« Tête en l’air » par Jacques Higelin

Une chanson de Jacques Higelin (1940-2018)

Tête en l’air

Sur la terre des damnés, tête en l’air
Étranger aux vérités premières énoncées par des cons
J’avais touché le fond de la misère
Et je pleure, et je crie et je ris au pied d’une fleur des champs
Égaré, insouciant dans l’âme du printemps, cœur battant
Cœur serré par la colère, par l’éphémère beauté de la vie

Sur la terre, face aux dieux, tête en l’air
Amoureux d’une émotion légère comme un soleil radieux
Dans le ciel de ma fenêtre ouverte
Et je chante, et je lance un appel aux archanges de l’amour
Quelle chance un vautour, d’un coup d’aile, d’un coup de bec
Me rend aveugle et sourd à la colère, à la détresse de la vie

Sur la terre, tête en l’air, amoureux
Y’a des allumettes au fond de tes yeux
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour…

Comme un vol d’hirondelles échappé de la poubelle des cieux…

© Jacques Higelin (1979, album Champagne pour tout le monde)

„Eis Roma, Selbstbewusstsein“

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J’ai pris cette photo lors de ma première visite à Heidelberg. À cette époque, je venais aussi d’apprendre ce mot allemand, « Selbstbewusstsein », qui est un de mes mots (et concepts) préférés dans cette langue, et dont il n’existe pas, en français, de traduction mot à mot. Si l’on veut rendre en français le sens de ce mot, qui exprime le fait d’avoir la « conscience de soi », la conscience de la valeur de sa propre existence, on utilise une locution différente selon le contexte. La première fois que j’ai entendu ce mot, c’était en relation avec les droits des femmes, mais très vite ensuite dans de nombreuses autres situations.
J’aime l’histoire, la multiplicité des histoires potentiellement contenues dans cette scène, sous les lettres au néon de l’enseigne de la glacerie italienne, qui contient le nom « Rome ». Cette jeune femme aux lunettes noires et aux talons hauts, en train de boire un café : à première vue, elle est seule, mais il y a aussi un landau derrière elle. Le scénario change. Et cette jeune fille près de son vélo, dont on voit le reflet dans la porte du frigo : est-ce qu’elle part ? est-ce qu’elle arrive ?

Ensuite, j’ai oublié dans quelle ville la photo avait été prise. Ce n’est que bien plus tard, quand je suis retournée à Heidelberg, que j’ai retrouvé le décor. Entre-temps, j’avais appris l’allemand.


Entretien avec Violène Riefolo, coach parentale

 

Violène Riefolo, coach parentale et psychopraticienne – et grande randonneuse aussi !

 

Chère Violène,

Depuis bientôt trente ans que je te connais, tu luttes.
Contre le conformisme, contre les préjugés, contre les coups durs de la vie… Tu avais même (t’en souviens-tu ?) combattu mon ignorance en matière de musique classique !

Et tu apprends, tu construis, tu t’engages, tu crées et tu partages….

Aujourd’hui, tu aides d’autres personnes en tant que coach parentale. C’est quoi, ce métier, « coach » ? Est-ce qu’il existe un mot français pour le désigner ?

Le coach, en sport par exemple, c’est quelqu’un qui accompagne, encourage, entraîne et permet au sportif de dépasser ses limites.
Pour moi, la coach parentale (je vais le mettre au féminin puisque je suis une femme et que pour le moment, c’est un métier assez féminin) fait un peu la même chose. Elle accompagne des parents dans leurs problématiques liées justement à leur parentalité. Elle les aide à comprendre les enjeux de la relation entre l’enfant et eux. Elle les aide à décrypter les comportements de l’enfant comme des informations sur ce qu’il vit, sur ses besoins. Tout notre travail est basé sur la « théorie de l’attachement ».

Quelles sont les personnes qui font appel à toi ?

Ce sont des parents démunis, à un moment précis, face aux comportements d’un ou plusieurs de leurs enfants. Ils ne savent plus comment faire, souvent ils n’ont pas envie de reproduire une éducation trop autoritaire, telle qu’ils l’ont vécue enfant, ou au contraire trop laxiste. Ils cherchent ce qui est le mieux pour leur enfant et pour eux-mêmes.
Parfois ce sont des parents qui souhaitent que l’on s’occupe de leur enfant, sans mesurer qu’un comportement « dérangeant » d’un enfant est toujours lié à la relation que ce dernier a avec son environnement. Dans notre travail, nous nous occupons vraiment du lien entre les parents et les enfants. Rarement des enfants seuls.

Et dans quel(s) cadre(s) interviens-tu ?

J’interviens en cabinet, je reçois la famille entière ou un parent avec un enfant. Le plus souvent, pour bien comprendre les causes d’un comportement, nous aurons besoin de rencontrer toute la famille pour observer les interactions des uns avec les autres.
J’interviens également dans des ateliers de parents. Une fois par mois, je retrouve un groupe. J’apporte un peu de théorie et nous la travaillons au regard des expériences de chaque parent. J’anime en ce moment 3 ateliers mensuels, dont un particulier pour les parents d’adolescents.
Un des ateliers dure depuis plus de 2 ans et j’aime la relation qui s’est établie entre ces mamans et moi, une relation de confiance et d’amour.
Maintenant, quand une nouvelle personne arrive, les « anciennes » prennent le relais sur la théorie et c’est passionnant de voir à quel point elles l’ont intégrée et ont envie de partager toutes leurs découvertes.

Un livre que tu as co-écrit est paru l’année dernière. Pourrais-tu le présenter ?

