Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 12 bis EASy’R

Il n’y a pas de « blog 12 bis » dans Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Mais cette partie-là n’est pas inintéressante.

1.     EASy’R ; un processus d’apprentissage ”idéal”

 

Dans son ouvrage Evaluer des compétences, guide pratique[1], François-Marie Gérard présente un processus d’apprentissage idéal[2] que l’auteure résume dans un jeu de mots E.A.Sy’R. Il s’agit de séquencer les apprentissages en quatre moments successifs : l’exploration, l’analyse, la synthèse et le réinvestissement. Attention, ces trois derniers termes n’ont pas la hiérarchie évaluative de la taxonomie des objectifs de Bloom, on est là plus proche de la valeur sémantique de ces verbes.

La phase d’exploration a pour objectif de faire découvrir ce qui va être étudié. On parlait naguère de « document d’accroche » en didactique de l’histoire-géographie. Mais ce peut être plus large que cela. Nous le verrons un peu plus loin. La phase d’analyse correspond à une étude approfondie, par exemple de documents qui permettent de « faire un tour » de la question. La phase de synthèse peut être la trace écrite, le résumé de ce que les élèves devront garder en mémoire, une fiche-méthode réutilisable. Enfin, la phase de réinvestissement est un moment de réutilisation des connaissances qui viennent d’être travaillées. Il ne s’agit pas là du fameux contrôle ou bilan ou évaluation. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il n’est pas question ici de sommatif mais d’ancrage des connaissances.

Donnons quelques exemples. En géographie, en histoire et en mathématiques. Commençons par la géographie, en 6e pour le chapitre « Habiter un espace à forte contrainte ».

 

EASy’R en géographie, en 6e

Explorer

On pourrait commencer par le visionnage d’un court documentaire sur la vie d’une communauté humaine dans les Andes. Le professeur alors par quelque moyen que ce soit, magistral, cours dialogué ou autre, mais, attention, il s’agit d’une phase assez rapide, amène la classe à se demander ce qui va être étudié ? Quel type d’espace sera au programme ? Comment les hommes y vivent ? Ont-ils aménagé quelque chose de particulier ? Pourquoi constate-on tel fait ici et pas ailleurs ?

 

Analyser

Cette deuxième phase plus longue consiste à faire une « étude de cas », en fait l’étude d’un lieu. Par exemple, le Mato Grosso au Brésil. Localisons, situons puis essayons de caractériser ce lieu en utilisant, tout ou partie, au choix, une carte de la répartition de la population au Brésil, une photographie (mécanisation, défrichement, habitat de fortune, manifestations…), un graphique (production de lait, de soja, croissance de la population, superficies des défrichements…), un texte. La classe étudie les trois ou quatre documents sélectionnés par le professeur « à fond » sans perdre de vue les questions posées dans la phase d’exploration. Il ne s’agit pas d’étudier ce lieu pour lui-même. On pourrait même commencer à chercher des ressemblances avec les Andes et des différences.

L’idéal serait de pouvoir faire, d’avoir le temps, une seconde étude de cas peut-être plus rapide, sur une station de ski dans les Alpes ou dans les Rocheuses. Là encore chercher tout d’abord des caractéristiques, après avoir localisé et situé bien entendu puis des ressemblances et des différences avec les deux premiers lieux étudiés.

 

Synthétiser

Cette phase pourrait commencer par le rassemblement de tout ce qui a été collecté dans les deux premières sur un planisphère, dans un tableau à double entrée. Localiser certes mais aussi placer les informations type « pays riche/pays émergent/ pays en voie de développement », données bioclimatiques, répartition de la population.

Dans cette phase, en géographie, on change d’échelle. On passe de l’échelle locale à l’échelle mondiale. On se demande si tous les espaces à fortes contraintes ont les mêmes caractéristiques ? S’ils sont situés aux mêmes endroits ? Comment les Hommes y valorisent ou pas leurs contraintes ?

Une trace écrite élaborée avec les élèves ou par le professeur à partir de leurs idées permet de conclure par la définition d’un espace à forte contrainte, la typologie de ces espaces avec quelques exemples d’aménagements. Là encore, cette trace écrite peut être un texte, un tableau, une fiche-méthode, une liste des questions à se poser pour caractériser un espace.

