Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Archive for janvier, 2019

Des visages dans une porte version hiver

Après la version automne,

Des visages dans une porte

voici la version hiver:

Fils n°2 estime que : » le truc au milieu, ça fait tartine grillée, le bleu est trop terne, le rouge aussi. Le reste, ça va ». Et vous?

 

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La reine des courges

Il était une fois au pays des blés, une cultivatrice qui se prénommait Gervaise. Gervaise cultivait des courges. Des courges de toutes sortes, de grandes, des petites, des allongées, des rondes, des bosselées, des plates et d’autres encore. Leurs teintes variaient du blanc cassé des pâtissons au vert foncé des courgettes et des concombres, en passant par le crème bleuté des butternuts et l’orange vif des potirons et autre potimarrons.

Gervaise aurait bien aimé produire d’autres plantes, comme des fleurs. Elle était obsédée par l’envie de voir pousser sur ses terres des pavots de toutes les couleurs. Pourquoi des pavots me direz-vous ? Parce qu’elle adorait les coquelicots qui fleurissaient dans les champs de blé, profitant des chaleurs estivales pour sortir de terre et illuminer de rouge les champs écrasés de soleil. Mais au pays des blés, chacun-chacune avait un rôle assigné et ne cultivait pas des pavots qui le voulait …

Elle se contentait donc d’admirer les dessins accrochées aux murs de la boutique du pépiniériste. Les pétales colorés des pavots, à l’aspect brillant, étaient comme froissés et semblaient révéler une faiblesse et un appel à l’attention qui touchaient le cœur de Gervaise. Les longues tiges permettaient aux fleurs de saisir le moindre souffle d’air et ainsi de se balancer gracieusement, créant une illusion de ballet au chef d’orchestre invisible, même croquées dans l’instant. Gervaise les imaginait prêtes à s’envoler pour d’autres horizons, elle qui n’avait jamais dépassé les limites de son village.

Quelles différences avec ses courges qui rampaient au ras du sol, accrochées à leur terrain, étalant leurs larges feuilles, permettant aux limaces et autres escargots de les investir, leurs fruits lourds vautrés sur la terre. Les ramasser et les porter lui cassaient le dos. Sans compter les soupes et purées innombrables qu’elle se sentait obligée de réaliser et de manger pour ne pas perdre celles qu’elle n’avait pas vendues.

« Ah oui ! Cultiver des courges n’offrait pas autant de satisfactions que de cultiver des pavots. » se disait-elle envieuse à chaque passage dans la boutique.

Un beau jour, ou plus sûrement une fin d’après-midi pluvieuse, alors qu’elle rentrait dans sa fermette trempée et fourbue, elle tomba nez à nez avec un colporteur qu’elle n’avait jamais encore rencontré. Il tirait un chariot bâché dans lequel se trouvait tous les trésors des colporteurs qui passent de ferme en ferme. Sa grande cape grise usée flottait autour de lui, laissant par moment voir des habits qui ne paraissaient pas aussi fatigués que son vêtement de dessus. Il était d’ailleurs remarquablement propre pour quelqu’un qui chemine dans les sentiers boueux. Il tenait en main un large chapeau de feutre noir, où était accroché une clochette qui tintait joliment, symbole de son métier. Pourtant, Gervaise ne l’avait pas entendu arriver.

« Bonjour Gervaise ! » la salua-t-il. Elle se demanda comment il connaissait son prénom, alors, elle ne prononça qu’un faible et circonspect salut à son tour. Il poursuivit : « Je suis nouveau sur cette tournée mais j’ai les listes de mes prédécesseurs et je sais tout de vos occupations. Je me suis promené dans vos champs, je vous ai vue à l’œuvre. Je sais quel soin vous apportez à cultiver sans relâche, à vous efforcer de tirer le maximum de ces courges, que vous ne vous découragez jamais, même si vous auriez bien quelques envies d’une autre vie. » Il se retourna brusquement et farfouilla sous la bâche du chariot en marmonnant pour lui-même : « Ça alors ! Mais où est-ce que j’ai bien pu le fourrer ? » Il finit par sorti un long parchemin, rempli de lignes et de lignes encore. Gervaise le regardait faire en ouvrant de grands yeux, se tenant les reins de fatigue …