La confiance en soi est un livre paru en 2017, qui fait partie d’une collection de cahiers d’activités pour les enfants, lancée par les éditions Nathan.
Il s’agit, à l’aide de jeux et d’activités, de comprendre ce concept de « confiance en soi ».
En réalité, il existe 4 niveaux de confiance qui vont se développer au fil des âges.
La confiance de base se développe dès la naissance à travers l’attachement, dans les réponses qu’apporte sa figure d’attachement principale (c’est-à-dire la personne qui s’occupe le plus de lui dans les 9 premiers mois) à ses besoins physiologiques, ses besoins de lien et ses besoins d’exploration.
La confiance en sa personne propre, quand, vers 2 ans, l’enfant commence à dire « non ». Ce que nous prenons souvent à ce moment-là pour de l’opposition est en fait une affirmation de « je suis différent de toi, maman, papa ». L’enfant a besoin de cette affirmation pour découvrir qui il est.
La confiance en ses compétences, à partir de 3 ans, quand l’enfant dit « tout seul ! ». Il a besoin d’apprendre qu’il est capable, qu’il peut apprendre, se tromper, recommencer, réussir.
Et la confiance relationnelle, quand, vers 6 ans, l’enfant sort de son monde « égocentrique » (c’est un stade de son développement) et comprend que l’autre a aussi des émotions, des envies, des projets… Il va pouvoir apprendre à faire AVEC les autres, après avoir voulu faire seul.
Dans chaque livre de cette collection, Isabelle Filliozat, directrice de la collection, écrit un cahier pour les parents.

I. Filliozat, V. Riefolo, C. Rojzman, A. Laprun (2017) : La confiance en soi. Éditions Nathan, Paris

Quand et pourquoi as-tu décidé de changer de profession ?

Très clairement, à la fin de l’année 2000, quand j’ai eu fini de me débattre avec le cancer, je me suis demandé quel sens aurait ma vie maintenant. Il n’était plus question pour moi de travailler juste pour nourrir mes enfants mais d’avoir un vrai impact sur le monde.
J’ai commencé à être bénévole dans l’association « Petit à Petit » et à animer des ateliers dans les écoles. C’est comme ça que j’ai découvert le théâtre forum. J’ai fait une première formation pour être comédienne intervenante et animer des projets de théâtre forum avec des enfants et des adolescents en particulier. Puis j’ai rencontré Isabelle Filliozat lors d’une conférence et j’ai compris que dans son école, je trouverais ce qui m’avait manqué dans cette première formation, c’est-à-dire tout ce qui concerne le développement d’un être humain et en particulier les émotions.
Comme je suis plutôt une personne intuitive, je me suis inscrite sans regarder le programme et donc j’ai appris, en arrivant au premier module, que cette école formait des thérapeutes. Heureusement pour moi, car je pense que je n’aurais jamais osé m’imaginer thérapeute. En réalité, cet élan a changé ma vie. C’est comme si tous les « combats » dont tu parles dans ton introduction prenaient un sens. Tous les morceaux du puzzle se réunissent pour faire de moi une thérapeute et une formatrice qui « s’éclate » tous les jours dans son travail.

Dans quelle mesure ta propre expérience de vie te sert dans ton travail ?

Quand j’étais toute petite, je devais avoir 6 ans, j’ai commencé à me dire en regardant ma mère que ça ne pouvait pas être « ça », être mère. Je sentais que j’avais besoin de choses que ma mère n’était pas en mesure de me donner. J’ai compris beaucoup plus tard (beaucoup trop tard) qu’elle m’aimait à sa façon et qu’elle n’avait pas les codes, les manières d’être.
Je savais que je ne voulais pas être mère de cette façon.
Je me souviens de ma fille lorsqu’elle a perdu sa première dent. Moi, en maman épatée : « Ma grande fille qui perd sa première dent ! » et elle me répond : « Non, je suis une petite fille qui a perdu sa première dent. » Quand j’ai exploré pourquoi elle insistait sur « petite », elle m’a dit qu’elle ne voulait pas être une grande fille parce que les mamans ne font plus de câlins aux grandes filles. Elle avait observé que sa mamie ne faisait pas de câlins à sa maman et que du coup, elle préférait rester petite. Aujourd’hui, elle est grande (27 ans) et nous nous faisons toujours des câlins !

Quand tes enfants étaient petits, tu te défiais ouvertement de tous les préceptes éducatifs normatifs. Est-ce que les stages que tu proposes maintenant aux parents ressemblent aux conseils que tu aurais toi-même aimé trouver à ce moment-là ?

J’avais l’intuition, comme je le disais plus haut, depuis toute petite, qu’être parent, cela devait être dans une relation d’amour et d’attention à l’autre. D’accompagner son enfant à grandir en le regardant avec confiance et non à force de relever tout ce qu’il fait de mal. Du coup, oui, j’aurais aimé avoir toute cette théorie à l’époque. Cela m’aurait permis de mieux comprendre pourquoi je ne voulais pas faire comme les autres et aussi pourquoi, par moments, je craquais.

À notre époque, il me semble qu’un grand nombre de personnes éprouve le besoin de suivre des conseils pour bien vivre, que ce besoin est décuplé, de même que leur volonté d’afficher une image très harmonieuse d’elles-mêmes. C’est un peu étonnant, voire agaçant.
À ton avis, d’où vient ce besoin ? Est-ce que l’on n’est pas en train de retomber, à force de bienveillance à tout prix, dans un nouveau conventionnalisme et une nouvelle passivité sociale ?

La bienveillance à tout prix n’est pas le but que je recherche. Surtout lorsqu’en parentalité, on mélange bienveillance et laxisme. Être bienveillant, cela passe aussi par soi, apprendre à respecter ses propres besoins, ses propres limites. Et du coup, être bienveillant, cela passe aussi par dire « non » à l’autre pour se dire « oui » à soi. C’est très éloigné de ce que l’on appelle la « passivité » dans la relation.
L’être humain a besoin de se réaliser. C’est un besoin fondamental une fois que ses besoins vitaux sont remplis : donner du sens à sa vie.
Ce que j’observe, c’est que la recherche de vie en harmonie, que ce soit avec la nature ou les humains, provoque, au contraire de la passivité sociale, de plus en plus d’alternatives aux modèles existant depuis longtemps.
Qu’est-ce qui t’agace, toi particulièrement, dans ce désir d’harmonie ? Est-ce la dimension « image » et du coup, que ce ne soit pas intégré dans nos comportements réellement, mais plutôt vécu comme un effet de mode ?