Ici, le professeur de géographie devrait faire son contrôle-bilan, son évaluation finale, corriger, noter et apprécier si l’élève a appris/compris/travaillé et hop, il pourrait alors le sentiment du devoir accompli passer à un autre chapitre, d’une autre matière.

Et c’est ici que François-Marie Gérard préconise de différer encore le temps de l’évaluation (enfin, il ne le dit pas, c’est l’auteure qui le fait), FMG n’évoque même pas l’évaluation dans cette partie, en tout cas, pas la sommative.

 

Réinvestir

L’objectif de ce moment est la manipulation des connaissances acquises précédemment par les élèves afin qu’ils se les approprient. La question n’est pas de savoir s’ils ont appris leurs leçons mais plutôt de leur proposer d’utiliser celles-ci pour mieux les apprendre. Ce moment se passe encore en classe. Le professeur est donc là pour observer chacun, guider, relancer, étayer et désétayer. Avec ce chapitre on arrive à la fin de l’année, il va être temps que les élèves deviennent un peu plus autonomes dans leurs apprentissages et dans leur travail personnel en classe. Ceci-dit, mieux vaut étayer que regarder dormir.

Cette phase de réinvestissement est aussi une phase de mobilisation des ressources, à très court terme certes. Les savoirs engrangés dans la séquence sont utilisés, vivants et non lettres mortes.

Une troisième étude de cas est donc possible. Soit la même pour tout le monde, pourquoi pas en zone arctique ? Soit au choix des élèves, on ne reviendra pas sur l’efficacité de l’auto-détermination dans la motivation des élèves, soit au choix du professeur parmi un panel représentatif. On peut mixer les deux propositions.

 

Les collègues qui ont enseigné la géographie avant la réforme du collège ont reconnu ici la démarche inductive imposée par les programmes de 2008, sauf que ces programmes n’imposaient pas la phase de réinvestissement qui en fait toute l’efficacité pour les apprentissages. Les programmes de 2016 nous ont « délivré » de la démarche inductive. Pourquoi délivrer ? Dans le chapitre précédent[3] , nous nous sommes penchés sur la différenciation et la diversification pédagogiques.  Diversifier c’est aussi cela, ne pas se cantonner dans une procédure intellectuelle. L’inductif c’est bien. Le déductif aussi. L’hypothético- déductif c’est encore mieux.

 

 

EASy’R en histoire en 3ème

Cette séquence trouve sa place après l’étude de l’URSS de Staline qui a déjà permis, d’une manière ou d’une autre, de caractériser un régime totalitaire.  Elle a donc un double objectif : la réactivation des connaissances du précédent chapitre, de découvrir une autre dictature, et même un troisième puisqu’il s’agit d’apprendre à réfléchir et organiser des informations.

 

Pendant la phase d’exploration, les élèves reçoivent une vingtaine de petits textes numérotés sur une feuille recto-verso, à lire en travail personnel hors de la classe et ils doivent à réfléchir à un premier classement de ces textes. Les textes proposés sont la plupart du temps extraits de manuels, parfois très anciens, par exemple un article de l’Humanité du 4 novembre 1922 « Et Valenti fut tué » ou encore un extrait du règlement de Dachau ou bien une chronologie du Japon de 1927 à 1936[4]. Mais aussi « Pour rendre à notre peuple sa grandeur, il faut exalter la personnalité du chef et donner à celui-ci tous les droits »[5].

En classe, les idées de classement sont listées au tableau et les élèves les justifient. La plupart repère des origines géographiques et propose un classement en colonne, une par pays. Rare sont ceux qui vont au-delà. Une année, quelqu’un proposa un tri par nature des textes : témoignage, article de journaux, mémoires, chronologie, texte législatif. Aucun n’alla jusqu’à croiser ces deux idées pour élaborer un tableau à double entrée.

Pendant la phase d’analyse, les petits extraits sont étudiés un par un, en commençant par ceux illustrant le stalinisme (réitérer les connaissances par un apprentissage multi épisodique), en continuant par ceux issus du nazisme. On cherche à retrouver toutes les caractéristiques (les attributs, dans la démarche de Britt-Mari Barth[6]) avec les textes soviétiques puis à chercher quel texte de l’Allemagne nazie correspond à cette caractéristique.

