J'enseigne l'allemand depuis 34 ans. J'ai commencé ce blog en 2013 parce que l'internet a révolutionné et facilité ma pratique personnelle de la langue. Je suis convaincue qu'il peut aussi améliorer notre enseignement au quotidien et les apprentissages des élèves. J'ai donc créé ce blog pour documenter mes réflexions et mes pratiques. Depuis mars 2020, à cause de l'enseignement à distance mis en place avec le confinement, j'ai repris la plume. L'objectif : faire honnêtement le bilan des opportunités et des limites de l'enseignement avec le numérique.

J'enseigne l'allemand depuis 34 ans. J'ai commencé ce blog en 2013 parce que l'internet a révolutionné et facilité ma pratique personnelle de la langue. Je suis convaincue qu'il peut aussi améliorer notre enseignement au quotidien et les apprentissages des élèves. J'ai donc créé ce blog pour documenter mes réflexions et mes pratiques. Depuis mars 2020, à cause de l'enseignement à distance mis en place avec le confinement, j'ai repris la plume. L'objectif : faire honnêtement le bilan des opportunités et des limites de l'enseignement avec le numérique.

Améliorer les connaissances lexicales des élèves en allemand grâce à l’ENT.

Depuis qu’en plus des fiches écrites de vocabulaire, j’utilise l’ENT pour faire travailler le lexique, les élèves mémorisent plus rapidement plus de vocabulaire de manière plus durable. Pour ce faire, j’ai recours à deux fonctionnalités présentes dans l’Educ de Normandie, l’ENT de référence de l’ex-région Basse Normandie. A savoir : l’enregistreur et l’outil « pages » qui permet un accès clair, facile et direct à des ressources extérieures variées grâce à des liens.

L’enregistreur me permet de mettre en voix les listes de vocabulaire issues soit du manuel pour les étudiants de classe prépa soit des fiches que j’ai conçues moi-même pour les autres classes. Les élèves peuvent télécharger ces audios sur leurs téléphones portables et certains profitent de leurs longs trajets en car … pour apprendre leur allemand. Associer le son à l’écrit présente plusieurs avantages : le son devient une possibilité supplémentaire d’apprentissage, la prononciation des mots et des expressions est correcte, reconnaître les mots d’un audio lors d’un exercice de compréhension orale devient plus aisé.

Avec l’outil « pages », je peux renvoyer les élèves à des ressources extérieures telles que l’Audiotrainer de la Deutsche Welle qui est très pratique pour homogénéiser les connaissances lexicales des élèves de seconde. Avec un lien vers l’audio, un autre vers le script, les deux étant téléchargeables en toute légalité, les élèves se retrouvent avec des supports d’autant plus exploitables en autonomie qu’ils ont fait l’objet d’une initiation progressive en classe.

Les progrès sont nets. Certains étudiants de CPGE qui, par le passé, peinaient à mémoriser une page entière du manuel de vocabulaire parviennent à en maîtriser deux. Les autres ont réduit le temps consacré à l’apprentissage de ces mêmes listes. Les élèves du secondaire prennent de bonnes habitudes d’apprentissage dans un domaine pas évident, mais fondamental et qui requiert de l’autonomie parce que l’assimilation des mots ne peut être qu’individuelle.

Quant à la dimension technique, elle s’avère réduite. Il suffit d’aller chercher des liens, de les copier et de les intégrer dans une page grâce à un bouton intitulé « liens ». Pour l’audio, le plus long est le temps passé à enregistrer les mots. Quant à la plus-value pour les élèves, elle est si évidente qu’il serait dommage de s’en passer.

De la visibilité des cours publiés en ligne.

Quand on publie ses cours en ligne sur une plateforme destinée à cet usage, ceux-ci deviennent visibles. Concrètement, cela signifie qu’en quelques clics de souris, on peut voir :

  1. la construction générale du cours

  2. sa richesse

  3. son organisation interne

  4. sa cohérence

  5. les interactions avec les élèves.

Bref, la vision pédagogique qui sous-tend l’élaboration du cours, est immédiatement perceptible, ce qui n’est pas le cas dans un cahier de textes, même numérique.