Il y a malheureusement une floraison de « méthodes » mises sur le marché, qui semblent plus destinées à faire fonctionner les tiroirs-caisses qu’à apporter des réponses valables à des individus désorientés à un moment de leur vie, voire à qui l’on suggère habilement qu’ils ont absolument besoin de « spécialistes » pour s’y retrouver.
Et c’est du côté normatif, injonctif et uniformisant, inhérent à toute mode, dont je me méfie, toujours, ainsi que d’une éventuelle perte du sens du dialogue et de la confrontation avec des points de vue extérieurs et différents, à force de vouloir tout le temps, et dans n’importe quelle situation, un « happy end ». Le désaccord, entre personnes qui se font confiance et qui se veulent du bien, bien sûr, peut être un puissant ferment relationnel et intellectuel, et la recherche de l’harmonie à tout prix avec autrui me semble trop souvent… soporifique et simpliste ! Nous deux, par exemple, n’aurions jamais pu devenir et rester amies, je crois, si nous avions toujours été d’accord sur tout, non ?
Dans certaines situations, il n’y a tout simplement pas de compromis ou de solutions possibles, du moins dans l’immédiat, et c’est bon aussi d’apprendre à savoir faire face, à faire avec et à ne pas se dissoudre ni se recroqueviller pour autant. Sans oublier le fait que nous portons toutes et tous, dans nos histoires et nos expériences, des contradictions personnelles, qu’il est plus intéressant de comprendre et de moduler, à notre rythme et selon nos capacités du moment, que de chercher à gommer pour tenter de se conformer à une norme donnée.

C’est vraiment très intéressant ce que tu dis là et je suis tout à fait d’accord avec toi : le conflit tel que tu le décris est inhérent à la vie, c’est même l’objet de notre prochain cahier Filliozat (parution prévue cet été).
Et comme dans tout milieu, il y a les opportunistes. Ceux qui vont utiliser ces « méthodes » pour faire cliqueter le tiroir-caisse.
Je le répète, pour moi l’harmonie passe par l’affirmation de soi et donc forcément par le conflit. Le souci, c’est que pour la plupart des gens, le conflit est synonyme de violence, de bagarre et donc il est fui à toutes jambes. Le conflit, c’est plutôt vivre un désaccord (d’opinions, de besoins, de valeurs,…) et se confronter de façon constructive jusqu’à un accord ou pas. Et de ce fait, accepter l’autre avec ses propres besoins, envies, valeurs, même différents des nôtres.
Dans les aspects que tu soulignes, j’entends tous les « il faut… », « on doit… », dont on nous rebat les oreilles depuis tout petits. Je les combats dans mes stages en invitant les personnes à les remplacer par « Je décide… », « Je choisis… », « J’ai envie… ».
Mon envie, tout à fait modestement, est de changer le monde. Faire disparaître les violences éducatives ordinaires, c’est l’impact que je veux avoir sur le monde.
Bien sûr, je veux aussi vivre de mon activité, tout aussi modestement.

Violène Riefolo, séance de dédicaces

 

Crois-tu que l’équilibre personnel puisse être atteint en suivant des recettes ?

Pour moi, tout ce travail, que ce soit en coaching ou en formation, est très loin de donner des recettes. Il s’agit de prises de conscience que la plupart de nos comportements (éducatif ou autres) sont dictés par notre vécu d’enfant, par l’impact qu’ont eu nos parents, et ensuite notre environnement plus large, sur nous.
Nous avons la chance d’avoir un cerveau avec une grande plasticité, ce qui nous permet de modifier des réseaux de neurones et ainsi des comportements ou réactions appris.
C’est un vrai travail de fond, de posture, de guérison (parce que j’ai aussi une casquette de psychopraticienne).

Où places-tu les limites de ton rôle de coach ?

La limite et/ou les écueils, il y en a plusieurs. Tout d’abord, la posture de l’accompagnant. Dès qu’un accompagnant est jugeant par rapport à un comportement parental, donneur de leçon… il va empêcher le parent de prendre la mesure, de pouvoir bouger intérieurement. C’est aussi un métier qui permet d’avoir du pouvoir sur l’autre si on a besoin de cela. C’est un métier qui nécessite donc de travailler au nettoyage de notre propre histoire afin d’être en empathie avec le parent, même lorsqu’il nous raconte qu’il a frappé son enfant. C’est grâce à cette empathie que nous pourrons accueillir ce parent et lui permettre de changer son comportement.
Une autre limite est, bien entendu, la capacité qu’a le parent à se remettre en question. Car, comme je le disais plus tôt, certains viennent nous voir pour qu’on « change » leur enfant. Quand ils comprennent que c’est un travail pour toute la famille, ils ne reviennent pas toujours. Ils ne sont pas forcément prêts à cela.

Comment définis-tu le succès dans ton travail ?

Je n’ai pas toutes les clés pour mesurer le succès dans mon travail. Quand je pense « travail », je pense aux familles que je reçois en cabinet, à celles que je vois en ateliers et aussi à toutes mes formations et mes conférences.
On m’a dit un jour que j’étais « née empathique » et que je l’étais restée. Tout ce chemin était déjà prêt en moi. J’aime les humains, j’aime la transmission et je suis à l’écoute.
De plus, comme tu le relevais, il y a une vraie demande d’accompagnement en développement personnel dans la société d’aujourd’hui.

Peux-tu raconter aussi des échecs que tu as rencontrés ?

Je n’ai pas de souvenir d’échec à raconter. Par contre, ce que je mesure, c’est que si je suis trop pressée que l’autre change, cela bloque le mouvement. J’ai besoin d’être pas à pas avec les personnes que j’accompagne. Ce qui est acrobatique dans un stage – puisqu’il y a plusieurs personnes à un endroit différent de leur chemin et que mon envie, c’est que chacune d’elles puisse faire au moins un pas – et en même temps, ce qui rend le travail tellement passionnant.

As-tu toujours le temps de te consacrer à tes créations plastiques, à la photo, au chant et à la guitare ?

Depuis un an, j’ai eu moins de temps pour la création. Du moins celle avec mes mains, parce que j’ai préparé 6 modules de formation de 4 jours chacun, que je n’avais jamais animés. Sans compter les conférences à écrire et les ateliers à animer : beaucoup de création cérébrale !
Néanmoins, je m’entraîne à dire « non » à certains projets, à conserver du temps pour créer, faire de la musique, randonner et juste papoter avec les amis.

