Ces visages reconstitués par le miracle de la 3D

Redonner vie à des visages oubliés

Le roi de France Henri IV (qui a régné de 1589 à 1610), l’inconnu de Vanikoro (membre de l’expédition de Lapérouse en 1785-1788), ou encore tout dernièrement Thomas Craven, un jeune noble anglais mort en 1636… Tous les trois ont en commun d’avoir bénéficié de la reconstitution faciale (notamment) en 3D; et ainsi de reprendre vie en quelque sorte.

Henri IV

L’inconnu de Vanikoro (cliquez sur l’image pour lire la vidéo)

vanikoroThomas Craven

Reconstitution faciale 3D de Thomas Craven. Etape finale vue de face

Reconstitution faciale 3D de Thomas Craven. Etape finale vue de face

C’est en 1986, à Saint-Maurice (Val-de-Marne), que le squelette du jeune protestant anglais (fils de Lord William Craven, maire de Londres en 1610-1611) est retrouvé dans un cercueil de plomb parfaitement bien conservé.

sarcophage thomas cravenSur le sarcophage, une plaque de métal en cuivre permet de lire l’épitaphe suivante (écrite en latin):

Epitaphe en alliage cuivreux du sarcophage de Thomas Craven.«?Dans ce cercueil repose [] Thomas Craven, très noble jeune Anglais []. Les ministres de l’Eglise réformée de Paris ont voulu par une faveur exceptionnelle que, en souvenir de sa piété, son cercueil fût placé dans ce temple []. Il est mort à 18? ans et quelques mois, à Paris, à l’académie de M. de Benjamin, le vingtième jour du mois de novembre de l’an 1636.?»

Le sarcophage a été retrouvé dans les sous-sols d’un conservatoire de musique situé sur le terrain d’un ancien cimetière protestant. Ce dernier avait été détruit au XVIIe siècle, lors de la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV (1685) qui avait mis fin à la tolérance envers les protestants ; le catholicisme devenait alors la seule religion reconnue dans le royaume de France.

Après 30 ans d’études en tout genre menées sur le corps embaumé de Thomas Craven, il est apparu que celui-ci était en fait un jeune huguenot (protestant) venu étudier à Paris où il a contracté la peste : des prélèvements réalisés dans la pulpe dentaire et des analyses génétiques ont conduit à identifier la présence du bacille Yersinia pestis.

Yersinia-pestisC’est Philippe Froesch, le fondateur de la société Visual Forensic (spécialisée dans les reconstructions numériques de personnages historiques), qui a redonné ses traits au jeune homme. A partir du scanner du crâne, il a reconstruit le visage avec l’équipe d’anthropologie légale et médico-légale UFR UVSQ. Cliquez sur l’image pour lire la vidéo du travail de reconstruction faciale.

thomas-craven-visage reconstituéLa dépouille de Thomas Craven repose aujourd’hui dans une chambre froide à 4°C, dans le service d’archéologie du Conseil départemental du Val-de-Marne.

Les bruits de Paris au XVIIIe siècle

Une reconstitution historique sonore

La musicologue Mylène Pardoen nous propose une visite pour le moins originale et très instructive dans la ville capitale française du XVIIIe siècle. Son travail s’inscrit dans le cadre du projet Bretez. Cette reconstitution historique sonore a en effet pour décor le Paris du XVIIIe siècle cartographié par le célèbre plan Turgot-Bretez de 1739 : Turgot, prévost des marchands de Paris, en était le commanditaire; et Bretez était l’ingénieur chargé du relevé des rues et immeubles de la capitale. Cliquer sur l’image pour voir les différents quartiers détaillés.