Son parchemin en main, le parcourant des yeux, il continua : « Le comité des colporteurs a plus de pouvoirs que vous ne le pensez et nous sommes aussi missionnés pour récompenser les cultivateurs les plus méritants. J’ai le plaisir de vous annoncer que vous êtes la suivante sur notre liste et à partir de cet instant … »  Il la regardait maintenant dans les yeux. « … j’ai l’honneur de vous annoncer que vous avez obtenu votre mutation dans une ferme dont le cultivateur vient de prendre sa retraite et que dorénavant, vous allez vous occuper de vos chers pavots ! Vous êtes promue horticultrice. »

Gervaise n’en croyait pas ses oreilles … terminé le dur labeur des courges, elle allait pouvoir s’occuper de ces si gracieuses plantes, des qui ne restent pas au ras du sol, des qui peuvent s’élever et apporter tant de satisfactions autrement plus oniriques et flatteuses que les bataillons de courges qu’elle avait pourtant entretenus avec soin durant toute sa carrière !

Alors, Gervaise fit son baluchon et suivit le colporteur vers son nouveau lieu de vie. S’en rapprochant, elle perçut d’abord comme un murmure autour d’elle, les fleurs se penchaient, curieuses, pour voir leur nouvelle soigneuse. Dans la lumière faiblissante, elle ne vit pas bien, ce premier soir, à quoi ressemblaient ses nouvelles protégées mais elle se sentait remplie d’allégresse.

Dès le lendemain matin, elle s’informa des différentes espèces de cette grande famille ; elle s’étonna de sa diversité parmi les vivaces et les annuelles. Elle compris les différents types de sol et  d’engrais. Elle s’attacha à découvrir ce qui leur permettrait de s’épanouir pour le mieux. Et elle se mit au travail. En passant dans les allées bien nettes, elle se permettait parfois de frôler de la main ces chères têtes qui se dressaient fièrement vers le ciel, éprouvant un véritable bonheur et un épanouissement qu’elle avait cru ne jamais obtenir.

Les saisons passèrent, avec elles tant et tant de fleurs de toutes les couleurs, toujours si gracieuses, qui donnaient à Gervaise l’envie de se surpasser tant elles lui rendait bien la sollicitude dont elle les entourait. Jusqu’au jour où sa vie bascula à nouveau.

Elle se rendit compte qu’une sorte de spleen l’envahissait chaque fois qu’elle voyait sur un étal une courgette, un concombre, un potiron. Et les soupes qu’elle mangeait maintenant ne lui paraissaient pas si savoureuses qu’avant. Sa nostalgie ne l’empêchait pas de continuer à bien s’occuper de ses si jolies fleurs mais tout le monde peut s’occuper de jolies fleurs, tout le monde aime les jolies fleurs. Elle se rendait compte que ses courges bosselées, cabossées, non seulement lui manquaient mais aussi qu’elles nécessitaient des soins plus pointus, des idées nouvelles pour toujours leur permettre de donner le meilleur d’elles-mêmes. Cette sorte de challenge, elle ne le trouvait pas à ne s’occuper que de ces belles fleurs. Elle finit pas se dire que son caractère la poussait à ne jamais être satisfaite et à toujours envier la vie des autres. La déprime la plus profonde la gagnait.

C’est alors que réapparu le colporteur, agitant cette fois la clochette caractéristique. « Eh bien Gervaise ! Qu’est-ce que je comprends ? En fin de compte, les courges vous manquent ? Savez-vous qu’à votre place, cinq cultivateurs se sont succédé, ne sachant empêcher la maladie des courges. Elles ne donnent plus, ne grandissent plus. En un mot, elles ont besoin de vous et vous vous languissez d’elles. Allez, venez, je vous ramène auprès de celles qui vous attendent avec la plus grande impatience ! »

Avant de repartir, le cœur à nouveau léger, Gervaise prit le temps d’aller saluer les fleurs si gracieuses. Celles-ci la regretteraient sûrement un peu mais l’oublieraient au profit d’un nouvel horticulteur. Elles les remercia néanmoins des joies qu’elles lui avaient offert et les assura de ne jamais les oublier. Puis elle se mit en route, pressée maintenant de retrouver celles qui avaient besoin d’elle.

Il fallut un bon moment à Gervaise pour retrouver la confiance de ses courges mais elle prit grand soin d’elles et réussit à les aider à grandir à nouveau. Ce ne fut pas une mince affaire mais c’était un bonheur différent qui l’enveloppait maintenant, loin des fulgurances de plaisir que donne une fleur parfaite. Et, au mois de juin, quand la chaleur commença à faire murir les blés, elle aperçut dans ses champs de timides coquelicots se mêler au vert des courges et trembler dans les moindres souffles d’air. Elle se sentit alors baigner dans la sérénité.

