« Complainte du petit cheval blanc » Paul Fort chanté par Georges Brassens

Une ballade de Paul Fort
(1872, Reims – 1960, Montlhéry)

 

Complainte du petit cheval blanc

Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc du courage !
C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.

Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.

Mais toujours il était content, menant les gars du village,
À travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.

Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sauvage.
C’est alors qu’il était content, tous derrière et lui devant.

Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu’il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant.

Il est mort sans voir le beau temps, qu’il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps, ni derrière ni devant.

© Paul Fort
Ballades du beau hasard – Lieds, complaintes, élégies, 1910

© Georges Brassens (musique, album La Mauvaise Réputation, 1952)
(1921, Sète – 1981, Saint-Gély-du-Fesc)
chante la Complainte du petit cheval blanc en duo avec Nana Mouskouri (1972)

 

« Vietnam » par Wislawa Szymborska

Un poème de Wislawa Szymborska (1967)
(1923, Bnin – 2012, Cracovie)

Wietnam

Kobierto, jak sie nazwasz? – Nie wiem.
Kiedy sie urodzilas, skad porchodzisz? – Nie wiem.
Diaczego wykopalas sobie nore w ziemi? – Nie wiem.
Odkad sie tu ukrywasz? – Nie wiem.
Czemu ugryzlas mnie w serdeczny palec? – Nie wiem.
Czy wiesz, ze nie zrobimy ci nic zlego? – Nie wiem.
Po czyjej jestes stronie? – Nie wiem.
Teraz jest wojna, musisz wybrac. – Nie wiem.
Czy twoja wies jeszcze istnieje? – Nie wiem.
Czy to sa twoje dzieci? – Tak.

Vietnam

Femme, quel est ton nom ? – Je ne sais pas.
Où es-tu née, d’où viens-tu ? – Je ne sais pas.
Pourquoi as-tu creusé un trou dans le sol ? – Je ne sais pas.
Depuis combien de temps es-tu cachée ici ? – Je ne sais pas.
Sais-tu que nous ne te ferons pas de mal ? – Je ne sais pas.
De quel côté es-tu ? – Je ne sais pas.
C’est la guerre, tu dois choisir. – Je ne sais pas.
Est-ce que ton village existe encore ? – Je ne sais pas.
Est-ce que ces enfants sont les tiens ? – Oui.

 

Wislawa Szymborska
lauréate du prix Nobel de littérature en 1996 « pour une poésie qui, avec une précision ironique, permet au contexte historique et biologique de se manifester en fragments de vérité humaine »

« Passe-moi le sel » par Annie Saumont

Un extrait de la nouvelle Passe-moi le sel d’Annie Saumont

1956

Rainier de Monaco épouse Grace Kelly. On a fêté dimanche le troisième anniversaire de Titounet. Le cousin Paul est un des quatre cent cinquante mille soldats du contingent occupés à « pacifier » l’Algérie. Lorsqu’il vient en permission N lui fait des crêpes au sucre, il les adore.
N parle de reprendre son travail aux Galeries Lafayette. En septembre, à la rentrée des classes, Titounet ira à la maternelle. La garde à domicile pose toujours des problèmes, l’école a bien des avantages, dit-elle, les enfants y apprennent la vie en société. M préfèrerait que désormais N s’en tienne au rôle de femme au foyer. Mais il admet que c’est à elle de choisir le genre d’existence qui lui convient. M ne refuse pas de donner un coup de main pour les tâches ménagères. Baisse un peu la radio, dit-il, les Duraton nous cassent la tête. Si on partait pour le week-end ? Si on achetait une Dauphine rouge ?
La voiture de Jackson Pollock s’écrase contre un arbre. Anquetil sur son vélo impeccable parcourt en une heure quarante-six kilomètres cent cinquante-neuf mètres et soixante-seize centimètres dans un style d’une pureté parfaite, battant ainsi le record de Coppi. Au mois de novembre, un jour de pluie et de vent les chars russes pénètrent en Hongrie.
Bonjour Tristesse a été traduit en dix-sept langues.
(…)

Passe-moi le sel dans Quelque chose de la vie (Seghers, 1991 © Julliard, 2000)

« Les Guichets du Louvre » par Roger Boussinot

Un extrait du livre Les Guichets du Louvre (Denoël, 1960)
par Roger Boussinot
(1921, Tunis – 2001, Bassane)