Turgot_map_of_Paris,_Kyoto_University_LibraryC’est plus précisément dans le quartier du Grand Châtelet, entre le pont au Change et le pont Notre-Dame (maquette ci-dessous), que la vidéo réalisée (et à visionner plus bas) transporte le visiteur. « J’ai choisi ce quartier car il concentre 80 % des ambiances sonores du Paris de l’époque, raconte Mylène Pardoen. Que ce soit à travers les activités qu’on y trouve (marchands, artisans, bateliers, lavandières des bords de Seine…), ou par la diversité des acoustiques possibles, comme l’écho qui se fait entendre sous un pont ou un passage couvert… ».

bretez_maquetteC’est la première fois qu’une reconstitution en 3D est bâtie autour de l’ambiance sonore. Et tous les sons sont naturels. Le paysage sonore a été reconstitué à partir de documents d’époque, notamment Le Tableau de Paris, publié en 1781 par Louis-Sébastien Mercier ; et des travaux d’historiens comme Arlette Farge (spécialiste du XVIIIe siècle), Alain Corbin (connu pour ses recherches sur l’histoire des sens), ou encore Youri Carbonnier (spécialiste des maisons sur les ponts).

Pont ND

Au cours de la visite, on entend notamment : le caquètement des volatiles du marché aux volailles, le métier à tisser de la bonneterie située à la pointe du pont au Change, les grattoirs des tanneurs de la rue de la Pelleterie, les cris incessants des mouettes attirées par les nombreux déchets qu’elles trouvaient dans la capitale. La vidéo donne donc une idée de ce que pouvait entendre un piéton du XVIIIe siècle en passant d’une rive à l’autre de la Seine.

Il est tout aussi intéressant d’écouter Mylène Pardoen expliquer sa démarche dans une interview télévisée en juin 2015.

La Sagrada Familia, une construction complexe et…interminable

Voici revenu le temps des cathédrales !

Spain.Catalonia.Barcelona.Vista.Sagrada.FamiliaD’abord imaginé par l’architecte Francisco de Paula, le projet de la Sagrada Familia à Barcelone est récupéré en 1883 par Antoni Gaudí qui s’empare du chantier. Mais lorsque l’architecte espagnol décède accidentellement en 1926, seulement le quart du monument a été construit.

Antoni GaudiPuis la guerre civile éclate en 1936 et ravage le pays jusqu’en 1939 ; une grande partie des dessins de Gaudi disparaît en fumée. Cet incendie retarde alors l’avancée des travaux, déjà repoussés de plusieurs dizaines d’années en raison de difficultés financières et techniques.

Cette cathédrale sera-t-elle terminée un jour ? Entamée il y a déjà 133 ans, la construction doit normalement être achevée en 2026. Mais la complexité des formes géométriques de la Sagrada Familia est telle que les travaux s’éternisent… et finissent par appeler la technologie au secours. C’est ainsi que l’usage d’imprimantes 3D devrait accélérer la construction de l’édifice.

sagrada familia imprimante 3d

En effet Jodi Coll, l’architecte aujourd’hui à la tête du projet, a choisi de s’appuyer sur deux types d’imprimantes à trois dimensions: le premier élabore les maquettes 3D tandis que le second rend possible leur mise en forme. La méthode (appelée « stéréolithographique ») consiste à utiliser de la poudre afin de créer couche par couche des prototypes donnant naissance en quelques heures à un matériau assimilable à du plâtre. Les artisans retravaillent ensuite les modèles à la main, pour un résultat encore plus précis et proche des originaux.

sagrada-impression 3d

La célèbre basilique, dont la crypte figure parmi les sept oeuvres de l’architecte Antoni Gaudí inscrites en 1984 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, est aujourd’hui l’un des monuments les plus visités de Barcelone. Notons au passage que la construction de cette œuvre gigantesque est entièrement financée par les dons et les tickets d’entrée des visiteurs…

A ce jour, près de 70 % de l’édifice a été érigé. Au final, il doit présenter 18 tours (au profil parabolique et aux fameux escaliers hélicoïdaux) représentant les 12 apôtres, les 4 évangélistes, le Christ et la Sainte Vierge. La plus haute tour, celle de Jésus, devrait culminer à 172 mètres de haut.

Pour le quotidien espagnol El País, « l’apothéose de l’édifice sera sa façade principale, celle de la Gloire, la plus grande et la plus monumentale des trois que compte la Sagrada Familia, une sorte d’orgue géant qui, une fois les travaux terminés, deviendra l’entrée du bâtiment ». Dieu (« Mon client » disait Gaudí) sera sans doute d’accord…

Pour davantage d’informations sur le projet un peu fou de Gaudí, voyez le reportage de l’émission Des Racines et Des Ailes diffusé le 15 avril 2015.