La sérénité, oui, je crois bien que c’est le mot juste.

Anne-Marie, le 12 janvier 2019

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Les liens directs vers les compléments

Plus simple et plus rapide, voici les liens directs vers les compléments de Faire progresser tous les élèves, enseigner pour qu’ils apprennent, publié en Décembre 2018 chez L’Harmattan, par Anne-Marie Sanchez et Annie Di Martino.

N’hésitez pas à poster un commentaire, il suffit d’avoir un compte sur le web pédagogique, c’est gratuit.

En revanche, merci de le faire à « visage découvert » et non sous pseudonyme.

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/16/blog-1/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/18/blog-2/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/18/blog-3/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-4/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-5/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-6/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-7/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-8/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-9/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-10/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/20/blog-11/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/26/blog-12/

– https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/03/blog-12-bis-easyr/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/26/blog-13/

–           https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/26/blog-14/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/26/blog-15/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/27/blog-16/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/27/blog-17/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/27/blog-18/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/27/blog-19/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/27/blog-20/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/10/27/blog-21/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/02/blog-22/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/02/blog-22-bis/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/02/blog-23/

–          http://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/15/blog-24

–          http://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/16/blog-25/

–          http://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/17/blog-26/

–          http://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/11/18/blog-27/

–          http://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/24/blog-28/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/24/blog-29/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/24/blog-30/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/24/blog-31/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/24/blog-32/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-33/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-34/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-35/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-36/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-37/

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–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-39/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-39/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-40/

–          https://lewebpedagogique.com/annemarieetannie/2018/12/25/blog-41/

Vous pouvez acquérir l’ouvrage sous format papier ou numérique ici:

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=61702

Bonne lecture,

Anne-Marie Sanchez et Annie Di Martino

 

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La petite fille

La petite fille est assise dans un square. A quoi songe-t-elle ? Songe-t-elle à l’instant présent ? à sa vie d’avant ? à celle de demain ?  Il faut dire que Tatiana vient de loin. De loin par la distance, elle vient de l’est des montagnes de l’Oural. Le voyage en train a été long et fatigant. Assise entre sa grand-mère qui psalmodiait et un inconnu qui sentait fort la transpiration, elle a pourtant bien dormi, bercée sans doute par le rythme des prières. Arrivée à la gare, sa grand-mère l’a serrée fort contre elle, parfum de cuisine au beurre du kolkhoze. Elle lui a donné un bout de feuille jauni où sont écrits quelques mots en cyrillique. Puis elle l’a laissée …

Soudain, elle se lève, intriguée par les personnes sur un promontoire qu’elle aperçoit au loin. Que contemplent-ils ? Cela a le mérite de la sortir de sa léthargie. Elle s’avance doucement vers cet arc de cercle et se penche à son tour. Son image s’ajoute aux reflets dans l’étang. Cela ne trouble pas le couple de cygne qui déjà s’en va au loin … Tatiana se demande si parmi ces gens, quelqu’un connait la rue écrite sur le papier que lui a donné sa grand-mère.

Elle voit bien ce que regardent ces gens : une basilique de métal aux formes géométriques sort de terre. Le soleil envoie ses rayons sur les multiples faces, l’aveuglant un petit peu. Que c’est beau ! elle n’a jamais imaginé qu’une basilique pouvait avoir cette forme. Sûr que les prières vont aller droit au ciel avec un bâtiment si imposant. Comme sa grand-mère aurait été impressionnée. Si elle revient un jour, il faudra l’emmener ici. Le bruit que font les machines ne la trouble pas. Son regard redescend vers son poing serré, elle se rappelle le papier.

Va-t-elle oser les déranger ?

Anne-Marie, Lorient,  le 19/8/16

Texte écrit à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP

 

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L’inventeur aux ailes d’or

Il était une fois, au pays des bulots, une femme prénommée Anne-Marie. Elle était grande, blonde et ses yeux bleus posaient sur la vie un regard serein. C’était une belle femme comme il en est au pays des bulots. Elle vivait avec son mari, pêcheur de bulots, ses deux grands garçons et son petit chien, pas très loin de l’usine dans laquelle elle travaillait, l’usine de biscottes. Tous les jours de la semaine, elle enfourchait son vélomoteur vers les cinq heures du matin en s’en allait gagner de quoi faire vivre sa famille, qu’il fasse beau ou qu’il vente et pleuve comme souvent au pays des bulots. Cela ne l’empêchait pas d’illuminer la journée de qui la croisait de son grand et lumineux sourire.