Pour peu qu’à un moment donné, l’enseignant ait eu besoin d’une aide technique, il a été amené à expliquer et expliciter ses choix et ses objectifs, donc à adopter sans le vouloir une démarche réflexive sur ses pratiques et ceci, en présence d’un tiers.

In fine : une plateforme de cours en ligne peut dès-lors s’avérer être un levier d’évolution pédagogique et ceci pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle rend visible ce qui ne l’était pas auparavant, à savoir le travail de structuration pédagogique opéré par l’enseignant. Ensuite, parce qu’elle peut le pousser à verbaliser ce qu’il a fait dans le silence et la solitude de son temps de préparation.

Pour ce qui me concerne, je sais que la période de mon « vivons heureux, vivons caché » pédagogique est définitivement révolue.

De « l’outil numérique » dans l’enseignement.

Pour moi, l’expression « l’outil numérique » au singulier et avec l’article défini « l’ » ne veut rien dire alors qu’il est couramment utilisé dans l’Education Nationale. Car le numérique, au singulier, ce sont des octets de 0 et de 1 qui transforment des textes, des sons et des images en suites de nombre.

Par contre, il y a des outils numériques (au pluriel et à l’indéfini) qui portent tous des noms que, la plupart du temps, l’Education Nationale ignore où qu’elle utilise pour le moins de manière maladroite.

Prenons l’exemple de l’ENT, acronyme de « Environnement numérique de Travail ». Selon le dictionnaire « Le Robert », « environnement » signifie : « Ensemble des conditions naturelles dans lesquelles les organismes vivants se développent ». Si j’analyse les conditions, non pas naturelles, mais numériques dans lesquelles moi, organisme vivant, je me développe professionnellement, je constate que l’ENT dont parle l’Education Nationale n’est qu’un élément d’un environnement numérique bien plus vaste. Car ce que l’institution appelle ENT est une plateforme de mise en ligne de cours et d’activités administratives liées à l’enseignement.

Or, mon écosystème de travail, s’il inclut l’ENT version Education Nationale, comporte d’autres éléments tels que :

  1. Un réseau social numérique, Twitter, qui me permet de suivre des personnes qui soit diffusent des informations pertinentes soit relayent celles des autres intelligemment.
  2. Un agrégateur de flux RSS, Feedly, qui me permet de suivre des sites que j’ai soigneusement sélectionnés.
  3. Un outil de partage de signets, Pearltrees, qui me permet de collecter, stocker et classer des pages web selon la taxonomie qui me convient.
  4. Deux outils de curation : un scoop.it, un journal qui compile les articles qui ciblent mon centre d’intérêt et un blog.
  5. La suite bureautique Open Office, indispensable pour créer des documents textes à destination des élèves.
  6. Un éditeur de cartes mentales, Mindomo, afin de structurer ma pensée et d’aider les élèves à structurer la leur.
  7. D’autres logiciels tels que Audacity qui, pour une enseignante de langue vivante, s’avère incontournable.
  8. Le logiciel administratif de traitement de notes et d’absences d’élèves dans lequel je ne vois pas d’intérêt pédagogique, mais une simple feuille de tableur améliorée pour les besoins comptables de l’administration.
  9. Enfin, il y a l’ENT tel que l’entend l’Education Nationale qui me sert à déposer mes cours et mes ressources, que les élèves utilisent pour faire leurs travaux autour desquels nous échangeons.

On constate donc, à partir de cette énumération, que dans un monde de l’outil numérique qui n’existe pas, j’utilise des outils qui constituent, à mes yeux, un environnement numérique de travail qui n’est pas un ENT au sens où l’entend l’Education Nationale.

L’usage d’outils numériques pour l’entraînement à la compréhension de l’oral en anglais dans l’enseignement secondaire : ma fiche de lecture

 

Le bilan que je tire de la lecture de l’article de Pascale Catoire tiré du site adjectif.net est que, dans le domaine de la didactisation de la compréhension orale en langue vivante, les enseignants sont livrés à eux-mêmes.

D’abord, la compréhension orale est considérée comme une compétence complexe à travailler. Elle s’inscrit, en effet, dans la fugacité temporelle. Discrimination auditive et construction se sens se font dans l’instant. Le message n’est pas toujours totalement accessible.

