Tara: des fleuves de plastique

Chaque année, 8 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les mers, soit l’équivalent d’un camion benne par minute. Des plastiques qui se fractionnent sous l’effet du vent, des vagues et de l’action du soleil pour se transformer en micro-plastiques. Pour mieux comprendre cette pollution et étudier son impact sur la biodiversité, une mission scientifique initiée par la Fondation Tara Océan s’est embarquée à bord de la goélette Tara. Ce navire parcourt le globe depuis 30 ans. Après les pôles et les récifs coralliens, le navire a mis le cap sur l’Europe et 9 de ses plus grands fleuves. Un voyage de 6 mois qui implique 40 chercheurs venus de 16 laboratoires et piloté par le CNRS.

Les fourmis, championnes de la circulation sans bouchons

Que ce soit sur la route des vacances ou sur les trajets quotidiens, les embouteillages touchent aussi bien les voitures que les piétons. Des chercheurs du Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) et de l’université d’Arizona (États-Unis) démontrent que les sociétés de fourmis sont, quant à elles, préservées de ces problèmes et circulent avec aisance même quand le trafic est extrêmement dense. Ainsi, leur récolte de nourriture ne perd jamais en efficacité. Ces travaux sont publiés dans la revue eLife le 22 octobre 2019.

Les embouteillages illustrent parfaitement le problème associé à une trop forte concentration d’individus qui circulent dans un même espace. Si l’on regarde pourtant les déplacements de grandes colonies de fourmis, celles-ci ne semblent pas rencontrer ce problème. Afin de percer le mystère de l’incroyable gestion routière de ces insectes, les chercheurs ont mené 170 expériences filmées afin d’observer le trafic ou flux1 des fourmis entre leur nid et une source de nourriture. Ils ont joué sur la largeur de la route et le nombre d’individus participant à l’expérience (de 400 à 25 600) pour faire varier la densité, c’est-à-dire le nombre d’insectes par unité de surface.

Surprise : chez les fourmis, quand la densité augmente, le flux croît puis devient constant, contrairement aux êtres humains qui, au-delà d’un certain seuil de densité, ralentissent jusqu’à avoir un flux nul et provoquer un embouteillage2. Les fourmis, elles, accélèrent jusqu’à atteindre la capacité maximale d’individus que peut supporter la route. Lorsque la densité devient trop importante et que les collisions entre fourmis sont trop nombreuses, les fourmis changent alors de stratégie : elles préfèrent éviter les collisions couteuses en temps plutôt que de continuer d’accélérer. Par ailleurs, les chercheurs ont observé qu’à trop forte densité, les fourmis ne s’engagent plus sur la route et attendent simplement qu’elle diminue pour se lancer.

Si le trafic chez les fourmis présente de nombreuses analogies avec les mouvements de piétons et de véhicules, il repose aussi sur des différences fondamentales. Protégés par leur exosquelette, ces insectes ne craignent pas les chocs ce qui leur permet d’accélérer alors que nous, êtres humains, préférons ralentir. De plus, les colonies partagent un but commun lors de leurs déplacements : la récolte de nourriture, qui ne perd jamais en efficacité quelle que soit la densité. Les fourmis ne semblent pas tomber dans le piège des embouteillages car elles adaptent en continu leurs règles de déplacement en fonction de la densité locale là où le trafic automobile, lui, suit des règles imposées comme s’arrêter au feu rouge, indépendamment du trafic.

Fourmis courant sur un pont. © Emmanuel PERRIN/CRCA/CNRS Photothèque

 

 

 

3 graphiques
Comparaison du trafic en fonction de la densité, chez les fourmis et les humains. © Audrey Dussutour

Still flowing: experimental investigation of ant traffic under crowded conditions, Laure-Anne Poissonnier, Sebastien Motsch, Jacques Gautrais, Jerome Buhl, Audrey Dussutour, eLife, 22 octobre 2019. https://doi.org/10.7554/eLife.48945

source communiqué du CNRS

Pollution plastique :Tara Océan lance une nouvelle mission

D’où viennent les déchets plastiques ? Sous quelles formes arrivent-ils en mer ? Où faut-il concentrer nos efforts pour stopper leurs flux ? Quels impacts ont-ils sur la biodiversité marine et le vivant ? Aujourd’hui, on estime que 80 % des déchets plastiques en mer sont d’origine terrestre…

Cette nouvelle mission plastique 2019, dont le volet scientifique est coordonné par le CNRS, sillonnera plusieurs façades de l’Europe pendant 6 mois et explorera 10 grands fleuves européens. Elle débutera le 23 mai 2019 de Lorient (Morbihan), le port d’attache de la goélette Tara

Un nouveau chapitre de la recherche sur le plastique à bord de Tara
Depuis 2010, la goélette Tara prélève des microplastiques (de 0,2 à 5 mm de diamètre) dans ses filets à l’occasion de ses différentes expéditions. Le constat est clair : ces fragments de microplastiques sont omniprésents dans l’océan. Après s’être concentrés sur cette pollution en mer Méditerranée en 2014, avoir découvert l’importante zone d’accumulation dans l’océan Arctique en 2017 et identifié la biodiversité associée dans le “Vortex” du Pacifique Nord en 2018, la goélette Tara et ses partenaires vont identifier les sources, prédire le devenir et évaluer l’impact des plastiques de la terre vers la mer….