Ce sourire, elle le garda malgré sa frayeur, quand un après-midi qu’elle était seule chez elle, elle entendit un grand bruit venant de le ruelle bordant sa maison. Intriguée, elle arriva bientôt à la porte d’entrée et l’entrouvrant, elle jeta un coup d’œil dehors. Un gros nuage de poussière l’empêcha tout d’abord de voir quoi que ce soit. Et petit à petit, une tête émergea en toussant sous les cris moqueurs de goélands. Les yeux écarquillés, elle observait l’apparition. « Vous êtes tombé ? Vous êtes blessé ? » lui dit-elle. Le jeune homme s’épousseta en secouant négativement la tête. Le nuage retombait à terre et elle aperçut avec stupeur les bouts d’ailes dorées qui dépassaient de derrière les épaules de son vis-à-vis. Celui-ci, remarquant son étonnement, leva les bras au ciel et s’excusa : « Désolé si je vous ai fait peur. Je crois que mes ailes ne sont pas encore au point. Heureusement que je ne volai pas trop haut … je ne me suis pas fait mal, merci. » Il s’essuya les mains sur ses pantalons et se présenta. Elle comprit qu’il était inventeur, qu’il se nommait Joanes mais elle avait beaucoup de mal à suivre son propos, tellement intriguée qu’elle était par ces ailes.

Mettant précipitamment ses mains derrière son dos pour s’empêcher d’y toucher, elle évita de poser toutes les questions qui lui venaient. Elle s’obligea à l’écouter. Elle entendit qu’il essayait de mettre au point des ailes de son invention. Il les testait mais elles manquaient encore de fiabilité, sans doute lestées par l’or qui les recouvrait. « Oh ! La mécanique est bonne mais il faut que j’augmente encore la puissance énergétique du mini-moteur pour qu’il compense la masse de la couche de métal, voyez-vous cela n’est pas comparable aux plumes de ces goélands ! ». Ces derniers ricanèrent à ces mots. Il s’adressait maintenant à eux : « Oui, je sais qu’il a fallu des milliers d’années d’évolution pour que vous soyez dotés de vos merveilleuses ailes mais je vais y arriver ! Vous n’imaginez pas tout ce que l’électronique peut faire ! » Ce qui calma un peu les hurlements des oiseaux. Anne-Marie était de plus en plus stupéfaite : « Ils vous comprennent ? » Joanes répondit qu’à force de les côtoyer dans les airs, il avait fini par faire connaissance avec quelques-uns d’entre eux et que ceux-ci ne manquaient jamais une de ses sorties.

Elle proposa à l’inventeur de se rafraichir chez elle et au moment de repartir, il lui communiqua son adresse en lui disant qu’elle serait toujours la bienvenue à son atelier.

Anne-Marie poursuivit alors sa vie au pays des bulots entre son mari, ses deux grands garçons et son petit chien. Elle continua à sourire à la vie même le jour où elle apprit qu’elle devait subir une opération chirurgicale pour empêcher un vilain crabe de grignoter son corps de l‘intérieur. « Puisqu’il le faut … » se disait-elle. L’opération se fit et elle retourna chez elle privée de son sein droit. Elle se posait beaucoup de questions sur sa vie de femme privée de son sein droit. Son merveilleux sourire apparaissait moins sur ses lèvres. Elle allait voir des spécialistes, médecins de femmes, médecins du vilain crabe, médecins de la tête. Rien n’y faisait, la mélancolie la gagnait jusqu’à ne plus vouloir sortir de chez elle. Sa famille ne savait pas trop comment la soutenir dans cette épreuve. Mais un jour que son fils cadet Éric l’aidait à ranger la commode de sa chambre, il trouva un petit papier où était noté le prénom Joanes et une adresse. Il demanda à sa mère ce qu’il devait en faire. Il vit alors dans son regard une lueur qui en avait disparu ces derniers temps. Sa mère lui prit vivement le papier des mains en grommelant. Mais il avait pu mémoriser l’adresse et dès qu’il le put, il laissa un mot pour son père, emprunta le vélomoteur de sa mère et parcourut sans s’arrêter la grande distance qui le séparait de l’atelier de ce Joanes.