Qu’apportent les outils numériques dans ce contexte ? Ils sont considérés comme un atout. Ils permettraient à l’élève de travailler à son rythme, de faire des pauses et des retours en arrière. Mais on peut aussi constater parfois certaines limites aux usages de ces outils à cause de l’alourdissement de certaines contraintes. Utiliser le clavier, suivre des images peuvent constituer des obstacles à la compréhension du message audio. Par ailleurs, mettre en ligne des ressources s’avère insuffisant car le travail nécessite des compétences et des stratégies.

En analysant les discours institutionnels tels que le guide de la baladodiffusion de 2010 et les instructions officielles du programme de cycle terminal, on constate qu‘il n’y est pas question de stratégies. Seuls deux aspects sont évoqués :

  1. une description des compétences visées

  2. l’autonomie des élèves présentée comme un postulat

Que faire en classe pour amener les élèves à la maîtrise de cette compétence ? En l’absence de proposition de didactisation méthodologique, les enseignants sont donc livrés à eux-mêmes. Deux possibilités se présentent alors à eux : puiser dans leur propre expérience issue de tâtonnements au quotidien, se nourrir d‘échanges informels avec leurs collègues.

Une occasion aussi de regretter une quasi-absence de recherche scientifique en éducation.

De l’autorégulation en compréhension orale : ma fiche de lecture.

Il s’agit ici de ma fiche de lecture sur un article que vous pourrez lire sous le lien http://alsic.revues.org/413. Il s’intitule : « Des baladeurs MP3 en classe d’allemand – L’effet de l’autorégulation matérielle de l’écoute sur la compréhension auditive en langue seconde ». Il a été écrit par Stéphanie Roussel, Angelika Rieussec, Jean-Luc Nespoulous et André Tricot. Il a été publié en 2008.

Objet de la recherche :

Il s’agit de comprendre les stratégies mises en place par les élèves lors des exercices de compréhension orale et lesquelles sont les plus à même de les conduire à la réussite. Avec trois questions :

  • Le niveau initial des élèves est-il déterminant ?

  • Entre l’écoute auto-régulée et l’écoute imposée, laquelle s’avère la plus efficace ?

  • Certaines stratégies sont-elles meilleures que d’autres ?

Un protocole de recherche rigoureux :

Les chercheurs ont renoncé à la méthode qualitative fondée sur des témoignages. Ils ont privilégié les outils numériques qui leur ont permis de filmer l’écran au moment où les élèves étaient plongés dans l’activité d’écoute auto-régulée. Ils ont choisi d’observer l’activité en train de se dérouler et non pas l’activité reconstruite dans le déclaratif. Afin de mieux évaluer l’auto-régulation, ils ont aussi placé les élèves en écoute imposée.

Résultats :

  • C’est l’écoute auto-régulée qui donne le meilleur score.

  • Le niveau initial, en particulier lexical, est déterminant pour la réussite.

  • Une stratégie donne systématiquement des mauvais résultats : celle qui consiste à se limiter à une écoute purement analytique. Le discours y est fortement segmenté par les pauses faites par les élèves. Par ailleurs, ceux-ci réécoutent en boucle ce qu’ils ont compris.

  • La stratégie qui donne les meilleurs résultats est celle qui mêle écoute globale ininterrompue suivie (ou précédée aussi) d’une écoute analytique. Dans ce cas, les élèves font des pauses ciblées sur des éléments de repérage dans le document et quand ils reviennent sur un passage, c’est pour en décrypter les difficultés.

Mes conclusions :

  • D’abord, pour le bac, j’ai arrêté d’entrainer mes élèves en utilisant l’écoute auto-régulée bien qu’elle soit plus performante. Pour la simple et bonne raison que le jour de l’examen, l’écoute est obligatoirement imposée. D’où l’idée de ne pas leur faciliter la tâche lors des entrainements.

  • Ensuite, lors des révisions que je demande à mes élèves de faire entre chaque entrainement, je mets l’accent sur l’acquisition du lexique dans la mesure où il est déterminant pour la réussite.