« Je pourrais raconter cette histoire de cent façons différentes, si j’avais le coeur à choisir. Mais je sens bien qu’ici je dois plaider… C’est surtout l’étrange comportement de ma mémoire qui m’interdit d’inventer une manière tout exprès pour présenter ce récit avec tout le piquant de bon aloi qui lui fait tant défaut. Pendant vingt ans presque, j’ai porté cette journée du 16 juillet dans la poche arrière de ma besace aux souvenirs, comme nous disait Gaston Bachelard. Elle fut pour moi une sorte de miroir qui se brisa le soir même entre mes doigts, après que j’eus franchi de nouveau les guichets du Louvre et que j’eus regagné la rive gauche. Un à un, avec obstination, j’en avais jeté les débris par-dessus mon épaule, espérant les perdre à jamais. Ce n’est point tant qu’ils se laissaient oublier, que ma volonté de les oublier. Et voilà qu’un jour je me suis légèrement blessé à l’un de ces débris coupants. Une goutte de sang a perlé dans mes doigts. Ce fut au moment où je venais de surprendre dans un couloir du métro Saint-Lazare un gosse de dix-sept à dix-huit ans, pas davantage, qui traçait au crayon gras « Morts aux Juifs ! » sur la partie blanche d’une affiche. Lui qui était encore dans le ventre de sa mère, ce 16 juillet-là, me jeta un regard de défi, mais savait-il même quel genre de défi ?… Alors, à l’aveuglette mais avec autant d’obstination que j’en avais mis à oublier, j’ai récupéré l’un après l’autre ces petits bouts de miroir aux angles coupants qui gardent dans leur tain, – ce qui, je l’accorde, est anormal pour un miroir, et tient de la magie, mais n’est-ce pas cela qui précisément me fascine ? – chacun un fragment d’une seule image : celle du jeune homme seul, ombrageux qui, s’étant fait un orgueil de sa timidité, s’aperçoit que sa solitude et son refus d’apprendre à vivre le laissent démuni, impuissant, et ce qui est pire : conscient de sa candeur devant un drame aussi sordide qu’un pogrom raciste venu du fond des âges éclater comme un abcès pestilentiel en plein coeur du Marais. »

Les Guichets du Louvre. (Folio, 1980, pp 51-53)

à suivre…

„The Waves“ par Virginia Woolf

„The sun was sinking. The hard stone of the dark day was cracked and light poured through its splinters. Red and gold shot through the waves, in rapid running arrows, feathered with darkness. Erratically rays of light flashed and wandered, like signals from sunken islands, or darts shot through laurel groves by shameless, laughing boys. But the waves, as they neared the shore, were robbed of light, and fell in one long concussion, like a wall falling, a wall of grey stone, unpierced by any chink of light.“

Virginia Woolf, The Waves (1931)

 

« Le soleil sombrait. Le jour s’était brisé comme une pierre dure, et la lumière ruisselait à travers ces débris. Des flèches rouges et or, empennées de ténèbres, frappaient les vagues à coups redoublés. Des rayons errants traversaient çà et là l’espace, pareils à des signaux de détresse venus d’une île submergée, ou à des dards lancés à travers les feuilles d’un laurier par de méchants enfants rieurs. Mais les vagues se revêtaient de clarté en s’approchant du rivage, et déferlaient d’un seul bloc avec un bruit sourd, comme un mur, un mur de pierre opaque que nulle lueur ne pouvait traverser. »

Traduit de l’anglais par Marguerite Yourcenar (1937)

« Les hiboux » Desnos chanté par Jacques Douai

Une chanson de Jacques Douai
(né Gaston Tanchon, 1920, Douai – 2004, Paris)
sur un poème de Robert Desnos du recueil Chantefables
(1900, Paris – Theresienstadt, 1945)

Il y a 7 substantifs en français se terminant en -OU qui prennent un X au pluriel. Tous les autres prennent un S.

Les hiboux – Robert Desnos / Jacques Douai (album Héritage – Récital N°5 & 6 – Bam, 1958-1959)

Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les prenant sur les genoux.
Leurs yeux d’or valent des bijoux
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la cabane bambou ?
À Moscou ? Ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout, c’était chez les fous.

 

Note : La cabane bambou était une chanson raciste, sexiste et populaire du début du XXè siècle…

« Clair de Lune » par Blaise Cendrars

Un poème de Blaise Cendrars
(1887, La Chaux-de-Fonds – 1961, Paris)

Clair de Lune

On tangue on tangue sur le bateau
La lune la lune fait des cercles dans l’eau
Dans le ciel c’est le mât qui fait des cercles
Et désigne toutes les étoiles du doigt

Une jeune Argentine accoudée au bastingage
Rêve à Paris en contemplant les phares qui dessinent la côte de France
Rêve à Paris qu’elle ne connaît qu’à peine et qu’elle regrette déjà
Ces feux tournants fixes doubles colorés à éclipses lui rappellent ceux qu’elle voyait de sa fenêtre d’hôtel sur les Boulevards et lui promettent un prompt retour
Elle rêve de revenir bientôt en France et d’habiter Paris
Le bruit de ma machine à écrire l’empêche de mener son rêve jusqu’au bout

Ma belle machine à écrire qui sonne au bout de chaque ligne et qui est aussi rapide qu’un jazz
Ma belle machine à écrire qui m’empêche de rêver à bâbord comme à tribord
Et qui me fait suivre jusqu’au bout une idée
Mon idée

© Blaise Cendrars (1924, Feuilles de route)

Pistes pour le cours : à suivre…

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