Il arriva le soir venu. L’atelier était encore baigné de lumière. Bien qu’ayant eu tout le temps pour l’imaginer durant le long trajet, il entra ne sachant pas trop comment présenter l’affaire. À son grand soulagement, il fut accueilli par : « Bonjour. Entrez, je vous en prie. Vous venez de la part de votre mère ? Ne soyez pas surpris vous lui ressemblez tellement ! » Un peu gêné par le côté sans doute incongru de sa démarche, guidé seulement par la lueur qu’il avait vu dans les yeux de sa mère, Éric raconta. Il termina en demandant à Joanes s’il pouvait faire quelque chose pour elle. Celui-ci se grattait la tête machinalement, signe d’une intense réflexion. Tout à coup, il se précipita vers son ordinateur portable et tapa fougueusement quelques mots. « Ah ! s’exclama-t-il. C’est bien ce que je pensai. Il existe un pays où votre mère pourrait reprendre goût à la vie. Mais, c’est trop tard pour cette nuit, je verrais demain matin. » Et il proposa à Éric de ne pas reprendre la route de nuit mais de rester dormir chez lui. Il en profita pour lui expliquer comment il avait fait la connaissance de sa mère. Il lui montra également les nouvelles paires d’ailes qui étaient maintenant bien au point.

Le lendemain matin, ils s’apprêtaient à partir chacun de leur côté, l‘un en poussant le vélomoteur pour le faire démarrer, l’autre en enfilant ses ailes dorées, quand Joanes rentra précipitamment dans l’atelier. Il en ressortit presque aussitôt portant une seconde paire d’ailes. « Allez, on y va ! » dit-il à Éric. Il décolla dans un doux ronronnement qui attira près de lui une demi-douzaine de goélands. L’un sur la route, les autres dans les airs, ils arrivèrent devant la maison d’Anne-Marie. Dans le silence devenu habituel, auquel même les goélands n’osaient pas déroger, ils avancèrent de concert et trouvèrent la maitresse de maison avachie sur la table devant son bol de café. Elle leva vers eux un regard éteint.

« Anne-Marie, j’ai une surprise pour vous. » annonça Joanes. Interloquée, elle regardait alternativement l’un et l’autre. « Votre fils a eu la très bonne idée de venir me trouver et je pense que je peux vous proposer quelque chose. » et il lui expliqua doucement ce qu’il avait imaginé. Elle ne réagit que très mollement sans dire oui, sans dire non … Ils attendirent tranquillement le retour de son époux Daniel et de leur aîné, partis en mer. Ceux-ci eurent du mal à accepter la proposition qui n’était pas sans dangers mais Éric avait maintenant tant confiance dans le jeune inventeur qu’ils finirent par acquiescer.

Joanes compris qu’il lui faudrait brusquer un peu la femme flétrie qu’Anne-Marie était devenue, et lui posa sans trop d’égards la deuxième paire d’ailes sur les épaules. Daniel l’aida à les enfiler correctement sans qu’elle n’ait de réaction. Elle écouta sans rien dire les ordres du jeune inventeur et décolla en même temps que lui, agitant les ailes dorées qui l’avaient tant intriguée naguère.

En compagnie des goélands qui ne voulaient pas rater ça, ils volèrent pendant un bon moment. Petit à petit, les joues d’Anne-Marie reprenaient des couleurs, le bleu de ses yeux devenait plus vif et elle se mit à écouter les histoires que racontait Joanes. Ils arrivèrent au pays des steppes et le jeune homme expliqua que c’était le but de leur voyage.

Ils atterrirent près de yourtes en peaux de yack. De la fumée en sortait par le sommet. Quelques enfants jouaient aux alentours, surveillés par des femmes à la peau brunie au soleil et aux longs cheveux noirs ramassés en chignons lâches. Des troupeaux de petits chevaux paissaient un peu plus loin. D’autres femmes sortirent des habitations et tournèrent autour d’eux en poussant de petits cris de stupéfaction.

L’une d’elles prit la parole dans la langue que parlait les deux voyageurs. Elle leur posa mille questions et aux réponses de Joanes saisit ce qui les amenaient, si loin de chez eux. Elle expliqua ensuite à ses compagnes de quoi il retournait et celles-ci regardèrent Anne-Marie en souriant largement. Elles l’emmenèrent dans une yourte, la firent s’asseoir parmi elles, lui proposèrent de boire du lait et, à sa grande surprise, baissèrent le haut de leur vêtement en disant « Nous sommes les Amazones. » Elles avaient toutes une cicatrice à la place de leur sein droit !