Traduction espagnole de La confiance en soi, parue aux éditions edebé

Aurais-tu un mot à ajouter ?

Merci ! C’est mon mot. Merci de cette introduction dans laquelle je me suis vue à travers tes yeux et sur une période ancienne.
Merci aussi parce que ta demande m’a permis de me questionner sur ma pratique.
Ce qui me rend vraiment heureuse aujourd’hui, c’est d’avoir plaisir à partir au travail tous les jours. C’est de voir les changements perceptibles chez les stagiaires, c’est aussi de me nourrir de tous ces partages pour continuer à grandir.
Et d’ailleurs, comme ce n’est jamais terminé, je repars en formation pendant 3 ans. Pour développer encore plus ma posture de psychopraticienne et être encore plus juste dans mes accompagnements.

Merci à toi, Violène !

Description des stages :

La Grammaire des émotions :
Un stage de 3 jours pour différencier émotion et sentiment, découvrir ce qui se cache derrière nos réactions quotidiennes, apprendre à affirmer de saines colères et à maîtriser celles qui sont disproportionnées, comprendre ce qui se cache derrière l’hyperémotivité.
Savoir décoder les attitudes d’autrui pour ne plus en être victime :
peur, colère, amour, tristesse, joie, émotion ou réaction émotionnelle parasite ? Développer l’empathie et la répartie.

Dates des prochains stages « Grammaire des émotions » animés par Violène Riefolo :
à venir

Mieux vivre avec nos émotions et dans nos relations :

Programme du stage « Mieux vivre avec nos émotions et dans nos relations »

 

  • Page fb de Violène Riefolo, coach parentale
  • Site de Violène Riefolo
  • Contact (inscriptions, informations sur le déroulement des stages et les tarifs) : violeneriefolo [at] gmail.com – tél. : +33 6 40 53 98 07
  • Isabelle Filliozat, Violène Riefolo, Chantal Rojzman, Amandine Laprun (2017) : La confiance en soi. Éditions Nathan, coll. « Les cahiers Filliozat », Paris
  • Site d’Isabelle Filliozat
  • Revue de presse

Portrait : Stéphane Hessel

Série Portraits, par des étudiant·e·s de niveau B1

Stéphane Hessel est né 20 octobre 1917 à Berlin et est mort le 27 février 2013 à Paris. Il a été diplomate, ambassadeur, résistant, et c’était un écrivain et un militant politique français d’origine allemande.
Ses thèmes centraux étaient les droits humains, le conflit israélo-palestinien, la démocratie et l’aide au développement.
À l’âge de 8 ans, il est arrivé en France et il a changé de nationalité en 1937. En 1941, il a rejoint les Forces françaises libres à Londres. En 1944, il a été déporté à Buchenwald (camp de concentration) qu’il a pu quitter vivant grâce à une substitution d’identité avec un autre prisonnier, mort du typhus.
Stéphane Hessel a travaillé pendant quelques années pour l’ONU à Genève et était présent quand la Déclaration universelle des droits de l’homme a été écrite. Il a aussi travaillé au ministère des Affaires étrangères et avec Pierre Mendès France (un politicien français).
En 2010, il a écrit Indignez-vous ! Dans cet essai, paru chez Indigène éditions dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent » et traduit depuis dans de nombreuses langues, il critique la politique et les tendances actuelles et il appelle à agir. Il y a quelques mouvements de protestation qui se réfèrent à son essai, par exemple le mouvement « Occupy » et des mouvements en Espagne, en Grèce, en France et au Portugal contre la suprématie du secteur financier.

« Avenidas » ou « Ciudad », un poème d’Eugen Gomringer

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flores y mujeres

 

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un admirador

 

eugen gomringer (1951)

 

#avenidaswall – Die Aktion… wenn das Gedicht von “seiner Wand in Berlin” muss, soll es fröhlich wandern! Wer einen Sticker haben möchte, melde sich. Ich versende 1-2 Stück pro Anfrage. Lasst die #avenidaswall -Galerie bei IG und FB anwachsen! Der Sticker lässt sich rückstandslos entfernen. Bitte auch immer #eugengomringer dazu. Kein Gebäude soll am Text “leiden”. Stencils gäbe es auch, aber das ist ne andere Story… —- Also: Sticker nutzen, drinnen oder draußen (!), Foto machen, mit den Tags #avenidaswall Und #eugengomringer hochladen, Teil der Galerie werden! — Bitte Geduld, ich versende die Sticker von privat… muss drucken lassen und übernehme das Porto, von daher kann’s bisschen dauern. #poetisierteuch ! Powert-isiert Euch! —- Und hört auf mit dem Haten des AStA oder dem Haten von EGs Gedicht… je nachdem welcher Seite Ihr da “angehört”! Das poetische Wort bricht nicht am Mäkeln, es durchbricht die Mauern. Wisster doch! #noragomringer

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« L’homme qui plantait des arbres » de Jean Giono

L’homme qui plantait des arbres est une fiction de Jean Giono (1895-1970), écrite en 1953 et présentée comme un récit et un témoignage sur la vie d’un berger entre 1914 et 1947, Elzéard Bouffier. Le texte a d’abord été publié  aux États-Unis en 1954 puis en 1973 en France, dans des revues, et il a été traduit depuis dans de très nombreuses langues. L’auteur ayant cédé les droits de reproduction de ce texte, qui est une profonde réflexion écologique et philosophique, il est permis de le reproduire et de le diffuser.

***

Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable.

