La Princesse de Clèves.

L’action de La Princesse de Clèves se déroule en 1558, à la cour du roi Henri II. Mlle de Chartres, 16 ans, élevée par sa mère dans les principes d’une morale rigoureuse, paraît pour la première fois au Louvre. Le prince de Clèves, ébloui par sa beauté, tombe amoureux d’elle au premier regard et la demande en mariage. Mlle de Chartres, qui n’a aucune expérience de l’amour, l’épouse en n’éprouvant pour lui qu’une grande estime. Au cours d’un bal, elle rencontre le duc de Nemours. Un amour immédiat et partagé naît entre eux. Mme de Chartres, mourante, conjure sa fille de lutter contre cet amour coupable. Désormais sans soutien moral, Mme de Clèves se retire en province, afin d’éviter M. de Nemours. Mais ils sont destinés à se revoir…

Jugements sur l’œuvre

Mme de Lafayette
Elle juge son propre roman, dont elle se refuse à faire connaître qu’elle en est l’auteur. « Je le trouve très agréable, bien écrit, sans être extrêmement châtié, plein de choses d’une délicatesse admirable, et qu’il faut même relire plus d’une fois, et surtout ce que j’y trouve, c’est une parfaite imitation du monde de la cour et de la manière dont on y vit. Il n’y a rien de romanesque, ni de grimpé ; aussi n’est-ce pas un roman, c’est proprement des mémoires et c’était, à ce que l’on m’a dit, le titre du livre, mais on l’a changé. » (Extrait de la lettre écrite par Mme de Lafayette en 1678 et adressée à Lescheraine, secrétaire de Mme Royale de Nemours-Savoie.)
Voltaire
« La Princesse de Clèves et sa Zayde furent les premiers romans où l’on vit les mœurs des honnêtes gens et des aventures naturelles décrites avec grâce. Avant elle, on écrivait d’un style ampoulé des choses peu vraisemblables. » (Extrait du Siècle de Louis XIV, 1754.)
Sainte-Beuve
« Il est touchant de penser dans quelle situation particulière naquirent ces êtres si charmants, si purs, ces personnages nobles et sans tâche, ces sentiments si frais, si accomplis, si tendres ; comment Mme de Lafayette mit tout ce que son âme aimante et poétique tenait en réserve, des premiers rêves toujours chéris, et comme M. de la Rochefoucauld se plut sans doute à retrouver dans M. de Nemours cette fleur brillante de chevalerie dont il avait trop mésusé. Ainsi ces amis vieillis remontaient par l’imagination à cette première beauté de l’âge où ils ne s’étaient pas connus, et où ils n’avaient pu s’aimer. » (Extrait de Portraits de femmes, 1852.)
Taine
« Ce style est aussi mesuré que noble ; au lieu d’exagérer, Mme de Lafayette n’élève jamais la voix. Son ton uniforme et modéré n’a point d’accent passionné, ni brusque. D’un bout à l’autre de son livre, brille une sérénité charmante ; ses personnages semblent glisser au milieu d’un air limpide et lumineux. L’amour, la jalousie atroce, les angoisses suprêmes du corps brisé par la maladie de l’âme, les cris saccadés de la passion, le bruit discordant du monde, tout s’adoucit et s’efface, et le tumulte d’en bas arrive comme une harmonie dans la région pure où nous sommes montés. C’est que l’excessif choque comme le vulgaire ; une société si polie repousse les façons de parler violentes, on ne crie pas dans un salon. » (Extrait d’Essais de critique et d’histoire, 1866.)
Stendhal
« Le bonheur de Don Juan n’est que de la vanité basée, il est vrai sur des circonstances amenées par beaucoup d’esprit et d’activité ; mais il doit sentir que le moindre général qui gagne une bataille… a une jouissance plus remarquable que la sienne ; tandis que le bonheur du duc de Nemours quand Mme de Clèves dit qu’elle l’aime est, je crois, au-dessus du bonheur de Napoléon à Marengo. » (Extrait de De l’amour, 1822.)
Jean Cocteau
« Les ombres, les angoisses, les épouvantes, les fuites, les reprises, les reculs, les larmes de la Princesse nous laissent entendre les rêves qui doivent la tourmenter la nuit. Là, ceux qui subissent une règle deviennent libres et trompent impunément ceux qui les regardent dormir. Que deviennent Mme de Clèves et le duc dans leur sommeil ? Sade et Freud s’ébauchent dans ces âmes qui se croyaient simples. » (Extrait de la préface de La Princesse de Clèves.)
Chardonne
« L’auteur avait connu peut-être comme un remords, un tel amour. M. de Lafayette qui adorait sa femme a beaucoup compté pour Mme de Lafayette. Et c’est bien sa propre vie qui donne aux trois-quarts de ce récit, ce goût de vrai qui nous touche encore. Elle définissait tout son mérite quand elle disait de son œuvre « Ce n’est pas un roman ». C’est aussi un roman, l’un des plus beaux que je connaisse, un roman aristocratique par excellence, non point à cause de ses princes, mais parce que rien n’y est outré. » (Extrait deTableau de la Littérature française, 1939.)
Albert Camus
« La Princesse de Clèves. Pas si simple que cela. Elle rebondit en plusieurs récits. Elle débute dans la complication si elle se termine dans l’unité. À côté d’Adolphe, c’est un feuilleton complexe. Sa simplicité réelle est dans sa conception de l’amour ; pour Mme de Lafayette, l’amour est un péril. C’est son postulat. Et ce qu’on sent dans tout son livre comme d’ailleurs dans La Princesse de Montpensier, ou La Comtesse de Tende, c’est une constante méfiance envers l’amour. (Ce qui bien entendu est le contraire de l’indifférence.) » (Extrait de Carnets, posthume, 1964.)

Coup de foudre à la cour

La La Princesse de Clèves est le premier roman sentimental de l’histoire du genre. L’auteur y plonge ses personnages dans les affres de l’amour impossible, Mme de Clèves se refusant à aimer M. de Nemours pour ne pas trahir son époux, qu’elle estime à défaut d’éprouver pour lui de la passion, et respecter la parole donnée à sa mère mourante. Cet extrait est le récit de leur première rencontre.
Extrait
Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec M. de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait et à qui on faisait place. Mme de Clèves acheva de danser et, pendant qu’elle cherchait des yeux quelqu’un qu’elle avait dessein de prendre, le roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que M. de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer, augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne, mais il était difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement
M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini sans leur donner le loisir de parler à personne et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient et s’ils ne s’en doutaient point.
— Pour moi, madame, dit M. de Nemours, je n’ai pas d’incertitude, mais comme Mme de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.
— Je crois, dit Mme la dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien.
— Je vous assure, madame, reprit Mme de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.
— Vous devinez fort bien, répondit Mme la dauphine, et il y a même quelque chose d’obligeant pour M. de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l’avoir jamais vu.
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