Molière

Molière (1622-1673) par Nicolas Mignard.

Molière (1622-1673) par Nicolas Mignard.

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moliere (1)

Repères chronologiques

1622
Naissance à Paris de Jean Poquelin (qui prendra le nom de Jean-Baptiste deux ans plus tard, pour ne pas être confondu avec son petit frère, Jean), fils de Marie Cressé et Jean Poquelin, maître tapissier.
1632
Mort de la mère de Jean-Baptiste.
1633-1642
Études jusqu’en 1637 au collège des pères jésuites de Clermont (actuel lycée Louis-le-Grand), où sa passion pour le théâtre se développe. En 1642, arrêt de ses études de droit à Orléans.
1643
Décision de Molière (qui prend officiellement ce nom à cette époque) de devenir comédien. Création de sa troupe de théâtre, « L’Illustre Théâtre », avec sa compagne Madeleine Béjart.
1645
Dissolution de la troupe à cause de difficultés financières importantes.
1646-1650
Intégration de Molière et des Béjart à la troupe de Dufresne, protégée par le duc d’Épernon. Début d’une vie nomade et difficile : représentations à Bordeaux, à Agen…
1651-1652
Perte de la protection du duc d’Épernon. Durant la même période, abandon par Dufresne de la direction des comédiens : Molière est à nouveau chef de troupe. En 1652, patronage par le prince de Conti de la troupe qui porte son nom.
1655
Création de la première pièce de Molière, L’Étourdi, inspirée de la commedia dell’arte.
1656
Arrêt du patronage du prince de Conti qui se convertit au jansénisme et qui devient l’un des plus violents ennemis des pièces de Molière.
1658-1659
Installation de la troupe à Paris, sous la protection de Monsieur, frère du roi. Triomphe inattendu du Docteur amoureux, un divertissement joué devant le roi. Malgré cela, entêtement de Molière à jouer des tragédies de Corneille, alors que le public populaire lui réclame des comédies. En novembre 1659, première représentation des Précieuses ridicules qui assoit la réputation et le succès du dramaturge.
1660-1661
À travers Le Cocu imaginaire, création du personnage de Sganarelle qui se retrouve dans L’École des maris, pièce jouée au théâtre du Palais-Royal en 1661. La même année, représentation des Fâcheux pour le surintendant Fouquet qui inaugure la comédie-ballet.
1662-1663
En 1662, mariage de Molière avec Armande Béjart qui est la sœur ou la fille de Madeleine Béjart, son ancienne maîtresse. La même année, création de L’École des femmes, dont le succès suscite de nombreuses critiques. En guise de réponse, mise en scène par Molière de La Critique de L’École des femmes et de L’Impromptu de Versailles.
1664
Représentation des trois premiers actes de Tartuffe à l’occasion d’une grande fête dans les jardins de Versailles. Conspuation par la cabale des dévots de cette pièce qui sera interdite et qui ne sera achevée qu’en 1669.
1665
Création de la pièce Dom Juan, également interdite après quelques représentations. Patronage par Louis XIV de la troupe qui prend le nom de « Troupe du Roi, au Palais-Royal ».
1666
Représentation du Misanthrope, dont l’accueil est mitigé. Décision de Molière de créer un grand nombre de « petites » comédies en quelques mois, telles que Le Médecin malgré lui ou L’Amour médecin.
1667
Problèmes de santé qui obligent Molière à se reposer et à délaisser quelque temps la scène.
1668
Création d’Amphytrion et de L’Avare.
1669-1670
Élaboration de comédies-ballets telles que Monsieur de Pourceaugnac (1669) et Le Bourgeois gentilhomme (1670).
1672
Mort de Madeleine Béjart, ce qui affecte beaucoup Molière. Représentation de sa dernière grande comédie en vers : Les Femmes savantes. Nouveau drame : Lulli obtient de Louis XIV le privilège exclusif des ballets et de la musique dans les spectacles.
1673
Création du Malade imaginaire. Mort de Molière quelques heures après une représentation de cette pièce.