Il y a environ une quarantaine d’années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence.
Cette région est délimitée au sud-est et au sud par le cours moyen de la Durance, entre Sisteron et Mirabeau ; au nord par le cours supérieur de la Drôme, depuis sa source jusqu’à Die ; à l’ouest par les plaines du Comtat Venaissin et les contreforts du Mont-Ventoux. Elle comprend toute la partie nord du département des Basses-Alpes, le sud de la Drôme et une petite enclave du Vaucluse.
C’était, au moment où j’entrepris ma longue promenade dans ces déserts, des landes nues et monotones, vers 1200 à 1300 mètres d’altitude. Il n’y poussait que des lavandes sauvages.
Je traversais ce pays dans sa plus grande largeur et, après trois jours de marche, je me trouvais dans une désolation sans exemple. Je campais à côté d’un squelette de village abandonné. Je n’avais plus d’eau depuis la veille et il me fallait en trouver. Ces maisons agglomérées, quoique en ruine, comme un vieux nid de guêpes, me firent penser qu’il avait dû y avoir là, dans le temps, une fontaine ou un puits. Il y avait bien une fontaine, mais sèche. Les cinq à six maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluie, la petite chapelle au clocher écroulé, étaient rangées comme le sont les maisons et les chapelles dans les villages vivants, mais toute vie avait disparu.

C’était un beau jour de juin avec grand soleil, mais sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable. Ses grondements dans les carcasses des maisons étaient ceux d’un fauve dérangé dans son repas.
Il me fallut lever le camp. À cinq heures de marche de là, je n’avais toujours pas trouvé d’eau et rien ne pouvait me donner l’espoir d’en trouver. C’était partout la même sécheresse, les mêmes herbes ligneuses. Il me sembla apercevoir dans le lointain une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour le tronc d’un arbre solitaire. À tout hasard, je me dirigeai vers elle. C’était un berger. Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante se reposaient près de lui.
Il me fit boire à sa gourde et, un peu plus tard, il me conduisit à sa bergerie, dans une ondulation du plateau. Il tirait son eau – excellente – d’un trou naturel, très profond, au-dessus duquel il avait installé un treuil rudimentaire.

Cet homme parlait peu. C’est le fait des solitaires, mais on le sentait sûr de lui et confiant dans cette assurance. C’était insolite dans ce pays dépouillé de tout. Il n’habitait pas une cabane mais une vraie maison en pierre où l’on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu’il avait trouvé là à son arrivée. Son toit était solide et étanche. Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages.
Son ménage était en ordre, sa vaisselle lavée, son parquet balayé, son fusil graissé ; sa soupe bouillait sur le feu. Je remarquai alors qu’il était aussi rasé de frais, que tous ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles.
Il me fit partager sa soupe et, comme après je lui offrais ma blague à tabac, il me dit qu’il ne fumait pas. Son chien, silencieux comme lui, était bienveillant sans bassesse.

Il avait été entendu tout de suite que je passerais la nuit là ; le village le plus proche était encore à plus d’une journée et demie de marche. Et, au surplus, je connaissais parfaitement le caractère des rares villages de cette région. Il y en a quatre ou cinq dispersés loin les uns des autres sur les flans de ces hauteurs, dans les taillis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carrossables. Ils sont habités par des bûcherons qui font du charbon de bois. Ce sont des endroits où l’on vit mal. Les familles serrées les unes contre les autres dans ce climat qui est d’une rudesse excessive, aussi bien l’été que l’hiver, exaspèrent leur égoïsme en vase clos. L’ambition irraisonnée s’y démesure, dans le désir continu de s’échapper de cet endroit.
Les hommes vont porter leur charbon à la ville avec leurs camions, puis retournent. Les plus solides qualités craquent sous cette perpétuelle douche écossaise. Les femmes mijotent des rancœurs. Il y a concurrence sur tout, aussi bien pour la vente du charbon que pour le banc à l’église, pour les vertus qui se combattent entre elles, pour les vices qui se combattent entre eux et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos. Par là-dessus, le vent également sans repos irrite les nerfs. Il y a des épidémies de suicides et de nombreux cas de folies, presque toujours meurtrières.

Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais. Je fumais ma pipe. Je me proposai pour l’aider. Il me dit que c’était son affaire. En effet : voyant le soin qu’il mettait à ce travail, je n’insistai pas. Ce fut toute notre conversation. Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort près. Quand il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher.
La société de cet homme donnait la paix. Je lui demandai le lendemain la permission de me reposer tout le jour chez lui. Il le trouva tout naturel, ou, plus exactement, il me donna l’impression que rien ne pouvait le déranger. Ce repos ne m’était pas absolument obligatoire, mais j’étais intrigué et je voulais en savoir plus. Il fit sortir son troupeau et il le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un seau d’eau le petit sac où il avait mis les glands soigneusement choisis et comptés.

Je remarquai qu’en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grosse comme le pouce et longue d’environ un mètre cinquante. Je fis celui qui se promène en se reposant et je suivis une route parallèle à la sienne. La pâture de ses bêtes était dans un fond de combe. Il laissa le petit troupeau à la garde du chien et il monta vers l’endroit où je me tenais. J’eus peur qu’il vînt pour me reprocher mon indiscrétion mais pas du tout : c’était sa route et il m’invita à l’accompagner si je n’avais rien de mieux à faire. Il allait à deux cents mètres de là, sur la hauteur.
Arrivé à l’endroit où il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non. Savait-il à qui elle était ? Il ne savait pas. Il supposait que c’était une terre communale, ou peut-être, était-elle propriété de gens qui ne s’en souciaient pas ? Lui ne se souciait pas de connaître les propriétaires. Il planta ainsi cent glands avec un soin extrême.

Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions puisqu’il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu’il y a d’impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n’y avait rien auparavant.
C’est à ce moment là que je me souciai de l’âge de cet homme. Il avait visiblement plus de cinquante ans. Cinquante-cinq, me dit-il. Il s’appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il y avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.
Menant moi-même à ce moment-là, malgré mon jeune âge, une vie solitaire, je savais toucher avec délicatesse aux âmes des solitaires. Cependant, je commis une faute. Mon jeune âge, précisément, me forçait à imaginer l’avenir en fonction de moi-même et d’une certaine recherche du bonheur. Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d’autres que ces dix mille seraient comme une goutte d’eau dans la mer.
Il étudiait déjà, d’ailleurs, la reproduction des hêtres et il avait près de sa maison une pépinière issue des faînes. Les sujets qu’il avait protégés de ses moutons par une barrière en grillage, étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour les fonds où, me dit-il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol.
Nous nous séparâmes le lendemain.

