enfant lié aux enjeux actuels de crise économique, sociale, mais surtout écologique. Cela n’est pas réservé au corps enseignant, mais l’enfance est pour beaucoup devenue synonyme de construction d’avenir. L’héritage laissé aux enfants nous confère aussi le devoir de les former à vivre dans un monde instable, à s’adapter. Cette tâche incombe aux enseignants, ainsi que celle de préserver les enfants de la pression associée.

Comment peut-on être Persan ?

Les Lettres Persanes de Montesquieu s’inscrivent dans un courant littéraire, artistique et esthétique orientaliste. Dans un contexte de baisse des tensions diplomatiques avec l’Empire Ottoman, les cultures du Maghreb et du Moyen-Orient fascinent en Europe de l’Ouest.

Le personnage d’Usbek, dont on lit les impressions sur les habitants de Paris dans notre extrait, est originaire d’Iran (actuel). Il compare l’effet qu’il produit selon la façon dont il se vêtit.
Habillé d’un costume persan, il attire tous les regards, l’intérêt, la bienveillance, les louanges, mais également une forme de violation de son intimité (« je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure ») et de négation de son humanité (« comme si j’avais été envoyé du ciel »).
Au contraire, vêtu à l’européenne, il essuie une indifférence quasi-totale. Le seul intérêt que sa personne pourra susciter viendra à nouveau de son exotisme, et le ramènera à la dépréciation de son statut d’Homme (« Comment peut-on être Persan ? »).

Il y a dans les observations d’Usbek une forme d’interrogation quant à ce qui changeait de lui selon ses vêtements. Bien sûr, sa culture, bien qu’elle soit visuellement moins marquée (l’habit étant vecteur d’expression d’un art(isanat), d’une tradition et d’un mode de vie), n’est pas changée ou détruite. Elle devient toutefois une « culture invisible ». Et c’est le regard qui est porté sur elle qui est modifié.
Assez prosaïquement, on pourrait supposer qu’il s’agit simplement des attentes des interlocuteurs qui sont modifiées; on attend de celui qui est différent un discours qui aurait davantage d’intérêt que du discours de celui qui nous ressemble. Toutefois, ici, on comprend que l’attention portée à l’étranger n’est pas seulement celle qui relève d’une volonté d’enrichissement culturel, mais aussi d’une recherche de la mode.

En réalité, l’intérêt pour l’étranger dépend de la place qu’occupe sa culture dans la hiérarchisation que nous en faisons. Le port d’un marqueur culturel ne sera pas perçu de la même façon considérant son origine géographique, nos relations géopolitiques avec son lieu de provenance, etc. Il peut même souvent être davantage objet de crainte que d’attrait.

C’est ce phénomène de hiérarchisation des peuples et de leurs cultures qui justifie également le regard qui est porté sur l’étranger, et sur Usbek. Fut-il d’une autre ethnie, on aurait pu même le regarder comme un animal.

Bibliographie langagière

Les langues rouge brique sont mes langues familiales. Étant née d’une mère belge et d’un père belgo-britannique, j’ai été en contact dès ma plus tendre enfance avec le français, l’anglais, le néerlandais et le wallon (pour lequel j’éprouve une sympathie sans bornes). Je leur ai donné la couleur des maisons d’ouvriers belges et anglaises, et associé mes yeux ; elles ont été mes premiers vecteurs de vision du monde. 

Les langues jaune or sont les langues des pays qui m’ont accueillie, le breton, l’Occitan et le normand. Si elles m’ont longtemps semblé étrangères et inamicales, elles m’évoquent aujourd’hui des souvenirs de jeunesse dorée. Je leur associe le ventre, car j’ai tiré de la terre de ces contrées ce qui m’a nourrie.

Pour servir un objectif de vie, dans la mesure où je me voyais linguiste, j’ai appris quelques (beaucoup de) langues, mais les principales ont sans doute été le danois, le finnois et le mandarin. Avec le danois et le finnois, j’ai envisagé une installation, avec le mandarin une place en politique, en diplomatie ou dans les affaires (mais bon, c’est pas facile, quand on est anti-capitaliste). J’associe à ces langues le cerveau et un gris perle terre-à-terre, mais non sans agréments.

Mes langues de passion, auxquelles j’ai associé, de façon originale, le coeur, sont le russe et l’allemand. Elles sonnent pour moi comme des invitations, comme la voix des sirènes. Je vouerais ma vie à leur protection si nécessaire. Elles sont pour moi éminemment belles et culturelles. Je leur accorde un bleu roi très profond.

Citation de l’article de Krumm

« [La] « langue maternelle » est dans tous ses états en contact avec d’autres langues – par exemple par le biais des emprunts. Elle a incorporé au cours de l’histoire des éléments d’autres langues et par ces éléments, elle possède autant de ponts qui mènent vers d’autres langues. »

Cette citation de l’article de Krumm met en valeur une idée très intéressante : la langue n’est pas unifiée, elle est plurielle. De la même façon que toutes nos sociétés sont basées sur un mouvement de population, nos langues sont issues d’ajouts, d’emprunts, d’inspirations étrangères. Prenons le roumain, langue la plus latine qui soit, et demandons à un locuteur non exercé de la rattacher à un groupe, il vous la fera slave. Les appartenances politiques, les sphères d’influence, les bassins culturels transforment nos langues, les enrichissent ou les détruisent. Il y a, dans ce ballet, la très belle idée de nos ponts culturels, de nos rapprochements par l’acquisition d’un vocabulaire commun, de nos ouvertures sur le monde, et même de notre enrichissement culturel individuel (un vocabulaire étendu constituant une base nécessaire à un bon développement). Selon Krumm, et par cela, chaque langue serait déjà multicolore.

Cette citation m’a toutefois fait réfléchir sur les dérives auxquelles pouvait mener l’exercice. On devra prendre garde à ne pas faire de l’outre-relativisme en affirmant que toutes les langues ne sont que des mélanges fortuits. Il y a bien plus de profondeur que cela dans l’histoire linguistique.