La Curée, chapitre V

Fiche de lecture

Le chapitre 5 est un long chapitre, dont l’action s’étend d’octobre 1862 à l’hiver 1863.

Hiver 1862

* Les difficultés de Saccard: les relations ambigues avec Larsonneau (« Ce grand bellâtre d’usurier en gants jaunes« ). Ils sont complices, Saccard l’utilise pour les « billets » signés par sa femme (les reconnaissances de dette qu’elle signe sont au nom de Larsonneau), mais s’en méfie toujours.

Saccard a aussi affaire avec Mignon et Charrier, qui lui rachètent son terrain du boulevard Malesherbes (Saccard est obligé de vendre à perte).

* A l’inverse, Renée est parfaitement heureuse lors de cet hiver:

« Cet hiver fut pour Renée une longue joie ». Sa liaison avec Maxime lui réussit socialement:

« Cependant, Renée ne s’était pas cloîtrée. Elle courait le monde, y menait Maxime à sa suite, comme un page blond en habit noir, y goûtait même des plaisirs plus vifs. La saison fut pour elle un long triomphe ».

A noter en particulier, sa robe « Curée »: « Ce fut alors qu’elle risqua cette fameuse robe de satin couleur buisson, sur laquelle était brodée toute une chasse au cerf, avec des attributs, des poires à poudre, des cors de chasse, des couteaux à larges lames.

Printemps- Eté

Claude Monet, la plage à Trouville (Londres, National Gallery)

Continuation des amours de Renée et Maxime. Cependand leur séjour au bord de la mer est un échec: il s’ennuient et n’ont rien à se dire: il est clair que pour Zola, le décor obligé de leur liaison reste Paris, et Paris tel que les travaux d’Haussmann sont en train de le transformer:

« Les amants avaient l’amour du nouveau Paris« .

Octobre: retour à Paris

*Les problèmes d’argent de Renée deviennent importants (elle doit 200 000 francs à Worms; Maxime, de son côté, doit 10 000 francs au bijoutier de Sylvia, qui le menace de la prison). Renée pense qu’il lui faut trouver 500 000 francs.

Worth

Robe créée par le couturier Worth, modèle de Worms dans la Curée

?Son mari propose de les lui donner « sans billet », mais en reprenant une vie conjugale effective:

« En effet, quand elle lui demanda les cinquante mille francs, il se récria, dit que Larsonneau ne prêterait jamais cette somme, que lui-même était encore trop gêné. Puis, changeant de voix, comme vaincu et pris d’une émotion subite :

— On ne peut rien vous refuser, murmura-t-il. Je vais courir Paris, faire l’impossible… Je veux, chère amie, que vous soyez contente.

Et mettant les lèvres à son oreille, lui baisant les cheveux, la voix un peu tremblante :

— Je te les porterai demain soir, dans ta chambre… sans billet…

Mais elle dit vivement qu’elle n’était pas pressée, qu’elle ne voulait pas le déranger à ce point« .

?Renée, en effet, n’envisage pas du tout d’être la maîtresse du fils et du père. Elle essaie donc de trouver l’argent ailleurs: elle se rend aussitôt chez son père, à l’hôtel Béraud, sur l’île Saint-Louis, mais ne parvient pas à lui parler. Elle va ensuite trouver Sidonie, rue du Faubourg Poissonnière, et celle-ci lui explique comment faire. Justement on sonne à la porte et voilà par hasard M. de Saffré! M. de Saffré qui est amoureux de Renée depuis qu’il l’a vue déguisée au bal de Blanche Muller…Renée veut s’en aller aussitôt:

« La marchande de dentelle, quand elle retirait le bouton de cuivre, avait l’habitude de le mettre dans sa poche. Elle voulut encore parlementer. Enfin, prise de colère elle-même, laissant voir au fond de ses yeux gris la sécheresse aigre de sa nature, elle s’écria :

— Mais enfin que voulez-vous que je lui dise, à cet homme ?

— Que je ne suis pas à vendre, répondit Renée, qui avait un pied sur le trottoir.

Et il lui sembla entendre Mme Sidonie murmurer en refermant violemment la porte « Eh ! va donc, grue ! tu me paieras ça. »

?Finalement, le soir même, Renée accepte l’argent de son mari, mais sans informer Maxime de ce qui se passe:

« Elle eût préféré mourir que d’avouer la vérité à Maxime. C’était une peur sourde que le jeune homme ne se révoltât, ne la quittât ; c’était surtout une croyance si absolue de péché monstrueux et de damnation éternelle qu’elle aurait plus volontiers traversé nue le parc Monceau que de confesser sa honte à voix basse« .

* La soirée au théâtre italien: Phèdre de Racine, jouée par La Ristori. Renée s’identifie à Phèdre, tout en s’interrogeant pour savoir si elle aurait le courage de mourir. Maxime plaisante comme à son habitude:

« Et il eut un petit ricanement. Cette plaisanterie glaça la jeune femme. Tout se détraqua dans sa tête. La Ristori n’était plus qu’un gros pantin qui retroussait son peplum et montrait sa langue au public comme Blanche Muller, au troisième acte de La Belle Hélène , Théramène dansait le cancan, et Hippolyte mangeait des tartines de confiture en se fourrant les doigts dans le nez. »

Ristori

Portraits d’Adelaide Ristori (1822-1906). Actrice d’origine italienne qui s’est illustrée dans les rôles de Médée et de Phèdre. Elle a joué à Paris en 1858, 1861 et 1867.