L’année d’après, il y eut la guerre de 14 dans laquelle je fus engagé pendant cinq ans. Un soldat d’infanterie ne pouvait guère y réfléchir à des arbres. À dire vrai, la chose même n’avait pas marqué en moi : je l’avais considérée comme un dada, une collection de timbres, et oubliée.
Sorti de la guerre, je me trouvais à la tête d’une prime de démobilisation minuscule mais avec le grand désir de respirer un peu d’air pur. C’est sans idée préconçue – sauf celle-là – que je repris le chemin de ces contrées désertes.
Le pays n’avait pas changé. Toutefois, au-delà du village mort, j’aperçus dans le lointain une sorte de brouillard gris qui recouvrait les hauteurs comme un tapis. Depuis la veille, je m’étais remis à penser à ce berger planteur d’arbres. « Dix mille chênes, me disais-je, occupent vraiment un très large espace. »
J’avais vu mourir trop de monde pendant cinq ans pour ne pas imaginer facilement la mort d’Elzéar Bouffier, d’autant que, lorsqu’on en a vingt, on considère les hommes de cinquante comme des vieillards à qui il ne reste plus qu’à mourir. Il n’était pas mort. Il était même fort vert. Il avait changé de métier. Il ne possédait plus que quatre brebis mais, par contre, une centaine de ruches. Il s’était débarrassé des moutons qui mettaient en péril ses plantations d’arbres. Car, me dit-il (et je le constatais), il ne s’était pas du tout soucié de la guerre. Il avait imperturbablement continué à planter.
Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J’étais littéralement privé de parole et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt. Elle avait, en trois tronçons, onze kilomètres de long et trois kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l’âme de cet homme – sans moyens techniques – on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction.
Il avait suivi son idée, et les hêtres qui m’arrivaient aux épaules, répandus à perte de vue, en témoignaient. Les chênes étaient drus et avaient dépassé l’âge où ils étaient à la merci des rongeurs ; quant aux desseins de la Providence elle-même, pour détruire l’œuvre créée, il lui faudrait avoir désormais recours aux cyclones. Il me montra d’admirables bosquets de bouleaux qui dataient de cinq ans, c’est-à-dire de 1915, de l’époque où je combattais à Verdun. Il leur avait fait occuper tous les fonds où il soupçonnait, avec juste raison, qu’il y avait de l’humidité presque à fleur de terre. Ils étaient tendres comme des adolescents et très décidés.
La création avait l’air, d’ailleurs, de s’opérer en chaînes. Il ne s’en souciait pas ; il poursuivait obstinément sa tâche, très simple. Mais en redescendant par le village, je vis couler de l’eau dans des ruisseaux qui, de mémoire d’homme, avaient toujours été à sec. C’était la plus formidable opération de réaction qu’il m’ait été donné de voir. Ces ruisseaux secs avaient jadis porté de l’eau, dans des temps très anciens. Certains de ces villages tristes dont j’ai parlé au début de mon récit s’étaient construits sur les emplacements d’anciens villages gallo-romains dont il restait encore des traces, dans lesquelles les archéologues avaient fouillé et ils avaient trouvé des hameçons à des endroits où au vingtième siècle, on était obligé d’avoir recours à des citernes pour avoir un peu d’eau.
Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l’eau réapparut réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre.
Mais la transformation s’opérait si lentement qu’elle entrait dans l’habitude sans provoquer d’étonnement. Les chasseurs qui montaient dans les solitudes à la poursuite des lièvres ou des sangliers avaient bien constaté le foisonnement des petits arbres mais ils l’avaient mis sur le compte des malices naturelles de la terre. C’est pourquoi personne ne touchait à l’œuvre de cet homme. Si on l’avait soupçonné, on l’aurait contrarié. Il était insoupçonnable. Qui aurait pu imaginer, dans les villages et dans les administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique ?

À partir de 1920, je ne suis jamais resté plus d’un an sans rendre visite à Elzéard Bouffier. Je ne l’ai jamais vu fléchir ni douter. Et pourtant, Dieu sait si Dieu même y pousse ! Je n’ai pas fait le compte de ses déboires. On imagine bien cependant que, pour une réussite semblable, il a fallu vaincre l’adversité ; que, pour assurer la victoire d’une telle passion, il a fallu lutter avec le désespoir. Il avait, pendant un an, planté plus de dix mille érables. Ils moururent tous. L’an d’après, il abandonna les érables pour reprendre les hêtres qui réussirent encore mieux que les chênes.
Pour avoir une idée à peu près exacte de ce caractère exceptionnel, il ne faut pas oublier qu’il s’exerçait dans une solitude totale ; si totale que, vers la fin de sa vie, il avait perdu l’habitude de parler. Ou, peut-être, n’en voyait-il pas la nécessité ?

En 1933, il reçut la visite d’un garde forestier éberlué. Ce fonctionnaire lui intima l’ordre de ne pas faire de feu dehors, de peur de mettre en danger la croissance de cette forêt naturelle. C’était la première fois, lui dit cet homme naïf, qu’on voyait une forêt pousser toute seule. À cette époque, il allait planter des hêtres à douze kilomètres de sa maison. Pour s’éviter le trajet d’aller-retour – car il avait alors soixante-quinze ans – il envisageait de construire une cabane de pierre sur les lieux mêmes de ses plantations. Ce qu’il fit l’année d’après.

