les désinclinaisons de l’olivine expliquent la plasticité du manteau terrestre

Un type de défauts cristallins, les désinclinaisons, permet d’expliquer comment le minéral le plus abondant du manteau supérieur de la Terre, l’olivine, se déforme dans la nature sous l’effet des contraintes tectoniques.

L’article publié dans Nature le 27 février, devrait permettre de mieux comprendre la dynamique de la terre

Le manteau terrestre ?

Il constitue une enveloppe solide animée de lents et constants mouvements de convection: voir le cours sur la tectonique des plaques

La Terre évacue sa chaleur en continu grâce aux mouvements de convection qui animent le manteau terrestre .

Comment les roches se déforment-elles pour permettre un tel mouvement?

  • A l’échelle géologique, les minéraux solides du manteau  se déforment à la manière des liquides visqueux.
  • Ce comportement est décrit comme résultant du déplacement de défauts cristallins appelés dislocations qui, glissant dans certains plans constituent ce que l’on appelle des systèmes de glissement.
  • Cette explication bute sur le fait que l’olivine, le minéral qui constitue 60 à 70 % du manteau supérieur, possède une structure cristalline qui ne permet pas d’activer assez de systèmes de glissement pour rendre compte des déformations observées …voir la source ici

Comment expliquer les déformations de  l’olivine (constituant principal du manteau supérieur)  qui ne présente pas assez de défauts dans sa structure cristalline  ?

Une équipe menée par l’Unité matériaux et transformations (CNRS/Université Lille 1/Ecole nationale supérieure de chimie de Lille), vient d’apporter une explication inattendue à cette question:

Communiqué du CNRS: « Celle-ci met en jeu des défauts cristallins très mal connus et jusqu’alors jamais pris en compte, appelés « désinclinaisons », situés à l’interface entre les grains minéraux qui composent les roches. En prenant comme cas d’étude l’olivine, les chercheurs sont parvenus pour la première fois à visualiser ces défauts et à modéliser le comportement des joints de grains face à une contrainte mécanique. Ces résultats qui viennent d’être publiés dans Nature dépassent largement le cadre des géosciences : ils apportent un outil nouveau et extrêmement puissant à l’étude de la dynamique des solides et aux sciences des matériaux en général.

La Terre évacue sa chaleur en continu grâce aux mouvements de convection qui animent le manteau terrestre sur lequel reposent les continents. Comprendre cette convection est donc primordial pour l’étude de la tectonique des plaques. Le manteau est constitué de roches solides. Pour que celui-ci puisse s’animer de mouvements de convection, il est nécessaire que la structure cristalline de ses roches puisse se déformer. Ceci constituait jusque-là un paradoxe que la science n’arrivait pas tout à fait à résoudre. En effet, les défauts de la structure des cristaux, appelés dislocations, qui expliquent très bien la plasticité des métaux, n’étaient pas suffisants pour expliquer les déformations que subissent certaines roches du manteau.

Les chercheurs imaginaient bien que la solution était à chercher au niveau des interfaces des grains minéraux qui composent les roches. Cependant, ils manquaient d’outils conceptuels pour décrire et modéliser le rôle joué par ces parois entre les grains dans la plasticité des roches. Les chercheurs de l’Unité matériaux et transformations (CNRS/Université Lille 1/Ecole nationale supérieure de chimie de Lille) en collaboration avec ceux du laboratoire Géosciences Montpellier (CNRS/Université Montpellier 2) et du Laboratoire d’étude des microstructures et de mécanique des matériaux (CNRS/Université de Lorraine/Arts et Métiers ParisTech/Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz) ont réussi à expliquer ce rôle. En effet, ils ont montré que la structure cristalline des interfaces entre les grains présente des défauts très particuliers appelés « désinclinaisons », défauts qui n’avaient jusqu’à présent jamais été pris en compte. Les chercheurs sont parvenus à les observer pour la première fois sur des échantillons d’olivine (qui constitue jusqu’à 60% du manteau supérieur), grâce à un microscope électronique et un traitement spécial des images. Puis, ils sont allés plus loin : à l’aide d’un modèle mathématique de ces « désinclinaisons », ils ont démontré que celles-ci expliquaient la plasticité de l’olivine. En appliquant des contraintes mécaniques, les « désinclinaisons » permettent aux joints de grains de se déplacer, et donc à l’olivine de se déformer dans n’importe quelle direction. Ainsi, écoulement et rigidité du manteau ne sont plus incompatibles.

Ces travaux vont bien au-delà de l’explication de la plasticité des roches du manteau terrestre. Il s’agit d’une avancée majeure en sciences des matériaux. La prise en compte des « désinclinaisons » devrait fournir aux scientifiques un outil nouveau pour expliquer de nombreux phénomènes liés à la mécanique des solides. Les chercheurs veulent poursuivre leur étude de la structure des joints grains sur d’autres minéraux, mais aussi sur d’autres solides comme des métaux. » source CNRS

image Cordier


© S. Demouchy, Montpellier.