S’il reste du temps, si la classe percute, on peut approfondir avec le fascisme et le Japon de Hiro-Hito[7] ou encore proposer un travail facultatif pour les plus curieux, continuer à classer les textes selon les attributs des dictatures.

La phase de synthèse est collective et consiste à créer un tableau comparatif des dictatures.

Le réinvestissement peut consister à fournir aux élèves un petit corpus pour répondre à la question suivante, « La France de Vichy est-elle un régime totalitaire ? ». Avant d’avoir étudié ce chapitre, bien sûr.

 

EASy’R en mathématiques

Un autre exemple concerne ici les mathématiques et plus précisément l’apprentissage de la programmation. La toute première séance se passe en salle multimédia, les élèves sont en binôme sur un ordinateur et se connectent au site « Une heure de code »[8]. Les élèves ont à écrire un programme, sous forme d’ordres en blocs, pour que leur personnage atteigne le but proposé avec plus ou moins de contraintes.  Ils peuvent faire autant d’essais qu’ils en ont besoin, sachant qu’un thème terminé leur permet d’en faire un autre dont le chalenge sera plus intéressant. Après la présentation de la progression à suivre, les quatre temps d’EASy’R se font au rythme de chacun, pratiquement sans intervention du professeur. Les élèves doivent proposer des agencements des blocs de consigne pour faire bouger leur personnage. Ils commencent donc par explorer les différentes commandes et ensuite analysent les effets de celles-ci. Les contraintes imposées, le nombre maximal de blocs à utiliser par exemple, les obligent à pousser leur analyse, à en discuter la pertinence et à adopter la procédure qui va permettre d’atteindre l’objectif.

A chaque fin de partie, le professeur demande aux binômes un retour sur les commandes utilisées et ce qu’elles ont permis de faire, on est dans la phase synthèse. Le réinvestissement est immédiat et se fait à plusieurs reprises car les parties suivantes intègrent les commandes qui viennent d’être découvertes. Il sera temps ensuite de passer au logiciel qui permet de travailler plus spécifiquement les points de programmes attendus. Mais les bases de la programmation sont atteintes pour chacun.

 

EASy’R pour permettre aux élèves de développer leurs compétences

La même démarche est utilisable pour le travail autour des compétences que le socle et les nouveaux programmes nous demandent de développer chez les élèves. Nous ne pouvons pas développer les compétences des élèves à leur place mais nous pouvons faire en sorte d’organiser notre enseignement en proposant des situations dans lesquelles les élèves vont pouvoir s’entraîner, conscientiser, auto évaluer et développer eux-mêmes leurs compétences.

Regardons ce que cela donnerait pour une compétence de plus en plus demandée par l’institution qui reste un sujet d’interrogation pour de nombreux collègues, l’oral en classe. Depuis l’année scolaire 2016-2017, l’oral fait même l’objet d’une épreuve du brevet. Comment pourrait-on utiliser EASy’R pour permettre aux élèves de monter en compétences et d’arriver sereins à l’examen ?

  1. Explorer : quelques élèves volontaires prennent la parole, par exemple pour un petit exposé, sans conséquence c’est-à-dire pas de notes.
  2. Analyser : qu’est-ce qu’une prestation orale réussie ? Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire ? Laisser la parole aux élèves. Noter ce qu’ils disent. En commentant le moins possible si on veut qu’ils s’approprient ces informations, ni même reformuler.
  3. Synthétiser : organiser les informations dégagées par les élèves dans une petite fiche, un tableau, un petit outil consultable A CHAQUE FOIS QU’IL Y A UN ORAL A FAIRE. Jusqu’à ce que l’élève n’en ait plus besoin. Il est plus efficace que ce soit le professeur qui fasse cette fiche à condition de rester très près des formulations des élèves. Il n’est pas impensable qu’un élève s’en charge.
  4. Réinvestir : s’essayer à la prise de parole en public, par exemple pour rendre compte d’un texte lu. Si possible, là encore, sans notation, avec une évaluation orale, collective, bienveillante, c’est-à-dire à la recherche de tout ce qui a été réussi, appuyée sur la fiche élaborée en phase de synthèse.