L’auteur et le roi

Molière est particulièrement en faveur auprès de Louis XIV qui accepte même d’être le parrain de son fils aîné. Le roi protège l’auteur des attaques du parti dévot et le charge des divertissements royaux.
« Si le Roi n’avait eu autant de bonté pour Molière à l’égard de ses Femmes savantes, que Sa Majesté en avait eu auparavant au sujet du Bourgeois gentilhomme, cette première pièce serait peut-être tombée. Ce divertissement, disait-on, était sec, peu intéressant, et ne convenait qu’à des gens de lecture. « Que m’importe, s’écriait M. le Marquis ***, de voir le ridicule d’un Pédant ? Est-ce un caractère à m’occuper ? Que Molière en prenne à la Cour, s’il veut me faire plaisir. » « Où a-t-il été déterrer, ajoutait M. le Comte de ***, ces sottes femmes, sur lesquelles il a travaillé aussi sérieusement que sur un bon sujet ? Il n’y a pas le mot pour rire à tout cela pour l’homme de Cour, et pour le Peuple. » »
Extrait de La Vie de M. de Molière écrit en 1705 par J.-L. Gallois, sieur de Grimarest.

La mort de l’auteur

La légende prétend que Molière, homme de théâtre sans pareil, serait mort sur scène en interprétant le personnage d’Argan. En réalité, le comédien est mort quelques heures après avoir achevé la quatrième représentation duMalade imaginaire.

La Mort de Molière, 1673 par Émile Renard (1850-1930) et François Antoine Vizzavona (1876-1961), © RMN/ François Vizzavona.
Grimarest est l’auteur de la première biographie de Molière, qui servira de source principale à toutes les biographies postérieures. Pour l’écrire, il s’est appuyé sur sur le témoignage de l’acteur Baron, l’un des fidèles de Molière.
Dans l’extrait ci-dessous, il souligne intentionnellement la fin relativement pieuse de celui qui s’est attiré les foudres des dévots et qui n’a pas eu le temps de renier avant sa mort sa vie de comédien – ce qui théoriquement lui interdit les obsèques religieuses. Seule l’intervention directe du roi permettra à Molière d’obtenir une inhumation chrétienne.
« Quand la pièce fut finie, il prit sa robe de chambre, et fut dans la loge de Baron, et il lui demanda ce que l’on disait de sa pièce. M. Baron lui répondit que ses ouvrages avaient toujours une heureuse réussite à les examiner de près, et que plus on les représentait, plus on les goûtait. « Mais, ajouta-t-il, vous me paraissez plus mal que tantôt. — Cela est vrai, lui répondit Molière, j’ai un froid qui me tue ». Baron, après lui avoir touché les mains, qu’il trouva glacées, les lui mit dans son manchon pour les réchauffer ; il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui ; et il ne quitta point sa chaise, de peur qu’il ne lui arrivât quelque accident du Palais-Royal dans la rue de Richelieu, où il logeait. Quand il fut dans sa chambre, Baron voulut lui faire prendre du bouillon, dont la Molière avait toujours provision pour elle ; car on ne pouvait avoir plus de soin de sa personne qu’elle en avait. « Eh, non ! dit-il, les bouillons de ma femme sont de vraie eau-forte pour moi ; vous savez tous les ingrédients qu’elle y fait mettre : donnez-moi plutôt un petit morceau de fromage de Parmesan. » Laforest lui en rapporta ; il en mangea avec un peu de pain, et il se fit mettre au lit. Il n’y eut pas été un moment qu’il envoya demander à sa femme un oreiller rempli d’une drogue qu’elle lui avait promis pour dormir. « Tout ce qui n’entre point dans le corps, dit-il, je l’éprouve volontiers ; mais les remèdes qu’il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie. » Un instant après, il lui prit une toux extrêmement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière : « Voici, dit-il, du changement. » Baron ayant vu le sang qu’il venait de rendre s’écria avec frayeur. « Ne vous épouvantez point, lui dit Molière : vous m’en avez vu rendre bien davantage. Cependant, ajouta-t-il, allez dire à ma femme qu’elle monte. » Il resta assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter pendant le carême, et auxquelles il donnait l’hospitalité. Elles lui prodiguèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvait attendre de leur charité, et il leur fit paraître tous les sentiments d’un bon chrétien, et toute la résignation qu’il devait à la volonté du Seigneur. Enfin, il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortait par sa bouche en abondance l’étouffa. Ainsi, quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. J’ai cru que je devais entrer dans le détail de la mort de Molière, pour désabuser le public de plusieurs histoires que l’on a faites à cette occasion. »
Extrait de La Vie de M. de Molière écrit en 1705 par J.-L. Gallois, sieur de Grimarest.

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