Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

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Ceci est un complément à la page 121 (en bas) de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Apprendre par les tâches complexes : quelle évaluation par/pour les élèves ?

 

Développer les compétences des élèves, on l’a assez dit, c’est impossible. En revanche, on peut les placer en situation de développer eux-mêmes leurs compétences. Pour cela, rien de mieux voire rien d’autre que les tâches complexes. Mais quand placer celles-ci ? C’est à vous, réfléchissez-y deux minutes.

Avant les apprentissages, ou pendant ou après ? Les trois ! Mais la fonction ne sera pas la même.

Placer les élèves devant une tâche complexe avant les apprentissages sera l’occasion qu’ils prennent conscience de ce qu’ils ont à apprendre tant en termes de connaissances que de compétences. Cela permet d’introduire la séquence d’apprentissage[1].

La séquence peut continuer avec une autre ou d’autres tâches complexes. Celles-ci ont alors pour fonction de découvrir les ressources à apprendre, de les structurer, de commencer à les mémoriser en situation.

Après les apprentissages, la classe peut être amenée à réaliser une troisième tâche complexe dans laquelle ils devront réutiliser le plus possible des ressources apprises pendant toute la séquence. En fait, un nouvel apprentissage viendra se greffer là, celui de la mobilisation des ressources. Dans l’idéal, si le professeur disposait du temps nécessaire, une nouvelle tâche complexe pourrait être proposée aux élèves.

 

Roegiers estime que le plus facile à faire quand on n’est pas encore habitué à la pédagogie de l’intégration est de placer la tâche complexe à la fin des apprentissages. Il ajoute que quelques mois devraient suffire à l’enseignant pour intégrer la tâche complexe à ses ressources didactiques et qu’alors celle-ci trouvera aisément sa place au début et en cours d’apprentissage. Force est de reconnaître que les choses ne paraissent pas si simples. Les collègues savent à peu près tous expliquer ce qu’est une tâche complexe, beaucoup ont encore des difficultés à l’utiliser en classe. Les travaux interdisciplinaires sont peut-être un meilleur lieu didactique pour ce faire ?

 

Quel que soit le moment de la tâche complexe, comment l’évaluation vient-elle accompagner les apprentissages ? Et ici l’auteure ne parle pas de notes mais bien d’éléments d’évaluation. Les élèves ne sont pas des « carnets de notes sur pattes » mais des individus qui ont besoin de feed-back, d’informations et d’accompagnement pour construire leurs apprentissages. Une note ne fournit pas assez d’information pour pouvoir progresser. Il s’agit d’évaluer pour apprendre et non d’évaluer pour recevoir une note. Gare à « l’évaluationnite ». Il ne s’agit pas d’évaluer tout, tout le monde, tout le temps.  Les étoiles du tableau ci-contre illustrent par exemple des moments d’évaluation lors d’une séquence d’enseignement/apprentissage.

Il s’agit davantage d’enclencher un discours, un processus évaluatif. Les enseignants doivent prévoir des pauses évaluatives régulières, à tous les moments de la séquence.  Ils doivent inviter chaque élève à s’interroger. L’essentiel n’est pas de sanctionner par une note les apprentissages des élèves mais de co-construire avec eux et pour eux un catalogue, une banque de stratégies efficaces.

 

Cela peut suivre différentes modalités :

–  monologue de l’élève avec lui -même, qu’est-ce que je sais ? qu’est-ce que je ne sais pas encore ? qu’est-ce que je dois apprendre ?…

– échanges des élèves entre eux, comment on s’y est pris pour aller au bout ? ce qui a fonctionné et qu’on doit reproduire ? ce qui n’a pas été satisfaisant et qu’on devra éviter une prochaine fois ? ce qui nous parait positif dans ta production ? ce qui doit être amélioré…

– dialogue évaluatif élève(s)–professeur : ici, la parole du professeur n’est pas la plus intéressante.  Qu’il soit davantage secrétaire qu’orateur, par exemple pour repérer où se situent les difficultés des élèves et quel travail de consolidation il doit préparer pour la suite.