Dans le même temps, Renée se justifie en énumérant les vices des dames de son entourage: Adeline d’Espanet et Suzanne Haffner; Mme de Lauwerens; Mme Daste; Mme Teissière; la baronne de Meinhold; Mme de Guende et ses trois amants; la comtesse Vanska, ancienne chanteuse de rue, la duchesse de Sternich qui a été la maîtresse de Napoléon III pour une nuit.

FRANCE - OPERA - LA BELLE HELENE

Portrait d’Hortense Schneider, modèle de Blanche Muller. C’est elle qui tenait le rôle principal dans La Belle-Hélène, opéra-bouffe de Jacques Offenbach, représentée en 1864 au théâtre des Variétés

* La rupture avec Maxime: Saccard pousse son fils à épouser Louise de Mareuil (M.de Mareuil a été élu député; nous sommes donc en 1863), Maxime ne sait comment le dire à Renée. Surprenant un soir quelqu’un dans ses appartements, il croit que Renée a un amant. Celle-ci refusant de lui dire qui et finissant par mentionner M. de Saffré, il rompt  aussitôt:

« Puis, vaincue, anéantie, regardant avec effroi la fenêtre éclairée :

— C’est M. de Saffré, balbutia-t-elle très bas.

Maxime, que son jeu cruel amusait, pâlit extrêmement devant cet aveu qu’il sollicitait avec tant d’insistance. Il fut irrité de la douleur inattendue que lui causait ce nom d’homme. Il rejeta violemment les poignets de Renée, s’approchant, lui disant en plein visage, les dents serrées :

— Tiens, veux-tu savoir ? tu es une… !

Il dit le mot ».

* La soirée chez Laure d’Aurigny

Pendant ce temps, Saccard continue ses affaires avec Larsonneau (celui-ci essaie effectivement de le faire chanter mais la tentative échoue). Il a également décidé de rompre avec Laure d’Aurigny, qui a jeté son dévolu sur le duc de Rozan qu’elle a entrepris de ruiner, en lui faisant signer des billets à l’ordre de Larsonneau. Tous se retrouvent un soir chez Laure et leurs plans marchent très bien. Seul problème: Maxime également présent a entendu son père et a compris qu’il cherchait à voler Renée en la dépossédant des terrains de Charonne.

En sortant, Saccard confie à son fils qu’il a repris sa vie conjugale avec Renée, dont il vante au passage la taille et les hanches. Maxime, surpris va aussitôt retrouver Renée qui revient d’un bal à l’hôtel de ville. Il finit par lui raconter ce que son père mijote contre elle avec Larsonneau.

« Il s’avançait toujours vers la porte. Renée l’arrêta d’un geste brusque.

— Reste ! cria-t-elle impérieusement.

Et le prenant, l’attirant à elle, l’asseyant presque sur ses genoux, devant le feu, elle le baisa sur les lèvres, en disant :

— Ah ! bien, ce serait trop bête de nous gêner, maintenant… Tu ne sais donc pas que, depuis hier, depuis que tu as voulu rompre, je n’ai plus la tête à moi. Je suis comme une imbécile. Ce soir, au bal, j’avais un brouillard devant les yeux. C’est qu’à présent, j’ai besoin de toi pour vivre. Quand tu t’en iras, je serai vidée… Ne ris pas, je te dis ce que je sens.

Elle le regardait avec une tendresse infinie, comme si elle ne l’eût pas vu depuis longtemps.

— Tu as trouvé le mot, j’étais godiche, ton père m’aurait fait voir aujourd’hui des étoiles en plein midi. Est-ce que je savais ! Pendant qu’il me contait son histoire, je n’entendais qu’un grand bourdonnement, et j’étais tellement anéantie qu’il m’aurait fait mettre à genoux, s’il avait voulu, pour signer ses paperasses. Et je m’imaginais que j’avais des remords !… Vrai, j’étais bête à ce point !…

Elle éclata de rire, des lueurs de folie luisaient dans ses yeux. Elle continua, en serrant plus étroitement son amant.

— Est-ce que nous faisons le mal, nous autres ! Nous nous aimons, nous nous amusons comme il nous plaît. Tout le monde en est là, n’est-ce pas ?… Vois, ton père ne se gêne guère. Il aime l’argent et il en prend où il en trouve. Il a raison, ça me met à l’aise… D’abord, je ne signerai rien, et puis tu reviendras tous les soirs. J’avais peur que tu ne veuilles plus, tu sais, pour ce que je t’ai dit… Mais puisque ça ne te fait rien… D’ailleurs, je lui fermerai ma porte, tu comprends, maintenant. »

Le lendemain Renée refuse de signer. Saccard pense aussitôt qu’elle a un amant et demande à sa soeur Sidonie d’espionner Renée pour savoir qui.Tout le chapitre met en scène la folie grandissante de Renée et prépare ainsi le chapitre 6 qui va voir l’éclatement de l’action.

Pauline, princesse de Metternich, tableau de F. Winterhaller, 1860

La princesse de Metternich est le modèle de la duchesse de Sternich dans la Curée

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