Paramécie : une hérédité de type Lamarckien

Une équipe de l’Institut de biologie de l’Ecole normale supérieure (CNRS/ENS/Inserm) sous la direction d’Eric Meyer vient de décrire la transmission des caractères acquis par la Paramécie.

  •   La Paramécie ?

Bien connue des collégiens, la paramécie (Paramecium tetraurelia) est une cellule eucaryote de grande taille (120 micromètres) recouverte de cils vibratiles C’est un protozoaire cilié vivant en eau douce très fréquent dans les mares et les étangs.

La paramécie est  un modèle de choix pour analyser les composantes épigénétiques de l’hérédité .

  •  Les types sexuels  de la Paramécie se transmettent de génération en génération par un mécanisme inattendu.

Ils ne sont pas déterminés par la séquence du génome, mais par de petites séquences d’ARN, transmises par le cytoplasme maternel.

Celles-ci inactivent spécifiquement certains gènes au cours du développement. Ainsi, une paramécie peut acquérir un type sexuel nouveau et le transmettre à sa descendance sans qu’aucune modification génétique ne soit impliquée.

  • Des détails sur cette étude: 

Lors de leur reproduction sexuelle, appelée conjugaison, les Paramécies partenaires s’échangent réciproquement du matériel génétique.

paramécie conjugaison© Janine Beisson – Couple de paramécies
en conjugaison où les cils sont marqués avec un anticorps anti-tubuline

Une fois fixées et colorées au réactif de Schiff, les noyaux apparaissent en rouge. On distingue le macronoyau et le micronoyau proches l’un de l’autre. C’est pendant la conjugaison ou accouplement que les partenaires échangent le matériel génétique de leurs micronoyaux après méiose et amphimixie.

Les paramécies présentent néanmoins deux ‘types sexuels’, appelés E et O.

La conjugaison n’est possible  qu’entre types sexuels différents.

Dès les années 1940, des chercheurs comme Tracy Sonneborn avaient remarqué que le type sexuel ne se transmettait pas à la descendance en suivant les lois de Mendel : un nouveau type de transmission des caractères, ne dépendant pas des chromosomes, devait être à l’œuvre. Cependant, ils n’avaient pas réussi à l’élucider.

Aujourd’hui, l’équipe d’Eric Meyer et ses collaborateurs viennent de décrire le mécanisme de cette hérédité alternative. Pour cela, ils ont d’abord montré que la différence entre les types sexuels E et O tient à une protéine transmembranaire appelée mtA. Bien que le gène qui la code soit présent chez les deux types sexuels, il ne s’exprime que chez les individus E. Les chercheurs ont ensuite montré le mécanisme par lequel, chez le type O, ce gène est inactivé.

Les paramécies possèdent deux noyaux : un micronoyau germinal qui est transmis lors de la reproduction sexuelle et un macronoyau somatique, issu de ce dernier, où s’expriment les gènes de la cellule.

Le mécanisme de transmission des types sexuels se base sur de petits ARN, appelés scnARN, qui sont produits durant la méiose. La fonction originelle de ces ARN est d’éliminer du macronoyau toute une série de séquences génétiques, appelées éléments transposables, qui, à la manière des introns3, se sont introduits à l’intérieur des gènes au cours de l’évolution. Dans un premier temps, les scnARN scannent le macronoyau maternel afin d’identifier les séquences qui avaient été éliminées à la génération précédente, puis effectuent les mêmes réarrangements dans le nouveau macronoyau. Or, de façon inattendue, ce mécanisme de « nettoyage » du génome permet aussi à la cellule de mettre sous silence des gènes fonctionnels. Chez l’espèce Paramecium tetraurelia, chez les individus de type O, les scnARN éliminent le promoteur du gène mtA, ce qui annule son expression. Ainsi, c’est par le biais des scnARN hérités avec le cytoplasme maternel, et non d’une séquence génétique particulière, que le type sexuel de la paramécie est défini.

NB:Les ciliés sont des organismes hermaphrodites et la conjugaison est une fécondation réciproque, chacun des deux partenaires fécondant l’autre. On peut cependant définir, pour chacun des descendants, une mère (la cellule parentale ayant fourni le cytoplasme et unecopie du génome haploïde) et un père (la cellule parentale dont la contribution est limitée à une copie du génome haploïde

Ce processus de mise sous silence peut a priori toucher n’importe quel gène. Les paramécies peuvent donc, en théorie, transmettre à leur descendance sexuelle une infinie variété de versions du génome macronucléaire à partir du même génome germinal. Comme pour l’hérédité génétique, ce mécanisme peut conduire à des erreurs qui, de temps en temps, peuvent apporter à la descendance un avantage sélectif.

Autrement dit, le génome du macronoyau somatique de la paramécie pourrait évoluer en continu et permettre, dans certains cas, une adaptation à court terme aux changements de conditions environnementales. Ceci, sans que des mutations génétiques soient impliquées.

Cette forme d’hérédité de type lamarckien (en référence à Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) dont la théorie sur l’évolution du vivant abordait la transmission des caractères acquis) offrirait ainsi un levier d’action encore insoupçonné à la sélection naturelle.

Source partielle CNRS: voir l’article « paramécie.PDF »

Voir aussi: Épigénétique: la paramécie comme modèle d’étude
Éric Meyer, Janine Beisson « epigenetique_paramecie. PDF«