Babouins: des vocalisations semblables aux voyelles

Les Babouins produisent des vocalisations semblables aux voyelles

Ceci vient d’être mis en évidence par des chercheurs du Gipsa-Lab (CNRS/Grenoble INP/Université de Grenoble Alpes), du Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS/AMU) et du Laboratoire d’anatomie de l’Université de Montpellier:

ils ont analysé les vocalisations de 15 babouins de Guinée qui vivent au centre des primates du CNRS à Rousset-sur-Arc (Bouches-du-Rhône)., étudié les muscles de leur langue et modélisé le potentiel acoustique de leur conduit vocal.

En voici des exemples :



Les babouins sont  donc capables de produire au moins cinq vocalisations ayant les propriétés des voyelles malgré la position élevée de leur larynx .

Ils sont capables de les combiner  pour communiquer   avec leurs partenaires.

Ces vocalisations préfigurent ainsi un système de parole chez les primates non humains .

Le langage est une caractéristique distinctive de l’espèce humaine

Les origines du langage et son évolution sont des questions scientifiques des plus difficiles à résoudre.

Une ancienne théorie remise en cause: un larynx trop haut pour parler ?

L’une des théories dominantes dans ce domaine associe la possibilité de produire des sons différenciés, base de la communication parlée, à « la descente du larynx » observée au cours de l’évolution de l’Homo sapiens.

Cette théorie considère que la parole humaine nécessite un larynx en position basse (par rapport aux vertèbres cervicales) et qu’un larynx en position haute, comme c’est le cas pour les babouins (Papio papio), empêche la production d’un système de vocalisations analogue à celui des voyelles existant dans toutes les langues.

 

D’après la  théorie ci-dessus, seuls les humains âgés de plus d’un an peuvent produire des sons différenciés. Les bébés, l’Homme de Neandertal et tous les singes en sont incapables car leur larynx est en position trop haute.

Des chercheurs avaient déjà montré que la position haute du larynx des bébés et des hommes de Neandertal n’est pas un handicap pour produire des voyelles différentes.

Il restait à apporter la preuve que les singes, notamment les babouins, arrivaient bien à produire ce type de vocalisations…. Voila qui est fait!

« C’est la première fois qu’on montre cela chez un primate non humain », explique à l’AFP Joël Fagot, chercheur CNRS au laboratoire de psychologie cognitive AMU et coauteur de l’étude

Les babouins produisent donc des sons comparables aux 5 voyelles humaines: [? æ ? o u].

Les chercheurs les appellent des  » vowel-like » … car ils partagent certaines caractéristiques acoustiques des voyelles, sans en avoir toutes les propriétés. 

Les babouins peuvent également combiner les sons : par exemple, ils assemblent le [?] et le [u] produire la vocalisation « whaou »

© Caralyn Kemp et Julie Gullstrand / Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS/AMU).
Image in situ des babouins enregistrés.

Ces primates auraient donc un appareil vocal  « prêt à parler » mais leur cerveau n’est pas encore prêt à le contrôler.

Bien que les singes ne produisent pas de sons de parole, les données suggèrent des liens évolutifs entre les vocalisations des babouins et les systèmes phonologiques humains….pour plus de précisions télécharger le communiqué de presse du CNRS cp_vocalises_vf_web

Plus généralement, les langues parlées auraient pu évoluer à partir d’anciennes compétences articulatoires déjà présentes chez notre dernier ancêtre commun , il y a environ 25 millions d’années…

Sources

CNRS cp_vocalises_vf_web

Bibliographie
Evidence of a Vocalic Proto-System in the Baboon (Papio papio) Suggests Pre-Hominin Speech Precursors. Louis-Jean Boë, Frédéric Berthommier, Thierry Legou, Guillaume Captier, Caralyn Kemp, Thomas R. Sawallis, Yannick Becker, Arnaud Rey, Joël Fagot. PLOS ONE, le 11 janvier 2017. DOI : http://dx.plos.org/10.1371/journal.pone.0169321 (actif à la publication de l’article).

Fitch WT, de Boer B, Mathur N, Ghazanfar AA. Monkey vocal tracts are speech-ready. Science Advances. 2016;2(12):e1600723-e1600723. doi: 10.1126/sciadv.1600723

Vision: les abeilles préfèrent se servir de l’image globale …

Contrairement à la plupart des animaux étudiés, les abeilles utilisent l’image globale …

AuroreAvargues4 Aurore Avarguès-Weber, premier auteur de l’article, va recevoir une des bourses françaises L’Oréal – UNESCO pour les Femmes et la science pour l’ensemble de ses travaux sur la cognition chez les abeilles.

 

 

 

Des précisions sur le » langage » et la vision des abeilles:

L’abeille navigue  dans son environnement  pour repérer ses sources de nourriture  autour de sa ruche :

  • Karl Von Frisch a montré que les abeilles, lorsqu’elles ont trouvé une source de nourriture, sont capables, à leur retour à la ruche, d’en indiquer l’emplacement à leurs congénères en effectuant une « danse » caractéristique.

