Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 28

Ceci est un complément à la page 106 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Le niveau auquel on évalue

 Quelle différence faites-vous entre ces deux consignes relevées dans un sujet de français :

  • « Quels sont les deux temps utilisés dans ce texte ? Relevez-les et justifiez leur emploi. (2 points) »
  • « Dans le geste de Roger (premier paragraphe), montrez ce qui a provoqué la colère de Gabrielle. (0,5 point) »

Quelle est celle qui a le plus haut degré de difficulté ?

 

C’est à ce sujet qu’après la seconde Guerre Mondiale, le gouvernement fédéral américain a confié à Benjamin Bloom[1] une recherche sur la pertinence des examens pour les étudiants d’université. Ce psychologue américain (1913-1999), spécialisé en pédagogie, a donc dirigé un groupe de psychologues à l’université de Chicago.

Cette recherche a débouché en 1956 sur « une hiérarchie de comportements intellectuels qui facilitent l’apprentissage et favorisent la maîtrise des concepts »[2]. Elle s’appelle la taxonomie des objectifs cognitifs de Bloom. Elle est traduite en français en 1969. Elle est liée au courant du behaviorisme qui correspond à la conception de l’apprentissage dite pédagogie par objectif (PPO).

La taxonomie est étymologiquement une loi de classement. Il s’agit donc ici de la hiérarchie entre les différents types de questionnements lors d’une évaluation. Elle ne fixe pas une hiérarchie entre les méthodes d’apprentissage. Chaque individu a un fonctionnement différent pour ce faire.

 

La taxonomie de B. Bloom

Niveau 1 : Mémoriser

Au sens strict : mémoire lexicale

Se constituer un vivier de connaissances par l’apprentissage par cœur

Faire resurgir, réciter comme un perroquet, chanter en japonais sans connaitre la langue

Niveau 2 : Comprendre

Au niveau le plus élémentaire

Pour la tester, on donne le matériau : exercices à trou, exercices sous forme de question vrai/faux ou exercices à modèles

Niveau 3 : Appliquer

Nécessite une lacune à combler

3 temps : identifier la situation, trouver l’abstraction (règle, propriété, définition, …), l’appliquer correctement au problème posé

Niveau 4 : Analyser

Extraire d’une situation complexe ou décomposer une situation en sous situations et les hiérarchiser

Niveau 5 : Synthétiser

Réunir les éléments pour former un tout (ex rédaction)

Production d’œuvre personnelle, de plan d’action, généralisations en mathématiques, …

Niveau 6 : Évaluer ou imaginer

Formuler des jugements, établir des critères, comparer des œuvres, …

Travailler sur la rigueur et la cohérence

 

Toujours d‘après Benjamin Bloom, les trois premiers niveaux forment le stade de la connaissance et les trois derniers le stade de la maitrise.

Revenons à nos exemples de départ.

  • « Quels sont les deux temps utilisés dans ce texte ? Relevez-les et justifiez leur emploi. (2 points) » ; niveau compréhension puis application.
  • « Dans le geste de Roger (premier paragraphe), montrez ce qui a provoqué la colère de Gabrielle. (0,5 point) » ; niveau analyse.

 

Une première remarque, les verbes utilisés étant des traductions littérales de l’anglais, ils prêtent à interprétation. En particulier le dernier « Évaluer » qui parle plutôt d’esprit critique et de créativité. De même, la mémorisation est ici lexicale, elle ne correspond pas à une mémorisation de compréhension qui est faite des liens avec ce qui est déjà connu.

Cécile Delannoy[4] ajoute maintenant un niveau intermédiaire entre les niveaux 1 et 2 qui est « Automatiser ».

 

Cette hiérarchie n’existe pas entre les niveaux 4 et 5. En effet, on est ici dans le fonctionnement individuel. Pour certains d’entre nous l’analyse est plus facile alors que pour les autres c’est la synthèse qui le sera. Le travail scolaire permet de travailler les deux niveaux donc à un stade assez élevé d’études, nous sommes autant capables de l’un que de l’autre.

Un petit test, utilisé en formation, permet de le vérifier en stage.

« Que voyez-vous dans ce dessin ? » :

A la question, les stagiaires donnent deux types de réponse :

Réponse 1 : une montagne, une tente, un triangle, un bec de canard vu avec une narine, un chapeau de clown, une pyramide …

Réponse 2 : une montagne avec un homme en bas, une tente avec l’entrée, deux segments avec un point, un chapeau de clown avec le nez, l’entrée d’une pyramide …

Au premier regard, certains ont une image synthétique de la globalité alors que les autres voient les éléments qui la composent et sont sur le niveau analyse. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Mais on peut penser que chaque professeur a tendance à demander à ses élèves ce qui lui semble le plus naturel ou à l’inverse ce qui lui semble le plus difficile … de plus, il peut aussi éprouver des difficultés à comprendre les erreurs des élèves qui sont les plus éloignés de sa manière de fonctionner. Il faut alors faire attention aux jugements abusifs.

 

Que peut-on utiliser pour mieux maitriser le niveau des consignes posées aux élèves ?

Pour évaluer, le professeur a besoin d’observer la production de l’élève. Celle-ci est déclenchée par un verbe d’action. En contre-exemple, la consigne « Trouvez les axes de symétries de figures géométriques » ne permet pas cette observation. Un élève qui dit ou écrit « J’ai trouvé » a-t-il réussi ce que la consigne demandait ? La réponse est embarrassante. En toute honnêteté, il faudrait répondre oui alors qu’il est impossible de savoir ce qu’il a effectivement trouvé. Les consignes de ce type sont maintenant très rares et à la place, on trouve : « Écrire sous la figure combien elle a d’axes de symétrie et les tracer lorsque c’est possible ». Cette fois, les réponses sont observables et peuvent être évaluées.

On devrait donc pouvoir repérer le niveau de difficulté d’une consigne aux verbes d‘action utilisés. Certains classent directement les actions dans le niveau taxonomique correspondant. C’est le cas de :

  • « Réciter le théorème de Pythagore » ou « Écrire la date de la bataille de Marignan » pour le niveau 1.
  • « Calculer la longueur AB en utilisant le théorème de Pythagore » ou la même question sans indication de la propriété à utiliser mais à la fin du chapitre la concernant. On est alors au niveau 3.

D’autres consignes impliquent de passer d’un niveau à l’autre. C’est le cas par exemple des études de document qui impliquent le niveau analyse suivi d’une rédaction de la réponse au niveau de la synthèse.

François Muller[5] propose sur son site un tableau pour identifier le niveau de complexité des objectifs pédagogiques. La richesse des différents niveaux à travailler avec les élèves est imposante.

Cette taxonomie permet de prendre conscience des exercices le plus souvent demandés à ses élèves et ainsi de s’obliger à varier pour que chacun puisse progresser sur tous les types d’exercices.

[1] Taxonomy of Educational Objectives, 1956, trad. : Taxonomie des objectifs pédagogiques, vol. 1 : Domaine cognitif, Presses de l’Université du Québec, 1975.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Bloom

[3] Alain Lieury Cerveau & Psycho, n°41 S, 2010

[4] C. Delannoy, Une mémoire pour apprendre, Hachette éducation, 2007.

[5] http://francois.muller.free.fr/manuel/definirunobjectif/apports.htm

 

 

 

 

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