L’ergonomie des outils numériques : un sujet sensible.

L’ergonomie des outils numériques est un sujet sensible pour deux raisons. D’abord parce qu’il s’agit d’une interface, donc d’une zone de friction qui implique rencontre et résistance . Ensuite parce que cette rencontre se fait entre deux identités qui doivent s’adapter l’une à l’autre : celle de l’usager et celle de l’entreprise qui conçoit l’outil numérique.

Quand l’usager reproche son manque d’ergonomie à un service web, il veut dire qu’il n’arrive pas à l’utiliser ou qu’il n’arrive pas à le faire facilement. Si on lui dit alors qu’il se trompe et qu’en fait, l’objet est ergonomique, cela revient ni plus ni moins à le déclarer, lui, l’usager, incompétent. Et d’ailleurs, c’est ce qu’on lui fait implicitement comprendre quand on lui suggère de faire une formation, d’aller voir un tutoriel ou en osant la phrase assassine « il faut s’habituer ». En terme de sentiment d’auto-efficacité ou de confiance en soi, cela n’est pas la meilleure expérience qui soit.

De l’autre côté, pour l’entreprise qui a conçu l’outil numérique, l’enjeu est important. Une critique argumentée peut avoir des effets ravageurs. Parce qu’elle verse de l’eau au moulin des détracteurs de la solution concernée, qu’elle paralyse les hésitants et détournent les audacieux vers d’autres offres. Or derrière une entreprise, il y a des emplois. Chez certaines, il y a aussi des valeurs et une réelle envie de donner le meilleur.

Comment dès-lors aborder la question de l’ergonomie et surtout de ses manques ?

Personnellement, ne pas aborder les sujets qui fâchent, ne montrer que le bon côté des choses, heurte mon côté pragmatique et surtout mes valeurs. J’ai besoin d’être honnête avec moi-même.

Cette honnêteté, elle me permet aussi de nouer des relations de confiance avec les autres. Or, cette confiance est d’autant plus importante qu’elle libère la parole. Je ne fais pas mystère de ce que j’apprécie dans un outil numérique. Pourquoi devrais-je taire mes difficultés ? D’autant qu’ensuite, dans des cadres informels, des échanges fort intéressants s’instaurent où certains osent « avouer » ce qu’ils ignorent ou tout simplement demander de l’aide, souvent en commençant par «  Toi aussi tu as du mal avec ce truc-là. ».

Par ailleurs, je ne veux pas mettre à mal des entreprises dont j’apprécie la qualité d’écoute, la réflexion professionnelle et l’implication. D’où la double question suivante :

Comment trouver, concernant l’ergonomie des outils numériques, les mots qui respectent les uns et les autres ? Comment évoquer des désagréments qui, une fois discutés et réfléchis ensemble, permettront d’avoir de meilleurs outils avec une ergonomie améliorée profitant à tous ? A l’heure où le numérique pédagogique est en cours d’élaboration et pas encore bien stabilisé, trouver les conditions d’un dialogue optimal entre les différents partenaires me paraît fondamental.