La première femme qui avait accueilli Anne-Marie expliqua que leur peuple était composé de femmes et que depuis la nuit des temps, pour survivre, elles se coupaient le sein droit afin de chasser et se défendre à l’aide de leurs arcs. Elles lui montrèrent les sachets remplis d’herbes sèches cousus dans le haut de leur corsage pour remplacer l’absent. Elles lui proposèrent de rester parmi elles le temps de comprendre comment elles vivaient ainsi. Ce qu’Anne-Marie accepta, tellement elle était intriguée par ces femmes mythiques dont elle croyait le peuple disparu. Les goélands partirent vers des mers accueillantes. Joanes l’attendrait dans la ville voisine, trouvant à s’occuper en rendant service comme il le pourrait. Les amazones fabriquèrent un petit sachet d’herbes spécialement pour elle.

Les herbes odorantes contribuèrent à apaiser la colère qu’elle ne se soupçonnait pas d’éprouver. Elle apprit à chevaucher les fiers petits chevaux, les takhs, descendants directs des chevaux préhistoriques, laissant sa chevelure blonde flotter derrière elle au plus grand plaisir des enfants pour qui l’image était inhabituelle. Elle apprit aussi à se servir de l’arc. Elle participait à la vie de cette communauté, aidant du mieux qu’elle pouvait, réapprenant à vivre, à sourire.

Le jour où elle réussit à planter un flèche au cœur de la cible alors qu’elle menait le cheval au grand galop, elle comprit qu’elle pouvait maintenant retourner chez elle, retrouver sa vie. Elle demanda qu’on fasse prévenir Joanes.

Le moment du départ arriva. Les adieux furent touchants. En pleurs, Anne-Marie dit sa gratitude mais les amazones étaient fières de lui avoir permis de se retrouver. Elle enfila ses ailes dorées et, au signal de Joanes, décolla gracieusement en faisant de grands signes. Le voyage du retour passa relativement vite tellement elle avait de choses à raconter. Ils arrivèrent au pays des bulots accompagnés par les goélands qui avaient fini par les rejoindre.

Leur approche fit sensation. Daniel et ses fils, l’attendaient sur le pas de la porte, anxieux. Le beau sourire retrouvé leur indiqua qu’ils pouvaient espérer le meilleur pour elle, pour eux. Les cris des goélands, qui avaient eux aussi beaucoup à dire, les empêchèrent un peu de se comprendre mais les rires et les embrassades se passent de mots, n’est-ce pas ? Les voisins attirés par la liesse se joignirent aux remerciements envers Joanes. Un journaliste qui passait par là, se fit raconter l’histoire. Sans parler d’eux, au grand soulagement de la petite famille, il publia un article vantant l’ingénieux système d’ailes dorées. Ce qui permis à Joanes de connaitre un franc succès et je sais que quand vous le verrez passer dans les airs avec ses ailes dorées, vous aurez une petite pensée pour le beau sourire retrouvé d’Anne-Marie.

Pour Anne-Marie qui s’est envolée avec ses ailes dorées un jour de mai.

Une autre Anne-Marie, Bois d’Arcy le 8 juillet 2018

 

 

 

 

 

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Charlie et la fée

Il était une fois au pays des Hêtres, un petit garçon dont le prénom était Jean-Charles. Mais tout le monde l’appelait Charlie. Charlie avait tout pour être heureux : une famille aimante, des jouets, de bonnes notes à l’école, des copains du foot et d’ailleurs. Mais Charlie n’était pas heureux : il avait de grandes oreilles. Sa mère essayait bien de le rassurer mais, c’était sa mère … Son père essayait bien de le rassurer mais, c’était son père … Lui, il entendait les commentaires rieurs derrière son dos et parfois même face à lui. Oh, rien de bien méchant direz-vous, mais à force, ça blesse et ça fait mal. Parfois, quand le vase débordait, il essayait de faire rentrer ces vilénies dans la gorge du moqueur à l’aide de ses poings mais, cela ne résolvait en rien le problème. Alors, Charlie se cachait pour pleurer un petit peu.