Image en microscopie optique et en lumière polarisée-analysée d’un polycristal d’olivine naturel (Mylonite d’Oman).


L’origine des séismes profonds enfin démontrée…

Des chercheurs  français   (CNRS/ENS Paris) et américains (Universités de Californie et de Chicago) ont reproduit expérimentalement le mécanisme physique supposé être à l’origine des séismes profonds.( Revue Science du 20 septembre 2013 )

Quelques précisions :

Les séismes ?

Un séisme est une série de secousses qui provoquent des destructions et modifient les paysages ; des déformations se produisent à la surface de la Terre.

untitledSéisme de San Francisco/1989/Source

On distingue trois catégories  de séismes, en fonction de la profondeur où ils se produisent (foyer ):

  1. les séismes superficiels ( faible profondeur, soit dans les premières dizaines de kilomètres)
  2. les séismes intermédiaires (quelques dizaines et quelques centaines de kilomètres de profondeur)
  3. les séismes profonds ( profondeurs pouvant atteindre les 700 km),ils se trouvent exclusivement au voisinage de limites convergentes

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– Carte de répartition des séismes (source:Animation séismes volcanisme plaques)

– les séismes superficiels s’expliquent  par les théories de  rupture et de glissement sur les failles: ces séismes ne se produisent que dans  matériel rigide (lithosphère)

Des contraintes s’exerçant en permanence sur les roches  conduisent à une  accumulation d’énergie qui finit par provoquer leur rupture au niveau d’une faille.  L’énergie brusquement dégagée le long de ces failles causent des séismes (tremblements de terre). voir le cours sur la tectonique des plaques et les localisations des séismes

Qu’est ce qu’un séisme profond ?

Les séismes profonds sont des séismes dont les foyers (points de rupture) sont situés entre 400 et  700 km de profondeur .

– Carte de répartition des séismes profonds ( source espace-svt.ac-rennes )

  figuration des  séismes profonds

.De nos jours, la physique des séismes superficiels est relativement bien décrite par les théories de la rupture et du glissement sur les failles.
Ces théories ne permettent pas d’expliquer les séismes profonds

A 400 ou 700 km de profondeur,  la pression dépasse  la centaine de milliers de bars. Dans ces conditions , si une fracture se produisait, elle ne pourrait pas glisser et être à l’origine de l’émission d’ondes sismiques.

Il y a une cinquantaine d’années, Une  autre théorie a expliqué  l’origine de ces séismes profonds :

Sous l’effet l’accroissement de pression lié à l’augmentation de la profondeur ( dans la lithosphère océanique en subduction ), l’olivine ( constituant du manteau terrestre )  se transformerait en une forme plus compacte … Mais, sans preuve cette hypothèse était sans cesse débattue .

Le plus grand séisme profond de l’ère instrumentale (MW 8,3):

© RIA Novosti. Shakhverdiev

Le 24 mai 2013, à 5h44 TU (15h44 heure locale), un séisme de forte
magnitude (MW 8,3) s’est produit à très grande profondeur (environ 600 km) en
mer d’Okhotsk ; il n’a provoqué aucun dégât en surface.Il s’est produit dans une région marquée par une sismicité instrumentale et historique intense, liée essentiellement à la subduction de la plaque Pacifique sous la plaque continentale nord-américaine . Comme la plupart des séismes profonds, et contrairement aux séismes superficiels, il n’a pas, ou presque, été suivi de répliques

Mer d'OkhotskMer d’Okhotsk © RIA Novosti. Shakhverdiev

La série d’expériences réalisée par cette équipe ((CNRS/ENS Paris et américains des Universités de Californie et de Chicago) apporte la preuve expérimentale (qui manquait jusqu’alors) sur l’origine de ces séismes profonds : 

« Les résultats  ont été obtenus en utilisant des technologies de pointe dans les domaines de l’enregistrement micro-acoustique, de la déformation des matériaux en conditions extrêmes de pression et de température et de leur caractérisation par le rayonnement synchrotron .Ces expériences ont été réalisées avec une presse gros volume installée sur une des lignes synchrotron de l’APS (advanced photon source, Argonne, Ilinois, USA). Elles ont consisté à déformer une roche synthétique constituée d’un agrégat compact de cristaux d’olivine de germanium (Mg2GeO4), un analogue structural de l’olivine naturelle, à des pressions de 2 à 5 gigapascals (20 à 50 mille bars) et des températures avoisinant les 900°-1000°C…voir le communiqué du CNRS séismes profonds «