Pour que (sur)vive l’information

Parce qu’enquêter pour informer est aujourd’hui devenu dangereux dans plusieurs pays, une plate-forme a été créée pour permettre aux journalistes empêchés de poursuivre leur travail d’investigation de le faire connaître malgré tout.

Car selon le sujet traité et/ou le pays concerné, des hommes et des femmes dont le métier est d’informer sont menacés, emprisonnés et/ou exécutés. Enquêter sur les cartels de la drogue au Mexique, mettre en lumière la corruption dans le milieu politique à Malte (pays de l’Union européenne!), dénoncer les violences perpétrées par les forces russes (notamment en Tchétchénie dans les années 1990 et 2000) sont des activités si dangereuses qu’elles ont valu la mort à leurs auteurs.

C’est pourquoi l’association de journalistes Freedom Voicies Network (fondée en 2016) a lancé le 31 octobre dernier Forbidden Stories pour mettre à l’abri le travail de leurs confrères ; et si nécessaire, le poursuivre pour le finaliser et le publier ou diffuser à leur place.

Il s’agit d’une plate-forme internet sécurisée, jouant un peu le rôle d’un coffre-fort. Si dans le cadre d’une enquête journalistique vous disposez d’informations sensibles, au point qu’elles pourraient vous coûter la liberté voire la vie, vous avez la possibilité de les déposer, de façon anonyme, sur cette plate-forme. Ainsi sauvegardées, les informations ne disparaîtront pas avec vous si vous deviez être empêché(e) de vous exprimer.

Car il est bien question de liberté d’expression, du droit d’informer et donc de liberté de la presse. Le but est donc de relayer coûte que coûte le travail des reporters en danger afin qu’en cas de malheur, l’information soit accessible et rendue publique malgré tout. Comme un pied de nez à ceux qui ont voulu la faire taire…

C’est ce qui est arrivé au journaliste mexicain Javier Valdez, assassiné le 15 mai 2017 alors qu’il enquêtait sur le Cartel de Sinaloa, l’une des organisations criminelles les plus puissantes au monde.

Le même sort avait été réservé à son confrère Cecilio Pineda deux mois plus tôt, le 2 mars 2017, pour avoir dénoncé les liens entre des élus locaux et les narcotrafiquants.

Reporters sans Frontières, qui soutient la plate-forme, a recensé pas moins de 700 journalistes morts dans l’exercice de leur fonction en dix ans !

Peut-être que, grâce à cette plate-forme collaborative, ce chiffre déclinera : à quoi bon tuer un journaliste dès lors que l’information lui survit ?

Garder en vie les histoires, et ceux qui les écrivent : c’est la démarche de travail de Forbidden Stories.

Rappelons que c’est ce type de travail collaboratif entre journalistes du monde entier qui a permis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de révéler en novembre dernier l’affaire des Paradise Papers comme avant elle (en avril 2016) les Panama Papers.

Preuve s’il en était que, dans le journalisme comme ailleurs, « l’union fait la force » !

Pour en savoir davantage sur la genèse du projet Forbidden Stories, écoutez l’interview de Laurent Richard, fondateur de la plate-forme (sur France Inter dans l’émission Profession reporter diffusée le 17 décembre 2017). Cliquer sur l’image pour accéder au son

 

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