  • Une équipe du CNRS dirigée par Martin Giurfa a montré que les capacités cognitives de reconnaissance des formes visuelles des abeilles domestiques sont similaires à celles des hommes et des primates.

© CNRS - Martin Giurfa

© CNRS – Martin Giurfa

« Avec à peine 950 000 neurones dans leur cerveau (contre 100 billions dans le nôtre) l’abeille domestique possède une stratégie de reconnaissance des images complexes. Pour arriver à cette conclusion, ils ont entraîné des abeilles avec une succession de stimuli partageant tous une configuration de base définie par la position constante dans le champ visuel de quatre lignes orientées différemment (une horizontale, une verticale et deux diagonales). Ils ont montré que les abeilles sont capables de retenir cette configuration simplifiée et de choisir des nouveaux stimuli qu’elles n’ont jamais vus mais qui préservent cette configuration. Ainsi, les résultats de cette étude montrent d’une part comment se fait une représentation d’images complexes au niveau du cerveau d’un invertébré et d’autre part que ces représentations leur permettent de réaliser des tâches de catégorisation visuelle. La similarité entre les stratégies de reconnaissance visuelle adoptées par les abeilles et par l’homme est frappante ! » voir plus de détails ici 

  • Des bioroboticiens de l’Institut des sciences du mouvement (CNRS / Université de la Méditerranée) ont montré que l’abeille se révèle capable d’ajuster sa vitesse en fonction des distances qui la séparent des obstacles, y compris dorsaux. Cela lui est possible grâce au défilement visuel perçu, notamment au-dessus de sa tête.

    « Comment une créature aussi minuscule que l’abeille, dont le cerveau est plus petit que celui d’un oiseau, parvient-elle à contrôler son vol et ainsi, à éviter les obstacles en vol ou au sol ? On sait aujourd’hui que les prouesses sensori-motrices de ces miniatures volantes reposent sur un système nerveux composé de cent mille à un million de neurones. Lorsque l’insecte vole au-dessus du sol, l’image de l’environnement défile d’avant en arrière dans son champ visuel, créant ainsi un flux optique défini comme la vitesse angulaire à laquelle défilent les contrastes présents dans l’environnement. Par définition, ces flux optiques sont fonction du rapport entre la vitesse et les distances aux surfaces… » voir le communiqué du CNRS ici

  • Les travaux d’Aurore Avarguès-Weber et de Martin Giurfa du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) montrent que, contrairement à la plupart des animaux étudiés, les abeilles préfèrent compter sur la forme générale. Tout comme les humains, elles utilisent en priorité l’image globale
    © Aurore Avarguès-Weber Abeille devant un stimulus hiérarchique : un triangle (forme globale) composé de disques (détails). Le dispositif au centre permet de récompenser l'abeille par une goutte de liquide sucré.

    © Aurore Avarguès-Weber
    Abeille devant un stimulus hiérarchique : un triangle (forme globale) composé de disques (détails).
    Le dispositif au centre permet de récompenser l’abeille par une goutte de liquide sucré.

    « La perception visuelle a été étudiée en profondeur chez l’Homme et chez divers animaux, notamment des primates, afin de déterminer comment la vision permet de traiter et d’appréhender les images du monde qui nous entoure. Jusqu’à présent, les études indiquaient une différence profonde entre l’Homme et l’animal dans la façon de traiter des images : alors que l’Homme priorise une perception visuelle globale avant les détails, ce qui lui permettrait une reconnaissance plus rapide et efficace des objets, les animaux étudiés suivent en général la stratégie opposée : le détail passe avant la perception globale.L’abeille dépend fortement de la vision pour naviguer efficacement dans son environnement et pour repérer et reconnaitre aussi bien les fleurs exploitées que sa ruche et ses alentours. Il était donc logique de s’intéresser à la perception visuelle de ce petit insecte.

    Cette étude, réalisée en collaboration avec des chercheurs australiens, met en évidence une exception à la différence homme/animal généralement observée. Les résultats obtenus montrent que, lorsqu’elles doivent choisir entre utiliser les détails ou la forme globale d’une image pour reconnaître une source de nourriture, les abeilles préfèrent se servir de la forme globale.

    Les chercheurs ont utilisé des stimuli dits hiérarchiques, c’est-à-dire des images comportant deux niveaux d’analyse : une forme géométrique globale constituée par plusieurs éléments plus petits ayant une forme différente. Les abeilles ont été entraînées à rentrer dans un labyrinthe en forme de Y où elles doivent choisir entre deux images situées à chacune des branches, comme par exemple un triangle (forme globale) construit avec des petits disques (détails) d’une part et un carré construit avec des losanges d’autre part. Le choix d’un des stimuli était récompensé avec une gouttelette de sucre et l’autre pas…. »voir le communiqué du CNRS en entier Perception visuelle

    Quels sont  les mécanismes neuronaux qui confèrent de telles facultés à cet insecte, là où des structures cérébrales infiniment plus complexes semblent requises chez les humains? à suivre