  • Enfin, lors de la correction de la compréhension orale, je pratique une double approche : globale et de détail en essayant d’amener mes élèves à faire des allers-retours entre l’un et l’autre. Par exemple, l’étude du titre nous permet de travailler les représentations globales tandis que faire des montages isolant des éléments courts du document permet de cibler certains éléments. Par ailleurs, la carte mentale peut s’avérer être une aide précieuse.

Détricoter la pédagogie inversée.

Echantillon de point mousse.
Echantillon de point mousse.

Dans « inversée », il y a envers, ce qui implique un endroit. Au tricot, il y a aussi la maille endroit et la maille envers. Quel motif obtient-on quand on tricote toutes les mailles à l’endroit sur tous les rangs ? Du point mousse. Et quand on fait l’inverse : tricoter toutes les mailles à l’envers sur tous les rangs ? Aussi du point mousse. La richesse du tricot, c’est le mélange des points, envers et endroits.

Que la pédagogie inversée enrichisse les pratiques, oui. Mais la pédagogie « à l’endroit » a aussi ses atouts. Pratiquer la pédagogie dans tous les sens, surtout dans le sens du vent de celui qui apprend et avec bon sens alors ? Oui… mais.

Mais, car le véritable enjeu de la pédagogie inversée, ce n’est ni l’endroit ni l’envers. C’est la manière dont est posé et imposé le postulat selon lequel est devenu incontournable ce que l’on appelait autrefois les devoirs à la maison et qu’il est de bon ton aujourd’hui de qualifier de « travail personnel ». Avec la pédagogie inversée, plus question de discuter de la pertinence du travail scolaire en dehors de l’école. Dans certaines classes de l’enseignement primaire, il est innovant et de bon ton de pratiquer la pédagogie inversée, c’est-à-dire d’avoir des devoirs à la maison, certes pas n’importe lesquels, mais tout de même du travail personnel. Il y a quelques années, la suppression de ces mêmes devoirs était considérée comme un progrès pédagogique et était censée contribuer à une amélioration du bien-être de l’enfant.

Mais observons de plus près ce qui se passe en France. Chez nous, l’intérêt pour la pédagogie inversée s’accroît à mesure que le nombre d’heures de cours diminue et que les TICE se développent. Dans ce domaine, les langues vivantes ont été pionnières. En 2000, les horaires hebdomadaires ont été amputés d’un tiers passant de 3 heures à 2 heures en LV2. Les inspections nous ont alors recommandé de faire faire à la maison ce que nous n’avions plus le temps de réaliser en cours.

Un rapport remontant à 2009 mérite notre attention. Son titre : « Modalités et espaces nouveaux pour l’enseignement des langues ». Y sont évoqués des nouveaux modes d’organisation permettant « dans une sorte d’extension du domaine de la classe, de sortir de l’espace public du cours de langue, de l’accroître et ainsi de rédéfinir le temps de l’élève, du moins son temps privé de travail ». L’accent est aussi mis sur la « médiation pédagogique mise en œuvre par les professeurs utilisateurs à l’intérieur et a fortiori au-delà de la classe en cas d’externalisation des activités ».

Le vocabulaire est choisi. Il y est question d’externalisation des tâches scolaires dans le champ de la vie privée des élèves. En d’autres termes, ce qui, autrefois, était fait en classe, ne l’est plus. Il est reporté dans un autre temps et dans un autre lieu. Il est alors évident que l’objectif visé par l’articulation entre travail personnel et travail en classe n’est pas nécessairement de permettre une meilleure maîtrise des savoirs et des savoir-faire des élèves, mais d’obtenir un gain de productivité du côté de la plus-value enseignante. Ceci étant revendiqué au nom de l’autonomie des élèves.

La pédagogie inversée est alors sans doute une pratique pédagogique intéressante. Elle peut aussi s’avérer être un leurre idéologique pour masquer une diminution des pratiques scolaires où les élèves peuvent bénéficier d’un encadrement enseignant. Peu importe dès-lors que cet encadrement vise le cours en lui-même ou les applications du cours. Peu importe dès-lors que les choses se fassent à l’envers ou à l’endroit. C’est la taille de la pièce de tricot qui a diminué.

Salon Educatec-Educatice : mon bilan.