 

Quatre exemples de cette démarche d’apprentissage conçus par des collègues en stage interdisciplinaire sont consultables sur un des blogs de l’auteure[9].

Une proposition de l’auteure :

Pour la phase d’exploration, il est possible de visionner de « vrais » élèves de 3ème lors d’une prestation orale en classe[10].

Regardez Ziyad entre 2’59 et 3’25, Pauline (5’40-6’12) et Gwénaëlle (5’09- 5’27). N’oubliez de dire à vos élèves de ne pas se moquer car il a fallu beaucoup de courage pour prendre la parole devant une caméra, tous n’ont pas accepté de le faire.

 

En 2012-2013, cette démarche a été essayée, la classe de 3e qui a visionné les extraits a proposé comme critères d’un oral réussi « la langue (phrases correctes, langage soutenu), la voix (être audible, articuler, ton vivant, rythme adapté), la durée (5 minutes), le contenu (qui ait du sens, complet, intéressant, du vocabulaire, dans le sujet (pertinent, exact), et l’attitude (aucun geste parasite, on regarde le public, on connaît son texte sans réciter, sans lire, être convaincant). Ce sont ces critères qui ont été réutilisés tout au long de l’année en histoire-géo, en français, avec la professeure documentaliste lors de chaque moment d’histoire des arts. Lors de l’épreuve en mai 2013, selon les collègues, les prestations ont été plutôt meilleures que d’habitude. Pour qu’elles soient encore meilleures, il faudrait réfléchir à « élaborer un diaporama qui ne fera mourir d’ennui votre public ». Grâce à François-Marie Gérard, it could be easyer !

 

Les trois « R »

La lecture de ce qui précède montre des exemples des années antérieures. Depuis 2016-2017, l’auteure a modifié en EASY’RRR. En effet, développer une compétence, progresser, c’est long et difficile. Il faut à certains élèves plusieurs essais. C’est donc au(x) professeur(s)[11] là encore de faire en sorte d’organiser leur enseignement pour que les élèves y parviennent. En histoire-géographie-EMC, il est souhaitable que chaque chapitre soit l’occasion non seulement d’apprendre les ressources du programme, la prise de la Bastille mais aussi de développer les compétences au programme. L’auteure propose donc aux collègues en stage d’associer « un chapitre, une compétence », toute l’année. Grosso modo, à la trente-sixième semaine, chaque élève aura eu l’occasion de s’entraîner au moins trois fois (les trois R de EASY’RRR) pour chaque compétence. Il n’y aura plus qu’à évaluer les progrès et en prendre note. Nous y reviendrons dans la quatrième partie de cet ouvrage.

 

[1] François-Marie Gérard,  2008, Evaluer des compétences, guide pratique[1], De Boeck, 1ère édition

[2] page 25. Ceci est une invitation à lire ou relire ce chapitre de François-Marie Gérard, avec des exemples et des définitions, un exercice d’application et un de mise en œuvre personnelle.

[3] Partie 1, chapitre2, différencier/différencier

[4] L’auteure est au courant que ces dictatures ne sont pas au programme de 2016 ni même de celui d’avant.

[5] Ecrit dans la forteresse de Landsberg en 1923. L’auteur y fut détenu neuf mois.

[6] cf. dans ce chapitre, le texte précédent

[7] Qui ne sont pas au programme de 3ème.

[8] https://hourofcode.com/fr

[9] http://lewebpedagogique.com/anniedimartino/2012/11/22/permettre-a-nos-eleves-de-devenir-plus-competents-a-loral/

[10] Un film tourné par Thierry Foulques, « Compétences in vivo 2 », http://www.youtube.com/watch?v=d_9mDQ9qtuU

Séquence détaillée : http://lewebpedagogique.com/anniedimartino/2011/11/30/752/, « différenciation pédagogique en classe entière ». (Ce film a été tourné à d’autres fins, il n’a pas d’intérêt d’être visionné en entier avec votre classe).

[11] cf. partie 2, chapitre 2, Enseigner les tâches complexes : Piano à plusieurs mains

posted by anniedim in Non classé and have No Comments

No comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

buy windows 11 pro test ediyorum