C’est ce qui attira l’attention d’Elfie. Elfie était la dernière-née d’une fratrie – ou peut-on dire sœurie ? – de fées. Ses sœurs avaient déjà expérimenté tous les gestes des fées. Elles avaient lancé des sorts, alloué des dons à des bébés et réalisé les vœux de dizaines de personnes méritantes. Elles raillaient un peu cette petite sœur, arrivée bien après elles, de vouloir à tout prix effectuer une action tout à fait inédite. Sans se désespérer, ce n’était pas son genre, Elfie cherchait encore et encore ce qu’elle pourrait bien faire pour devenir une fée accomplie. Un jour, ou était-ce plutôt une fin de journée quand le ciel s’assombrit, elle entendit des pleurs étouffés provenant d’un endroit difficilement accessible. C’est là que se cachait Charlie quand les larmes débordaient de ses yeux. Après force escalades et reptations en tous genres, elle parvint au réduit où se trouvait le petit garçon.

« Bonjour » lui dit-elle, un peu essoufflée. Charlie leva ses yeux embrumés vers elle, surpris. Tout à son chagrin, il ne l’avait pas entendue arriver. Embarrassé par ses larmes, il ne savait pas trop comment réagir à cette intrusion. Il attendit. Elfie regardait autour d’elle. « Tu as trouvé un bel endroit pour venir méditer. » reprit-elle. « Je me nomme Elfie et toi tu dois être Charlie, n’est-ce pas ? » Le petit garçon, interloqué, ne sut que hocher la tête. « Tu te demandes comment je connais ton surnom ? C’est que je suis une fée, enfin pour tout dire une apprentie-fée. Je suis sûre que je vais réussir à t’aider. Vois-tu, je ne suis pas comme mes sœurs, elles sont déjà des fées aux pouvoirs confirmés mais je sens monter en moi un flot de facultés que je n’ai jamais ressenties auparavant. Ce doit être le signe que je suis enfin prête à accomplir mon destin. Si tu l’acceptes,  nous pouvons faire l’essai de mes dons ensemble. » Elfie, toute à la pensée d’avoir enfin trouvé de quoi exercer ses talents naissants, n’en finissait plus de babiller.

Charlie ouvrait des yeux grands comme des soucoupes. Il n’était pas sûr d’avoir bien saisi le discours de la fille. Alors qu’elle lui demandait ce qui lui causait chagrin, il se dit qu’elle n’était pas bien maline pour une fée, si elle n’avait pas remarqué ses grandes oreilles ! « T’as pas vu ce qui me sert d’oreilles, peut-être ? » rétorqua-t-il peu amène. La jeune fille se sentit déstabilisée par cette réponse hargneuse, elle qui offrait son don, mais également parce ce qu’elle avait imaginé un problème autrement dramatique. Si elle avait pu choisir, elle aurait préféré s’essayer à la magie des fées sur une situation plus tragique. Bon, elle qui cherchait depuis si longtemps quelqu’un à aider, elle n’allait pas faire la fine bouche maintenant. D’ailleurs, si ce petit bonhomme se cachait pour en pleurer c’est bien, qu’au moins pour lui, cette affaire était sérieusement cruelle. Restait à savoir ce qu’elle pouvait lui proposer …

Il ne rentrait pas dans ses pouvoirs de transformer physiquement quelque partie du corps. Elle pouvait certes lui faire voir des oreilles moins grandes quand il se regarderait dans une glace mais cela ne supprimerait pas les moqueries. Elle pouvait jeter un sort aux moqueurs mais combien et qui étaient-ils ? De plus, il y aurait toujours le risque qu’un nouvel arrivant le replonge dans ses souffrances. Alors que faire ?

Pendant qu’elle réfléchissait, Charlie s’était quelque peu ressaisi. Voilà déjà quelqu’un qui ne faisait pas de plaisanteries douteuses sur ses oreilles et qui semblait même essayer de l’aider. Il ne croyait pas un mot, bien sûr, de ce qu’elle avait raconté, les filles, c’est bien connu, inventent sans cesse des histoires et prennent les petits garçons pour des poupées sur lesquelles s’exercer dans leurs fonctions de futures mères, il l’avait bien remarqué ! Jamais en retard, comme tant d’autres, pour des remarques sexistes, il se disait que celle-ci devait être en manque de Barbie  … Mais, tant qu’elle ne se moquait pas ! Elle lui changeait les idées et cela ne coûtait rien de voir jusqu’où elle voudrait l’entrainer. Il ne se doutait pas de ce qui allait arriver …