Vendredi 11 mars 2016, je suis allée au salon Educatec-Educatice : bilan en plusieurs points.

La question des ENT (environnement numérique de travail ou plateforme de cours).

Le salon est l’endroit idéal pour découvrir les ENT qu’on n’a pas et pour prendre du recul par rapport à ce que l’on a. Surtout quand on décide de poser une question de prof telle que « Comment fait-on un cours sur l’ENT ? » Je n’imaginais pas à quel point la requête est redoutable. Elle l’est. Soit l’exposant est gêné. Il ne sait pas, par exemple, où est le compte prof de son modèle de démonstration ou comment on accède aux outils. Ou bien il ne connaît que la fonction « cahier de textes », lieu où, comme chacun le sait, l’élève ne fait que retrouver des cours faits. Soit, autre variante, l’exposant est hyper-pointu et c’est le prof qui risque d’être embarassé. Il y a les vendeurs et … « ceux qui bossent » la pédagogie. Je préfère de loin les seconds, même quand je les trouve un peu trop socio-constructivistes.

Les partenariats du Ministère de l’Education Nationale.

Je ne sais pas si le seul numérique éducatif est concerné. Mais les partenariats et/ou les relations entre MEN et acteurs extérieurs au monde de l’éducation augmentent.

Certains sont très controversés tels que le partenariat avec Microsoft. A juste titre.Quand on tente de lire le long chapître consacré à la confidentialité du nouveau Windows 10, on se demande ce qu’on pourra raconter aux élèves en terme de protection de la vie privée. Toutefois, un axe me paraît intéressant : celui de la formation des enseignants par l’entreprise conceptrice du produit. Elle heurte certaines collègues. Moi, elle me paraît logique. Quand les agents d’un établissement scolaire reçoivent un nouveau lave-vaisselle, ce ne sont pas leurs collègues d’un autre établissement qui vont leur en présenter le fonctionnement, mais les commerciaux de l’entreprise marchande.

D’autres relations me paraissent relever du cercle vertueux. Je pense à ce que j’ai compris de l’offre éducation de Pearltrees. Au départ, le ministère constate que le service est utilisé par de nombreux enseignants. Mais il est pleinement ouvert sur le web, ce qui ne correspond pas à des usages scolaires normaux. Le ministère contacte l’entreprise pour qu’elle réfléchisse à une offre sécurisée. L’intérêt, c’est la prise en compte de l’initiative de terrain, ces gisements locaux dont on a si souvent l’impression qu’ils sont oubliés dans les décisions officielles.

Il y a aussi les partenariats habituels et d’autres plus inhabituels, comme celui que j’ai découvert entre le ministère et Maxicours, organisme privé de soutien scolaire. Là il s’agissait de concevoir des graphes de compétences afin de diagnostiquer les besoins des élèves avec plus de précision.

Mettre des noms et des têtes sur les avatars repérés sur les réseaux sociaux.

Le salon, c’est l’occasion de voir Monsieur ENT, Monsieur Pearltrees. De rencontrer aussi ces gens qui se sont abonnés à vos comptes sur les réseaux sociaux sans que vous compreniez pourquoi. C’est aussi l’occasion d’assister à des tables rondes, de comprendre certaines informations que vous avez vu passer sur votre veille informationnelle et dont vous ne voyiez ni les tenants ni les aboutissants. Je sais par exemple ce que veut dire « class-codes » que j’avais vu passer sans imaginer ce que je pourrais en faire.

Mais en creux, il y a aussi deux regrets.

  1. L’objectif principal du salon : l’équipement matériel.

    L’offre purement pédagogique est restreinte sur le salon. Elle est en grande partie assurée par le ministère et les académies de Versailles et Créteil : un peu parisien le truc ! Le stand des éditeurs m’a beaucoup déçue car on en est encore à « Vous enseignez quelle matière ? ». J’aurais préféré entendre : « Vous enseignez comment ? ». Quant aux manuels numérique, on en est encore au stade S du modèle SAMR. Par contre, je regrette d’avoir découvert seulement au moment de partir le seul concepteur de cartes mentales présent « Mindview ». Dommage.

