Un virus passeur de gènes entre insectes

Des transferts horizontaux de gènes  par un virus ont été identifiés entre deux espèces de papillons d’Amérique du nord : la fausse arpenteuse du chou et le sphinx du tabac.

Ils possèdent des gènes quasiment identiques. Ce transfert de gènes serait fait par l’intermédiaire d’un virus connu pour infecter les papillons.

Cette étude a été réalisée par une équipe de chercheurs français de l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte – IRBI (CNRS/Université Francois-Rabelais de Tours) et du laboratoire Ecologie et biologie des interactions – EBI (CNRS/Université de Poitiers) .

virus dans chenille du sphinx du tabacb045_250_2

Les chenilles des papillons (à gauche, la chenille du sphinx du tabac, à droite la fausse arpenteuse du chou) se sont échangés des gènes par l’intermédiaire d’un virus connu pour les infecter. (© IRBI)

La transmission verticale de l’information génétique

Elle s’effectue de parents à descendants, c’est l’un des piliers de la biologie évolutive moderne.

La transmission horizontale de gènes

De nombreuses études la décrivent. Elle se produit entre des organismes incapables de se reproduire entre eux:

  • Chez les bactéries: ce type de transfert d’un morceau de génome est  impliqué par exemple dans la résistance aux antibiotiques. Ce transfert de gènes est fréquent et son mécanisme est bien connu.
  • Chez les organismes multicellulaires, un nombre croissant de transferts horizontaux est aussi décrit, y compris entre des animaux.

Ex: chez une espèce de puceron  on a trouvé des gènes de champignon permettant de synthétiser des caroténoïdes (qui lui confèrent une belle couleur orange).

Cependant, les mécanismes et les vecteurs impliqués dans les transferts horizontaux entre animaux restent inconnus.

Comment ce transfert  horizontal de gènes chez les animaux pluricellulaires  est-il possible?

Les chercheurs ont étudié le cas de deux espèces de papillons : la fausse arpenteuse du chou et le sphinx du tabac.

Ils ont montré qu’elles possédaient en commun plusieurs copies de deux gènes quasiment identiques.

Ils ont ensuite émis  l’hypothèse qu’un virus connu pour infecter les deux espèces d’insectes, un baculovirus, pouvait avoir joué le rôle de passeur.

Comment valider cette hypothèse de transfert horizontal de gènes par ce virus  ?

Pour la valider, ils ont séquencé plus de 180 000 génomes de virus récoltés sur des chenilles infectées.

Résultat : non seulement les gènes « sauteurs » des papillons ont été identifiés dans le génome du baculovirus, mais la fréquence à laquelle on les retrouve est loin d’être anecdotique, puisqu’un virus sur 8500 les possède.

« Dans la nature, les chenilles s’infectent en ingérant des dizaines de milliers de particules virales collées sur les végétaux qu’elles consomment. La possibilité qu’elles ingèrent des gènes d’un papillon tué par le virus est donc non négligeable », commente Clément Gilbert, chercheur CNRS au laboratoire EBI et co-auteur de l’article paru dans Nature Communications.

 

virusPopulation de baculovirus observée en microscopie électronique à transmission/ source université de Poitiers

La prochaine étape sera de vérifier si les virus jouent les passeurs entre d’autres êtres multicellulaires…

Sources partielles de l’article: CNRS, Université de Poitiers