Mieux comprendre la phase préparatoire d’un séisme en milieu océanique

 Une meilleure compréhension des phases préparatoires des  séismes en milieu océanique

séisme

Publiée le 14 septembre dernier dans Nature Geoscience, l’étude menée par des chercheurs de plusieurs instituts, en particulier l’Ifremer, le CNRS et l’IFSTTAR, propose pour la première fois un modèle physique permettant d’expliquer la phase préparatoire d’un séisme en milieu océanique.

Des travaux d’autant plus novateurs qu’ils reposent sur des mesures quantitatives, permettant d’établir l’existence d’une relation entre les précurseurs observés et le choc principal d’un séisme. Une piste prometteuse qui devrait orienter les futures recherches sur les signaux détectables.

 » Un modèle lié aux spécificités du domaine marin
Les données utilisées pour élaborer le modèle proposé dans l’article sont issues
d’observatoires sous-marins3 déployés dans des zones de fracture du Pacifique Nord-Est.
Les scientifiques ont pu montrer que les propriétés des fluides circulant dans les zones de faille sous-marines changent avec le temps, au cours de ce que l’on appelle le « cycle
sismique ». Ce terme décrit le cycle suivant lequel les contraintes s’accumulent le long
d’un plan de faille, jusqu’à dépasser le point de rupture ; lorsque le séisme se produit, les
contraintes se relâchent puis s’accumulent de nouveau, jusqu’au prochain séisme, etc.
Du fait de leur proximité avec les dorsales océaniques, les fluides qui circulent dans les
failles sont soumis à une forte pression et à une forte température. Ils peuvent ainsi
atteindre un état de la matière dit supercritique. Les propriétés physiques d’un fluide
supercritique (densité, viscosité, diffusivité) sont intermédiaires entre celles des liquides
et celles des gaz.
La compressibilité du fluide supercritique varie fortement avec la pression, ce
qui, selon l’analyse des auteurs, peut être la cause du déclenchement du
séisme, après une courte période de secousses prémonitoires.
Les précurseurs sismiques
Les précurseurs sismiques sont les signaux avant-coureurs précédant un séisme. De
nombreux signaux sont étudiés par la communauté scientifique, de natures très variées :
signaux associés aux mouvements du sol, signaux sismiques, signaux liés au
comportement des gaz, des fluides, ou encore signaux électriques, thermiques,
comportement animal, etc.
Il paraît évident qu’un phénomène de l’ampleur d’un tremblement de terre, libérant une
énergie considérable, a une phase préparatoire. Le problème ne réside cependant pas
dans l’absence de signes précurseurs (les observations « après coup » sont nombreuses)
mais dans la capacité à les détecter avant le choc principal.
Les résultats obtenus pourraient permettre d’orienter les futures recherches vers la
détection de signaux précurseurs avec, à terme, des applications possibles dans la
prévision sismique. Les fluides supercritiques nécessitent des conditions bien
particulières, mais on les rencontre également à terre dans des zones volcaniques et
hydrothermales, comme en Islande.
Détail du modèle
Sous l’effet de forces tectoniques, deux phénomènes antagonistes sont usuellement en
jeu au voisinage des failles coulissantes. Le premier est l’augmentation des forces de
cisaillement tendant à fracturer les roches et à affaiblir la résistance de la zone de
coulissage. Le second est la baisse de pression du fluide contenu dans le massif rocheux, résultant de l’accroissement du volume de vide entre les roches. Cela va agir comme un effet « ventouse » stabilisateur, venant contrecarrer la perte de résistance du massif rocheux. Cet effet de stabilisation retarde le déclenchement des séismes.
L’efficacité du mécanisme est toutefois fortement liée à la compressibilité du fluide.
Elle est maximale en présence de fluides à l’état liquide, dont la faible compressibilité
génère une forte diminution de pression en réponse à de petites augmentations du
volume offert au fluide. A l’inverse, pour les fluides de type gazeux, à forte
compressibilité, l’effet ventouse est quasi-nul.
Dans le cas où se produit, en cours de coulissage de faille, un changement d’état « liquide
– gaz » du fluide, le mécanisme de baisse de pression jusque là auto-stabilisateur va
s’évanouir rapidement jusqu’à permettre le déclenchement d’une secousse majeure.
Les quelques jours au cours desquels la transition s’opère seraient marqués par de
multiples manifestations, dont de nombreuses secousses de faibles amplitudes. » source CNRS

Télécharger le communiqué de presse du CNRS :Séismes en milieu océanique