  2. Un salon éducatif sans prof.

    Le point qui m’a le plus gênée, ce sont les allées plutôt vides et le nombre d’exposants supérieur au nombre de visiteurs. A qui s’adresse donc ce salon ? Essentiellement aux acheteurs d’équipements. Car très peu d’enseignants peuvent y être présents : les vrais profs qui ont de vrais élèves à qui ils font de vrais cours dans de vraies salles de classes ne peuvent pas être là. A moins qu’ils ne fassent ce que j’ai fait : demander une autorisation d’absence, rattraper ensuite tout ce qu’il est possible de rattraper, et ce, parce que j’ai la chance d’avoir un chef d’établissement ouvert aux questions pédagogiques. Doit-on comprendre que les enseignants ne sont pas des professionnels de l’éducation et qu’ils le sont encore moins quand il s’agit du numérique ? Ouvrir un jour non ouvrable est peut-être une piste à explorer.

L’ENT : rigueur et effet boomerang.

Après avoir enquiquiné tous azimuts au sujet de l’ENT, j’ai reçu les coups de pied au derrière dont j’avais besoin.

D’abord, « l’engin » nécessite une réelle formation. Savoir construire un scénario de cours et le subdiviser en sous-parties ne suffit pas. Faire le tour des différentes fonctionnalités non plus.

L’ENT est une école de la rigueur car l’algorithme est impitoyable. Si, dans les exercices, je veux utiliser la correction automatique, les éléments de correction que j’indique doivent être parfaitement exacts et en complète cohérence avec le support dont ils sont issus. Si, par exemple, les élèves doivent repérer une date dans un texte et que celle-ci apparaît sous la forme 10/08/14, je dois veiller à faire figurer cette forme de date dans mes éléments de correction et ne pas autoriser comme seule réponse valide le 10 août 2014. Autre point : si je veux faire faire un devoir aux élèves, je dois impérativement préciser les modalités d’évaluation car un devoir sans évaluation critériée n’existe pas sur l’ENT. C’est un exercice à réponse ouverte.

Alors, contrainte nouvelle en sus ? Peut-être, mais pas vraiment. Car l’ENT m’amène surtout à expliciter avec de plus en plus de précision le sens et les modalités de mon action pédagogique. Comme si ma demande envers l’outil me renvoyait un boomerang formateur.

Tentative : définir les attentes légitimes envers une plateforme de cours en ligne.

« Les attentes envers l’ENT varient en fonction des pratiques de chaque enseignant ». Cette remarque venant d’un collaborateur de plateforme de cours en ligne est parfaitement audible. Mais tous y gagneraient en posant le problème d’une autre manière. A savoir : quelles sont les attentes pédagogiques légitimes que l’on peut adresser à ce type de support ?

D’abord, il y a la question de la confidentialité. Est-elle nécessaire en pédagogie ? Si oui, dans quelle mesure et jusqu’à quel point ? Dans le modèle basique d’Openclassroom par exemple, tout est ouvert après inscription rapide sur la plateforme. La confidentialité n’apparaît que dans la version premium. En usage scolaire, tout doit-il être secret ? Il me semble que non, même pour une question de droits d’auteur. Quand je fais travailler mes élèves sur des bandes annonces de film diffusées sur Youtube et qu’à partir de ce support, nous constituons une fiche de vocabulaire, il n’y a rien de mystérieux à cela. Par contre, les productions d’élèves annotées ne doivent pas nécessairement être publiées et visibles de tous.

Vient ensuite la question du stockage. Fondamentalement, il n’y a pas de cours sans ressources. Sauf que les enseignants ne prennent conscience du problème que quand ils sont confrontés… aux limites de l’espace qui leur est dédié. Là une réflexion doit être menée conjointement entre les fournisseurs de services informatiques, les enseignants, mais aussi les institutions pédagogiques.

Un troisième élément pédagogique fondamental, c’est la notion de progression. Ce n’est pas parce que je viens de m’inscrire sur un cours en ligne pour apprendre à coder que je vais savoir aussitôt créer l’exerciseur dont je rêve en tant que professeure de langue en matière de son. Tout cours comporte donc une progression. Dans ce domaine, le numérique ouvre des possibles mais suscite aussi des attentes. Autrefois (mais ça, c’était avant), seul l’enseignant concepteur du cours décidait à quel moment déclencher une nouvelle étape d’apprentissage. Aujourd’hui, avec certaines plateformes, mais pas toutes, l’aboutissement du travail de l’apprenant permet de lancer le niveau suivant. Le numérique ouvre donc la possibilité d’un travail d’apprentissage autonome grâce à l’automatisation des étapes de progression.