. Voir l’article du CNRS en entier ici

Découverte d’une nouvelle espèce humaine: Homo luzonensis

Homo luzonensis est une nouvelle espèce humaine contemporaine d’Homo sapiens découverte aux Philippines.

Une équipe pluridisciplinaire internationale co-dirigée par Florent Détroit, impliquant le MNHN et le CNRS, a découvert une nouvelle espèce d’hominine, Homo luzonensis, lors de fouilles effectuées dans la grotte de Callao, située sur l’île de Luzon, au nord des Philippines.

Publiée le 11 avril 2019 par la revue Nature, l’étude des fossiles datés de 50 à 67 000 ans met en évidence une mosaïque de caractéristiques morphologiques singulière qui différencie Homo luzonensis des autres espèces du genre Homo et souligne le rôle majeur joué par l’Asie du Sud-Est insulaire dans l’histoire évolutive des hominines ( voir l’article sur Planet Vie Eduscol : Hominoïdes, Hominidés, Homininés et les autres )

La nouvelle espèce Homo luzonensis est décrite à partir d’un assemblage d’os et de dents fossiles ayant appartenu à au moins 3 individus différents découverts lors de fouilles effectuées dans la grotte de Callao en 2007, 2011 et 2015.

Deux de ces fossiles ont été datés directement à 50 000 et 67 000 ans par la méthode des séries de l’Uranium. Il s’agit des plus anciens restes humains connus aux Philippines, précédant les premiers Homo sapiens datés de 30 à 40 000 ans mis au jour sur l’île de Palawan, au sud-ouest de l’archipel.

Figure 2. Fossiles découverts dans la grotte de Callao et attribués à la nouvelle espèce Homo luzonensis. a-c : dents maxillaires (a : prémolaires et molaires CCH6 ; b : prémolaire CCH8 ; c :molaire CCH9) ; d : fémur juvénile CCH7 (incomplet) ; e-f : os des mains (e : phalange distale CCH5 ; f : phalange intermédiaire CCH2) ; g-i : os des pieds (g : métatarsien CCH1 ; h : phalange intermédiaire CCH3 ; i : phalange proximale CCH4). Echelles : 1 cm (a-i) et 2 cm (d).

Les analyses comparatives entreprises sur les fossiles, notamment au moyen de méthodes d’imagerie et de morphométrie 3D, montrent que l’espèce Homo luzonensis présente des éléments ou caractères très primitifs, ressemblant aux Australopithèques, et d’autres très modernes, proches de notre propre espèce Homo sapiens.

Les analyses comparatives entreprises sur les fossiles, notamment au moyen de méthodes d’imagerie et de morphométrie 3D, montrent que l’espèce Homo luzonensis présente des éléments ou caractères très primitifs, ressemblant aux Australopithèques, et d’autres très modernes, proches de notre propre espèce Homo sapiens.

Les scientifiques ont mis en évidence deux exemples particulièrement instructifs. Il s’agit d’une part des dents : Les prémolaires et molaires représentées sur la Figure 2-a ont appartenu au même individu. Les prémolaires étudiées sont dotées de 2 à 3 racines alors que chez Homo sapiens il n’y en a qu’une et parfois deux. Par ce caractère et par la morphologie de l’émail et de la dentine, les prémolaires d’Homo Iuzonensis se rapprochent donc de celles des Australopithèques et espèces anciennes du genre Homo, telles Homo habilis et Homo erectus.

En revanche, les molaires sont très petites et ont une morphologie très simple, plus proche de celles d’Homo sapiens. Un individu possédant ces caractéristiques combinées ne peut donc être classé dans aucune des espèces connues aujourd’hui. D’autre part, les chercheurs ont également étudié des os des pieds (Figure 2 – h et i), constatant notamment que la phalange proximale présente une courbure très marquée et des insertions très développées pour les muscles assurant la flexion du pied. Ces caractéristiques n’existent pas chez l’Homo sapiens. Cependant, cette phalange ressemble fortement à celles des Australopithèques, connus uniquement en Afrique et à des périodes bien plus anciennes (environ 2 à 3 millions d’années).

Cette combinaison de caractères tout à fait singulière la différencie nettement des autres représentants du genre Homo, notamment les espèces contemporaines connues en Asie du Sud-Est, telles Homo sapiens et Homo floresiensis.

Luzon est une île de grande taille qui n’a jamais été accessible à pieds secs pendant le Quaternaire. Sa faune et sa flore sont connues depuis longtemps pour leur fort taux d’endémisme, lié notamment à l’appauvrissement de leur diversité génétique et s’exprimant sous la forme d’espèces différant souvent fortement de leurs espèces soeurs restées sur le continent. La plus ancienne présence d’hominine connue sur l’île date de 700 000 ans3. Homo luzonensis dont nous observons les restes fossiles, quelques 600 000 ans plus tard (ils sont datés de 50 000 à 67 000 ans) représente vraisemblablement, aux Philippines, une espèce du genre Homo ayant évolué sous les effets de l’endémisme insulaire, un peu à la manière d’Homo floresiensis sur l’île de Flores en Indonésie. L’endémisme insulaire pourrait notamment être l’une des explications possibles pour la « réapparition » de caractéristiques primitives chez Homo luzonensis.

Son origine et les modalités de son arrivée sur l’île de Luzon restent pour l’instant mystérieuses. Toutefois, cette découverte souligne la diversité, la richesse et la complexité des migrations anciennes et de l’histoire évolutive des hominines dans les îles du Sud-Est asiatique.

Source: communiqué de presse du CNRS