En 1935, une véritable délégation administrative vint examiner la « forêt naturelle ». Il y avait un grand personnage des Eaux et Forêts, un député, des techniciens. On prononça beaucoup de paroles inutiles. On décida de faire quelque chose et, heureusement, on ne fit rien, sinon la seule chose utile : mettre la forêt sous la sauvegarde de l’État et interdire qu’on vienne y charbonner. Car il était impossible de n’être pas subjugué par la beauté de ces jeunes arbres en pleine santé. Et elle exerça son pouvoir de séduction sur le député lui-même.
J’avais un ami parmi les capitaines forestiers qui était de la délégation. Je lui expliquai le mystère. Un jour de la semaine d’après, nous allâmes tous les deux à la recherche d’Elzéard Bouffier. Nous le trouvâmes en plein travail, à vingt kilomètres de l’endroit où avait eu lieu l’inspection.
Ce capitaine forestier n’était pas mon ami pour rien. Il connaissait la valeur des choses. Il sut rester silencieux. J’offris les quelques œufs que j’avais apportés en présent. Nous partageâmes notre casse-croûte en trois et quelques heures passèrent dans la contemplation muette du paysage.
Le côté d’où nous venions était couvert d’arbres de six à sept mètres de haut. Je me souvenais de l’aspect du pays en 1913 : le désert… Le travail paisible et régulier, l’air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l’âme avaient donné à ce vieillard une santé presque solennelle. C’était un athlète de Dieu. Je me demandais combien d’hectares il allait encore couvrir d’arbres.
Avant de partir, mon ami fit simplement une brève suggestion à propos de certaines essences auxquelles le terrain d’ici paraissait devoir convenir. Il n’insista pas. « Pour la bonne raison, me dit-il après, que ce bonhomme en sait plus que moi. » Au bout d’une heure de marche – l’idée ayant fait son chemin en lui – il ajouta : « Il en sait beaucoup plus que tout le monde. Il a trouvé un fameux moyen d’être heureux ! »
C’est grâce à ce capitaine que, non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme furent protégés. Il fit nommer trois gardes-forestiers pour cette protection et il les terrorisa de telle façon qu’ils restèrent insensibles à tous les pots-de-vin que les bûcherons pouvaient proposer.

L’œuvre ne courut un risque grave que pendant la guerre de 1939. Les automobiles marchant alors au gazogène, on n’avait jamais assez de bois. On commença à faire des coupes dans les chênes de 1910, mais ces quartiers sont si loin de tous réseaux routiers que l’entreprise se révéla très mauvaise au point de vue financier. On l’abandonna. Le berger n’avait rien vu. Il était à trente kilomètres de là, continuant paisiblement sa besogne, ignorant la guerre de 39 comme il avait ignoré la guerre de 14.

J’ai vu Elzéard Bouffier pour la dernière fois en juin 1945. Il avait alors quatre-vingt-sept ans. J’avais donc repris la route du désert, mais maintenant, malgré le délabrement dans lequel la guerre avait laissé le pays, il y avait un car qui faisait le service entre la vallée de la Durance et la montagne. Je mis sur le compte de ce moyen de transport relativement rapide le fait que je ne reconnaissais plus les lieux de mes dernières promenades. Il me semblait aussi que l’itinéraire me faisait passer par des endroits nouveaux. J’eus besoin d’un nom de village pour conclure que j’étais bien cependant dans cette région jadis en ruine et désolée. Le car me débarqua à Vergons.
En 1913, ce hameau de dix à douze maisons avait trois habitants. Ils étaient sauvages, se détestaient, vivaient de chasse au piège : à peu près dans l’état physique et moral des hommes de la préhistoire. Les orties dévoraient autour d’eux les maisons abandonnées. Leur condition était sans espoir. Il ne s’agissait pour eux que d’attendre la mort : situation qui ne prédispose guère aux vertus.
Tout était changé. L’air lui-même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs : c’était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose plus étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine, qu’elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté près d’elle un tilleul qui pouvait déjà avoir dans les quatre ans, déjà gras, symbole incontestable d’une résurrection.

Par ailleurs, Vergons portait les traces d’un travail pour l’entreprise duquel l’espoir était nécessaire. L’espoir était donc revenu. On avait déblayé les ruines, abattu les pans de murs délabrés et reconstruit cinq maisons. Le hameau comptait désormais vingt-huit habitants dont quatre jeunes ménages. Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardins potagers où poussaient, mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les choux et les rosiers, les poireaux et les gueules-de-loup, les céleris et les anémones. C’était désormais un endroit où l’on avait envie d’habiter.
À partir de là, je fis mon chemin à pied. La guerre dont nous sortions à peine n’avait pas permis l’épanouissement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau. Sur les flans abaissés de la montagne, je voyais de petits champs d’orge et de seigle en herbe; au fond des étroites vallées, quelques prairies verdissaient.
Il n’a fallu que les huit ans qui nous séparent de cette époque pour que tout le pays resplendisse de santé et d’aisance. Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies, qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. On en a canalisé les eaux. À côté de chaque ferme, dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Les villages se sont reconstruits peu à peu. Une population venue des plaines où la terre se vend cher s’est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. On rencontre dans les chemins des hommes et des femmes bien nourris, des garçons et des filles qui savent rire et ont repris goût aux fêtes campagnardes. Si on compte l’ancienne population, méconnaissable depuis qu’elle vit avec douceur et les nouveaux venus, plus de dix mille personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier.

Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu.

Elzéard Bouffier est mort paisiblement en 1947 à l’hospice de Banon.

***

Dans une lettre que Giono a écrite en 1957 au Conservateur des Eaux et Forêts de Digne, M. Valdeyron, il précise qu’il souhaite que son récit, certes fictif, puisse avoir une « utilisation pratique » et que soit menée une véritable « politique de l’arbre ».

C’est un de mes textes dont je suis le plus fier. Il ne me rapporte pas un centime et c’est pourquoi il accomplit ce pour quoi il a été écrit.

Cher Monsieur,
Navré de vous décevoir, mais Elzéard Bouffier est un personnage inventé. Le but était de faire aimer l’arbre ou plus exactement faire aimer à planter des arbres (ce qui est depuis toujours une de mes idées les plus chères). Or si j’en juge par le résultat, le but a été atteint par ce personnage imaginaire. Le texte que vous avez lu dans Trees and Life a été traduit en Danois, Finlandais, Suédois, Norvégien, Anglais, Allemand, Russe, Tchécoslovaque, Hongrois, Espagnol, Italien, Yddisch, Polonais. J’ai donné mes droits gratuitement pour toutes les reproductions. Un américain est venu me voir dernièrement pour me demander l’autorisation de faire tirer ce texte à 100 000 exemplaires pour les répandre gratuitement en Amérique (ce que j’ai bien entendu accepté). L’Université de Zagreb en fait une traduction en yougoslave. C’est un de mes textes dont je suis le plus fier. Il ne me rapporte pas un centime et c’est pourquoi il accomplit ce pour quoi il a été écrit.
J’aimerais vous rencontrer, s’il vous est possible, pour parler précisément de l’utilisation pratique de ce texte. Je crois qu’il est temps qu’on fasse une « politique de l’arbre » bien que le mot politique semble bien mal adapté.
Très cordialement
Jean Giono

