Trace écrite et numérique.

Grâce à ma stagiaire qui rencontre des difficultés à gérer le tableau et la trace écrite, je me suis rendu compte à quel point le numérique avait, de mon plein gré mais à mon insu, modifié mes pratiques dans ce domaine.

Car depuis maintenant un an, toutes mes séances en plénière dont l’objectif est de mettre en commun les travaux des uns et des autres se déroulent accompagnées de l’ordinateur. En effet, je nomme un secrétaire de séance chargé de prendre en note le vocabulaire nouveau et les éléments pertinents du contenu. Il peut être amené à utiliser soit le traitement de texte, soit la carte mentale et le tout est vidéo-projeté. Ce qui veut dire que la trace écrite du cours, chez moi, est instrumentée. Sans ma stagiaire, je n’en aurais pas pris conscience. Il va sans dire que ce processus ne s’est accompagné d’aucune évaluation.

Cependant je vois de nombreux avantages à cette pratique.

  1. D’abord, je suis plus détendue. En déléguant la prise de notes aux élèves, je peux me consacrer davantage à l’animation du cours, à la régulation de la prise de parole et au contenu. Cela diminue le stress du dos tourné systématiquement lié à des chuchotements dont on ignore l’origine.

  2. Ensuite, cela me permet de garder une trace de ce qui s’est dit en classe, de cette part d’imprévu qu’on a oublié en fin de journée.

  3. Enfin, il suffit d’un copier-coller pour publier une trace écrite fiable sur le blog, bien utile aux dys, aux absents et aux sérieux qui veulent vérifier s’ils ont bien tout noté.

Que du confort pour moi. Et les élèves dans tout ça ? En fait, je ne sais pas bien car je n’ai pas évalué cette façon de travailler ni chercher des critères pertinents pour le faire. Mais je constate un certain nombre de choses.

  1. D’abord, le secrétariat de séance est un puissant révélateur des compétences des élèves en matière de traitement de texte. Elles sont indigentes. Par exemple, rares sont ceux qui savent mettre un tréma sur une voyelle. Quant aux touches de navigation, mises à part la suppression avant et arrière, elles sont tout bonnement ignorées. Ce qui est en contradiction avec les pratiques qu’ils peuvent avoir sur les jeux en ligne pour faire avancer leurs personnages. Autre point : ils ne regardent pas l’écran quand ils écrivent et ne voient pas que certains mots, en général les plus complexes, apparaissent en surbrillance et qu’il suffit d’appuyer sur la touche « entrée » pour ne pas avoir à la saisir. Si bien que si j’étais prof de technologie en collège, je leur ferais recopier un texte en mode plein écran sans souris sous l’intitulé « maîtriser le clavier ».

  2. Par ailleurs le secrétariat de séance permet de se faire une idée de la capacité des élèves à prendre des notes. Certains écrivent tout tout de suite de peur de perdre le fil. D’autres attendent que je leur donne le feu vert en faisant répéter X fois la même phrase à leur camarade. Certains, rares, trouvent le tempo exact entre ce qui est dit, ce qui est corrigé et ce qui reste à garder pour l’écrit.

  3. Le troisième point est le climat d’échange que cela génère autour de l’exactitude de la mise par écrit. Les erreurs sont corrigées collectivement, découvertes aussi et réexpliquées dans une atmosphère d’entraide. On observe aussi que le secrétaire devient plus attentif aux erreurs qui s’avèrent redondantes chez lui même si cela ne se fait pas sans un peu d’agacement parfois.

Et l’évaluation dans tout ça ? Pour l’instant, je n’ai pas du tout envie de m’y atteler. Il me paraît trop lourd d’évaluer le secrétariat de séance lors de chaque séance, surtout dans les groupes à 29 élèves que je vois deux fois par semaine, donc au maximum 60 heures par an. Ensuite, j’aime cet espace de libre erreur où l’on apprend ensemble des trucs dont on sent bien qu’ils nous resserviront un jour. Libérer une tâche de la pression évaluative me permet alors d’ouvrir tout grand la barrière du champ de l’erreur, ce qui est une façon comme une autre de réhabiliter celle-ci dans les apprentissages. Et je le vis comme une grande bouffée d’air frais.