 

L’auto évaluation est d’un niveau taxonomique très élevé ; il s’agit d’une activité intellectuelle de haut niveau. Elle est pourtant indispensable, peut-être même la seule indispensable dans le cadre des apprentissages car on ne sait que quand on sait qu’on sait (ou qu’on a su). C’est donc une activité à mettre en place dès les petites classes et cela peut être tout simple, rapide et prendre la forme d’un questionnement du style « est-ce que j’ai réussi ma production ? Qu’est-ce qui me fait dire cela ? » ou encore si la classe a l’habitude des tableaux de réussite et de progrès « ai-je réussi à passer au niveau au-dessus ? A quoi devrais-je penser la prochaine fois pour progresser ? ».

 

Revenons au tableau ci-dessus et essayons de l’illustrer par une séquence d’apprentissage. Imaginons que la production finale attendue soit un exposé sur l’Europe de la révolution industrielle. Le professeur invite les élèves à lire la leçon dans le manuel et quelques élèves volontaires viennent faire le compte-rendu de leur lecture à l’oral devant la classe. Ensuite, en trios ou en quatuors, les élèves co-évaluent ce qu’ils ont entendu, avec ou sans CED selon qu’ils ont déjà travaillé l’oral dans ce cours ou dans un autre, en ayant pour consigne de relever tout ce qui a été positif. Quelques minutes suffisent suivies ou non d’un temps individuel pendant lequel chacun notera sur son cahier ce qu’il a retenu de cet échange à propos de l’oral, et non pas des savoirs à apprendre.

Puis les cours suivent leur cours, études de documents, lectures, recherches, travaux de groupes, apports magistraux ou autres. A la fin de la première leçon, chaque élève sur son cahier des apprentissages fait le point, par exemple: suis-je capable d’écrire une dizaine d’informations sur le sujet ? Ou bien: qu’est-ce que j’aimerai comprendre mieux pour en parler dans mon exposé de fin de chapitre ? A la fin de la deuxième ou troisième leçon, le professeur fait le point sur les ressources apprises par les élèves soit, par exemple, par un contrôle de mémorisation soit par un exercice de vrai ou faux, intéressant quand l’élève doit rectifier les réponses fausses, ou toute autre démarche. Il pointe où en sont ses élèves dans les apprentissages. Il peut également observer la classe au travail : qui utilise les atlas historiques de la bibliothèque ? qui sort régulièrement son cahier des apprentissages ? qui a emprunté un ouvrage documentaire au CDI ou dans la bibliothèque de la salle ? ou plus simplement qui lui pose des questions ? qui se reporte au tableau des niveaux de réussite et de progrès pour se souvenir de ce qu’il faudra faire bientôt ? Qui demande de l’aide aux « élèves-ressources » dans la classe pour une question d’orthographe ou d’indication chronologique ou autre ?

Que faire de toutes ces observations ? Un sujet d’échanges avec le ou les élèves dont le professeur a constaté qu’ils faisaient bien ceci ou cela. En incitant ceux qui oublient qu’ils disposent d’usuels dans la salle de classe de s’y reporter ou en vérifiant qu’ils savent se servir d’un atlas, au besoin de le leur expliquer.

Après trois ou quatre heures de travail en classe accompagnés de travaux personnels à l’extérieur, voici venir le temps des exposés oraux. Comment faire passer trente élèves ? En leur demandant de faire leurs exposés à un public restreint, en équipes. Ce sont alors les co-équipiers, après l’exposé et dans une discussion qui vont indiquer à l’orateur son positionnement dans le TNR. Le tableau ci-dessus indique « positionnement temporaire », non parce que celui -ci doit être validé par l’enseignant mais parce que l’élève aura d’autres occasions de faire des oraux et qu’il pourra donc continuer de progresser. Pour le collègue stressé à l’idée de ne pas vérifier lui-même, il pourra confier son téléphone portable à un responsable et celui-ci filmera une intervention dans son groupe. Ainsi le professeur ne verra pas et n’entendra pas tout le monde mais il pourra « contrôler » la qualité de ce qui a été dit.

 

[1] Xavier ROEGIERS, La pédagogie de l’intégration, De Boeck, 2012.

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