 

En 1987 est sorti un très beau film d’animation du Canadien Frédéric Back (1924-2013), auquel le comédien Philippe Noiret a prêté sa voix en tant que narrateur dans la version française :

Portrait : l’abbé Pierre

Série Portraits, par des étudiant·e·s de niveau B1

« Pour que cette famille entre là où la Cour d’appel leur a donné le droit d’abriter leur famille, leurs petits-enfants, je ne sortirai pas de ce coin de trottoir jusqu’à ce que cela soit fait. » Abbé (Pater) Pierre

L’abbé Pierre est connu comme un petit homme très âgé. On peut le reconnaître à sa barbe hirsute, à son béret qui couvre l’une de ses oreilles et à sa veste usagée ou son long manteau.
Il est né en 1912 dans une famille riche à Lyon. Son véritable nom est Henri Grouès. À 18 ans, il devient frère Philippe et entre au couvent des Capucins (Kapuzinerorden). Pendant la deuxième guerre mondiale, il organise des maquis (Renaissancegruppen) et s’engage pour les juifs. À cette époque, son nom de résistant était Pierre. Après la guerre, l’abbé Pierre est élu député. Avec ses indemnités de député (Abgeordnetendiät), il fonde l’organisation « Chiffonniers d’Emmaüs » (Emmanus Lumpensammler), qui construit des abris (Unterkünfte) pour les SDF (sans domicile fixe).
En 1954, l’hiver était très froid et l’abbé Pierre a décidé de lancer à la radio « l’appel à l’insurrection de la bonté » (Aufstand der Herzen). Il s’ensuit que les Français donnent des outils et de l’argent avec lesquels les chiffonniers d’Emmaüs peuvent construire des abris. L’organisation a commencé à s’étendre dans toute la France.
L’abbé Pierre est mort d’une pneumonie à Paris en 2007. Il est populaire dans le monde entier.
Il y a une fondation Abbé Pierre qui a été créée en 1987. La Fondation poursuit le combat de l’abbé Pierre en luttant pour que chacun ait une maison, en intégrant les personnes en difficulté, en luttant contre toutes les formes d’injustice et de discrimination dans le logement et en participant au débat public.

 

L’appel de l’abbé Pierre du 1er févier 1954 (réenregistré en 1993) :

Portrait : Louise Michel

Série Portraits, par des étudiant·e·s de niveau B1

Louise Michel était une révolutionnaire et une anarchiste avec des idées féministes. C’était une des personnes centrales du soulèvement populaire de la Commune de Paris.
Elle est née le 29 mai 1830 en Haute-Marne. Sa mère était servante dans un château et son père est officiellement inconnu.
En 1851, elle a commencé des études d’institutrice. Avant de partir à Paris, Louise Michel a ouvert trois écoles libres en Haute-Marne.
En 1856, elle est partie travailler à Paris. Elle s’est trouvée rapidement dans un milieu révolutionnaire à Paris. Elle s’est radicalisée et est devenue un membre principal de la Commune de Paris. En 1871, elle a participé au soulèvement qui a défié le nouveau gouvernement bourgeois pendant dix semaines. À cause de ça, elle a été arrêtée et dépotée en août 1873 en Nouvelle-Calédonie. Au bout de sept ans, elle a pu retourner en France. Elle a tout de suite repris ses activités militantes en faisant des conférences, des réunions politiques et en écrivant. Au cours des dix années suivantes, elle a été arrêtée plusieurs fois et  une attaque contre elle a eu lieu le 22 janvier 1888.
Jusqu’à sa mort le 9 janvier 1905, elle n’a pas arrêté de se battre pour ses objectifs.

 

  • Chanson Le Temps des Cerises (Jean-Baptiste Clément / Antoine Renard, 1866-1868), interprétée par Leny Escudero
    vidéo avec des images sur la Commune et un texte explicatif

 

  • Chanson Le Temps des Cerises interprétée par Joan Baez à Toulouse en 2011

« Cézanne peint » par France Gall

Une chanson sur le peintre Paul Cézanne (1839-1906)

Reflets dans l’eau, Paul Cézanne (1892-1894)

 

 

 

Cézanne peint

Silence les grillons
Sur les branches immobiles
Les arbres font des rayons
Et des ombres subtiles

Silence dans la maison
Silence sur la colline
Ces parfums qu’on devine
C’est l’odeur de saison

Mais voilà l’homme
Sous son chapeau de paille
Des taches plein sa blouse
Et sa barbe en bataille

Cézanne peint
Il laisse s’accomplir
La magie de ses mains
Cézanne peint
Et il éclaire le monde
Pour nos yeux qui n’voient rien
Si le bonheur existe
C’est une épreuve d’artiste
Cézanne le sait bien

Vibre la lumière
Chantez les couleurs
Il y met sa vie
Le bruit de son cœur

Et comme un bateau
Porté par sa voile
Doucement le pinceau
Glisse sur la toile

Et voilà l’homme
Qui croise avec ses yeux
Le temps d’un éclair
Le regard des dieux

Cézanne peint
Il laisse s’accomplir
Le prodige de ses mains
Cézanne peint
Et il éclaire le monde
Pour nos yeux qui n’voient rien
Si le bonheur existe
C’est une épreuve d’artiste
Cézanne le sait bien

Quand Cézanne peint

Cézanne peint

© Michel Berger (paroles et musique), 1985

 

Chanson avec des sous-titres en français :

Expression d’une opinion sur la chanson « Ta seule destination »

Travail d’étudiante, niveau B1 :

À mon avis, cette chanson a des paroles très honnêtes. Aujourd’hui, la plupart des chansons qui sont aux charts sont beaucoup plus superficielles. Au contraire, Ta seule destination est une chanson profonde et qui transporte une image vivante. De plus, je pense que c’est très intéressant que l’auteur ne raconte pas toutes les facettes de sa vie. J’aime bien la mélodie et les instruments de la chanson. À mon avis, ils complètent bien le message des paroles.

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