Une solution aqueuse de nanoparticules pour réparer les organes

La « nanocolle » (solution aqueuse de nanoparticules) serait une  méthode inédite et révolutionnaire de réparation des organes mous et des tissus « in vivo »: 

La « nano-colle », véritable « colle du vivant » pourrait bouleverser les techniques de chirurgie réparatrice des organes

Une équipe de chercheurs vient de démontrer que le principe d’adhésion par une solution aqueuse de nanoparticules peut être utilisé in vivo chez le rat pour  pour obtenir la fermeture et la guérison rapide de plaies profondes (peau et le foie).

solution aqueuse de nanoparticules ludwik-leiblerDe gauche à droite : Alexandre Prévoteau (ESPCI/UPMC), Dominique Hourdet (ESPCI/UPMC), Alba Marcellan (ESPCI/UPMC), Ludwik Leibler (ESPCI/CNRS), Séverine Rose (ESPCI/UPMC) et (en insert) Paul Elzière (ESPCI). Crédits : Cyril Frésillon/CNRS

Ces méthodes de réparation de blessures in vivo utilisent  des solutions aqueuses de nanoparticules (méthode inventée par Ludwik Leibler et ses collègues à l’ESPCI ParisTech , voir le communiqué du CNRS  ).

Elles viennent d’être présentées par une équipe de chercheurs du laboratoire Matière molle et chimie (ESPCI/CNRS) et du laboratoire de Recherche vasculaire translationnelle (INSERM/Paris Diderot/Paris 13): voir le communiqué du CNRS et la publication sur onlinelibrary.wiley.com

Stéphane Mallat, Ludwik Leibler et Philippe Cinquin ont été lauréats de la médaille de l’innovation 2013 du CNRS ( à voir ici )

Des précisions sur cette « nanocolle » (solution aqueuse de nanoparticules) :

Rappel: une nanoparticule est une particule dont la taille est inférieure à 100 nanomètres (un nanomètre correspond au milliardième de mètre, voir ici un rappel sur  les dimensions en biologie ).

Le concept est entièrement nouveau : le processus d’adhésion ne prend que quelques secondes et il est remarquablement robuste.

Le collage des gels et des tissus biologiques  se fait grâce à des nanoparticules.

Les solutions aqueuses ou organiques de nanoparticules (silice, nanotubes, nanocristaux de cellulose, etc.)  sont utilisées comme liant.  Les nanoparticules contenues dans une solution étalée sur des surfaces à coller se lient au réseau moléculaire du gel (ou du tissu), phénomène appelé adsorption, et, dans le même temps, le gel (ou le tissu) lie les particules entre elles.

Dans une première expérience, les chercheurs ont procédé à une analyse comparée de la fermeture d’une plaie profonde de la peau par la méthode traditionnelle des points de suture et par l’application au pinceau de la solution aqueuse de nanoparticules. Cette seconde méthode simple d’utilisation permet de refermer la peau rapidement jusqu’à cicatrisation complète, sans inflammation ni nécrose. La cicatrice résultante est presque invisible.

 

Réparation d’une blessure par une solution aqueuse de nanoparticules (gauche) et par point de suture (droite). ©ESPCI

Dans une seconde expérience, toujours chez des rats, les chercheurs ont appliqué cette solution à des organes « mous » qui tels le foie, le poumon ou la rate sont difficiles à suturer car ils se déchirent lors du passage de l’aiguille. Actuellement aucune colle n’allie efficacité d’adhésion et innocuité pour l’organisme. Confrontés à une entaille profonde du foie avec forte hémorragie, les chercheurs ont refermé la blessure en étalant la solution aqueuse de nanoparticules et en pressant les deux bords de la blessure. La perte de sang s’est alors arrêtée. Pour réparer un lobe de foie sectionné, les chercheurs ont également utilisé des nanoparticules : ils ont collé un pansement recouvert de nanoparticules sur la plaie, arrêtant ainsi l’hémorragie. Dans les deux situations, le fonctionnement de l’organe est préservé et les animaux survivent.

« Coller un pansement pour arrêter les fuites » n’est qu’un exemple des possibilités ouvertes par l’adhésion apportés par des nanoparticules. Dans un tout autre domaine, les chercheurs sont parvenus grâce aux nanoparticules à fixer une membrane dégradable utilisée pour la thérapie cellulaire sur le cœur et ce, malgré les fortes contraintes mécaniques liées à ses battements. Ainsi ils démontrent qu’il serait possible de fixer des dispositifs médicaux variés à des fins thérapeutiques ou de réparation et de renforcement mécaniques des organes et des tissus.

Cette méthode d’adhésion est exceptionnelle de par son potentiel champ d’applications cliniques. Elle est simple, facile à mettre en œuvre et les nanoparticules utilisées (silice, oxydes de fer) peuvent être métabolisées par l’organisme. Elle peut facilement être intégrée dans les recherches actuelles sur la cicatrisation et la régénération des tissus et contribuer au développement de la médecine régénératrice.

solution aqueuse de nanoparticules

@laboratoire « Matière molle et chimie » (CNRS/ESPCI ParisTech) Illustration de la première expérience réalisée par les chercheurs sur des rats : réparation d’une plaie profonde par application de la solution aqueuse de nanoparticules. La fermeture de la plaie s’effectue en trente secondes.

La simplicité, la rapidité et la robustesse de cette « nano-colle » est de bon augure pour les applications cliniques, la chirurgie et la médecine régénérative.