Autre point fondamental. Les élèves ont besoin d’un cours clair. Deux conditions à cela. La première est une condition pédagogique. L’enseignant qui conçoit le cours doit savoir ce qu’il veut faire, où il veut aller et par quel chemin il entend passer. La seconde est une condition technique : la plateforme doit aller dans le sens de cette clarté pédagogique. Qu’est-ce qui doit, prioritairement, apparaître dans l’arborescence de fichiers que constitue un cours sur plateforme ? La tâche que doit effectuer l’élève (cours, exercice, devoir…) ou la nature du fichier déposé (page, remarque, fichier, lien, image ou autre) ? De cette exigence de clarté découlent deux points à travailler. Le premier concerne la formation des enseignants. Pour l’instant, elle est obnubilée par la manipulation des fonctionnalités. Elle doit absolument inclure la réflexion sur la structuration des cours et la prise en compte de l’expérience de l’élève. Ce champ ne relève pas entièrement des compétences de fournisseurs de plateforme. L’autre point à travailler concerne le dialogue entre le champ pédagogique et le champ informatique. Les enseignants ne sont pas des développeurs. Les développeurs ne sont pas des enseignants. Une plateforme amène les deux à travailler ensemble. Sachant que les donneurs d’ordre sont institutionnels, il y a là un cercle vertueux à créer. Les autorités éducatives ont pour tâche de définir avec pragmatisme et sens des réalités les principes d’enseignement qui permettent aux apprenants de devenir efficaces dans leurs apprentissages. Elles doivent donc apprendre, pour les concepteurs de plateformes, à rédiger des cahiers des charges structurés qui dégagent des priorités et des champs de force. Pour ce faire, elles peuvent s’appuyer sur des recherches en éducation sérieusement menées. Ou bien rechercher les forces vraiment vives qui ne demandent qu’à sourdre dans les salles de professeurs.

Il y a un point que je n’ai pas encore abordé car il me paraît difficile. Il touche le travail collaboratif. A mon sens, les contours en sont encore flous pour deux raisons. La première, c’est le manque de définition pédagogique de ce qu’on entend par là. Relire l’article de ce blog intitulé « Distinguer l’apprentissage collaboratif de l’apprentissage participatif »  vous permettra de voir où je veux en venir. L’autre raison, c’est que les usages collaboratifs liés au numérique sont loin d’être fixés chez les usagers au quotidien. Pourquoi les élèves créent-ils des pages sur Facebook pour travailler ensemble ? Pourquoi continuent-ils d’en créer même si les plateformes de cours proposent des forums, des wikis et des blogs ? Parce que ces outils-là ne correspondent sans doute pas à ce qu’ils veulent faire. Par ailleurs, nos jeunes à qui on dit qu’il ferait mieux d’aller voir leurs copains / copines plutôt que de rester devant l’ordinateur, justement jouent sur des jeux en ligne avec leurs ami(e)s de collège ou de lycée. Ils discutent ensemble via Skype et passent de très bons moments. Je ne dis pas qu’il faut concevoir de tels dispositifs sur des plateformes de cours en ligne. Ce que je veux dire, c’est que les outils numériques ayant pour objectif de mettre en place des pratiques collaboratives de nature pédagogique me paraissent difficiles à développer informatiquement dans la mesure où on ne voit pas comment les penser et les scénariser.

J’ai sans doute omis des points que certains jugeront fondamentaux. Cependant, j’ai tenté de sortir de ma petite crèmerie personnelle, de mes manies, de mes lubies et de mes caprices individualistes d’enseignante. Puissé-je avoir donné envie à d’autres d’aller au-delà de leurs pratiques personnelles pour chercher ce qui permet à tous d’apprendre au mieux de ses possibilités et peut-être aussi avec le plaisir de la modernité.