Elfie avait enfin trouvé une idée qui lui semblait géniale. Elle se rappelait parfaitement du dessin animé Dumbo, l’éléphanteau aux si grandes oreilles qu’elles lui permettent de voler. Elle allait lui donner le pouvoir de faire de même. Elle l’emmena donc en haut du bâtiment et lui demanda de lui faire confiance, ce que Charlie accepta du bout des lèvres. Bien sûr qu’il connaissait l’histoire de Dumbo, le prenait-elle pour un analphabète comme ses pieds ? « Quoi, me jeter dans le vide ? » s’exclama-t-il quand il comprit, stupéfait, la proposition de la soi-disant fée. « Oui, tu peux me faire confiance … » répéta-t-elle l’air assuré, alors qu’elle n’en menait pas large. « Comme Kaa … » murmura-t-il dans son absence de barbe. « Allez, vas-y ; tu sais bien que Dumbo est devenu une vedette ensuite ! » N’étant quand même pas si insouciante, elle avait fait bien attention de le placer à la verticale d’un tas de vieux cartons. Respirant un bon coup, le petit s’élança pendant qu’Elfie prononçait les paroles magiques permettant aux grandes oreilles de battre comme les ailes des oiseaux.

Ce qui se passa alors reste un mystère dans le monde des fées. Est-ce parce que les incantations n’étaient pas les bonnes ? Est-ce parce que le temps n’était pas encore venu pour Elfie de devenir une fée accomplie ? Est-ce parce que les oreilles de Charlie n’étaient tout de même pas assez grandes ? Toujours est-il que le malheureux s’écrasa lamentablement dans le tas de vieux cartons. Encore heureux qu’elle y avait veillé ! Charlie éprouva de grandes difficultés à s’extraire de l’amas écrabouillé, tout endolori qu’il était après cette chute digne des meilleurs cascadeurs d’Hollywood. « Espèce de fée de pacotille ! » lui asséna-t-il alors qu’elle le rejoignait, penaude.

Elfie ne s’avouait pas vaincue pour autant. « Attends, ne t’en vas pas, nous allons essayer autre chose … » l’implora-t-elle. « Comment cela, autre chose ? Tu veux ébouillanter mes oreilles, me pendre par les pieds jusqu’à ce qu’elles tombent, les découper avec un couteau de boucher ? Tu es pire que ceux qui se moquent, au moins ils ne cherchent pas à me détruire ! » Charlie ne décolérait pas. Cette fille était dangereuse, fée ou pas. « Attends, je pense à quelque chose sans danger pour toi, je te le jure. » Charlie, indécis maintenant, la laissa parler, sans doute du fait de sa bonne éducation.

Elle le prit par la main et l’entraina au pas de course vers une autre partie de la ville. Charlie était trop occupé à trottiner de manière à rester à ses côtés pour protester. Elle le fit se faufiler par une entrée dérobée dans ce qui se révéla être le théâtre municipal. « Chut, écoute ! » lui intima-telle alors qu’il voulait protester. Ils étaient arrivés juste au moment où Cyrano proclame sa fameuse tirade du nez. Tapi dans l’avant-scène, Charlie ne quittait pas l’acteur du regard, subjugué. A la fin, il se tourna vers Elfie en arborant un large sourire et lui dit : « Je ne sais pas si tu es une vraie fée mais pour moi, tu le seras toujours. J’ai compris … »

Et c’est ainsi que Charlie accepta ses oreilles pour ce qu’elles étaient : des oreilles qui remplissaient merveilleusement bien leur fonction d’oreilles. Comme il les acceptait maintenant, les moqueries cessèrent petit à petit et finirent par disparaitre. La vie de Charlie avait changé du tout au tout grâce à Elfie.

Quant à elle, plusieurs années plus tard, elle se demandait encore ce qui lui avait pris de raconter ces fadaises d’histoires de fées à ce petit garçon si triste à cause de ses oreilles. Elle avait failli le tuer avec ses bêtises, mais heureusement, elle s’était rappelée de la pièce donnée en cette fin d’après-midi au théâtre municipal. Elle reverrait toute sa vie le beau sourire qu’il lui avait retourné et même si elle ne l’a plus jamais rencontré, il est resté dans un coin de sa mémoire, là où sont rangés les souvenirs honteux où se mêlent une sorte de fierté.

Anne-Marie

Granville, le 2 janvier 2019

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