[title maintitle= » » subtitle= »C’est l’histoire d’une maman qui accompagne son enfant dyslexique à travers sa scolarité. »]

Quand on travaille avec des enfants atteints d’un trouble de l’apprentissage, on sait que ce parcours du combattant mérite d’être connu et reconnu. Les récits sur le sujet sont rares. Pennac raconte son propre cheminement de dyslexique dans Chagrin d’école mais c’était une époque où la dyslexie était encore ignorée. Ce témoignage est fabuleux pour de multiples raisons dont celle-ci : qu’un enfant en échec scolaire puisse devenir professeur de Lettres et si grand auteur de la littérature française, c’est merveilleux, porteur d’espoir pour ceux qui désespèrent.

Depuis l’enfance de Daniel Pennac, l’univers des DYS a beaucoup évolué. Les recherches ont permis de mettre des mots sur le mal d’apprendre. C’est un nouveau monde. Un univers particulier avec des scénarios souvent trop similaires : « On m’a dit que j’étais trop fusionnelle avec mon enfant, c’est ce qui l’empêche de s’affirmer dans le langage », « C’est un problème éducatif et pourtant je fais tout ce que je peux !», « Les autres parents ne comprennent pas que j’en fasse tant ». Les mères deviennent coupables et ça fait mal, très mal. Parfois elles baissent les bras, un instant, mais ça ne dure jamais longtemps. Alors elles cherchent malgré tout, d’un spécialiste à l’autre, d’un bilan à l’autre : c’est l’errance de diagnostic jusqu’à ce qu’un jour, enfin, quelqu’un vienne mettre des mots sur le trouble responsable ou les troubles… car comorbidité oblige, on multiplie parfois les dys. Ces mères d’enfants particuliers deviennent à la fois fortes, courageuses et aussi plus sensibles et révoltées. Elles sont pleines de questions, toujours en recherche, elles apprennent des mots nouveaux : aménagements, adaptations, tiers temps, compensation. Elles comprennent les sigles : MDPH, TDA/H, PAP, PPS… C’est une quête perpétuelle : chaque semaine ou parfois chaque jour est ponctué d’un rendez-vous chez un spécialiste pour rendre l’apprentissage plus aisé. Et ce parcours du combattant les rend souvent plus humbles et plus combattantes, plus à l’écoute et peut-être même plus humaines. La maman d’un enfant « dys » ne se contente pas de nourrir son petit et de le regarder grandir : elle l’observe pour encourager chaque progrès, elle l’accompagne dans sa scolarité, jusqu’à parfois reprendre tous les cours avec lui pour s’assurer qu’ils soient assimilés, elle échange avec les enseignants et les professionnels pour mieux comprendre jusqu’à devenir l’expert de son enfant. Dans les réunions qui les rassemblent, elles sont toutes différentes, venant de tous les horizons, et pourtant toutes semblables : elles rient beaucoup de vivre des situations cocasses et elles pleurent aussi de ne pas être entendues ou juste parce qu’elles sont fatiguées de se battre et de ne pas percevoir le bout du tunnel. Ces mamans-là sont remarquables. Comme toutes les mamans sans doute, mais plus encore que les autres. Elles méritent un bel hommage car c’est grâce à elles – elles qui trouvent dans l’amour de leur enfant la force de ne jamais lâcher – que les petits surmontent leurs « dysfficultés ». Leur histoire donc, mérite un livre.

Voilà ce que je m’attendais à trouver en ouvrant Les 12 collèges d’Hercule de Marie Bolda-Font.

Mais je n’ai rien trouvé de cela.

Le titre était pourtant bien choisi. L’illustration de la couverture aussi. Mais un indice sur la quatrième de couverture donne le ton :

« En annexe, la liste des collèges, lycée, pour génies en herbe… »

12 colleges hercule

[title maintitle= » » subtitle= »C’est finalement l’histoire d’une mère victime de ses préjugés et de ses ambitions »]

Avec ce récit, on ne pénètre pas dans l’univers des DYS mais dans l’univers de la bourgeoisie parisienne, et son corolaire, celui des établissements privés parisiens. On y rencontre un « surveillant général », des « préfets ». On apprend que le « summer camp » aux Etats-Unis ou en Suisse est incontournable pour « combler les carences de notre système éducatif archaïque ». Un monde bien particulier, très fermé, réservé à une toute petite minorité. Tellement fermé qu’il est difficile de comprendre la logique de la narratrice : tout au long de l’ouvrage, on se demande comment l’obsession des établissements de renom peut prendre le pas sur le bien-être de l’enfant. Enfant, curieusement, dont on ne parle pas : personnage éponyme dont on ne sait rien, que ce que les profs ou les spécialistes en disent. On comprendra pourquoi, à la toute fin du livre : il n’existe pas un Hercule mais plusieurs… Ce qui crée un léger manque de cohérence.

Ecriture surannée comme l’ambiance du livre. Pas de phrases simples. Une abondance de subordonnées, de mises en apposition. Des métaphores : Le père, par exemple, est nommé tout le long du récit « le chef de meute ». La rencontre parents-professeurs qui constitue un chapitre entier s’intitule « La foire aux profs ». Certains souriront peut-être. Est-ce cela, l’humour promis en quatrième de couverture ?

La narratrice aime étiqueter : des » mères couveuses » aux « mères épouses », en passant par les « mères débordées », elle propose de nombreux portraits. Voici celui de la mère prof :

« Il y a les mères profs, qui bénéficient de leur expérience éducative et d’horaires conciliables avec les scolarités enfantines pour s’investir dans l’apprentissage initiatique de leurs enfants. Elles sont généralement discrètes, soucieuses de ne pas gêner la maîtresse en exercice mais leurs méthodes sont les plus performantes, à en juger les statistiques de l’éducation nationale sur la réussite des enfants d’enseignants dans les universités prestigieuses comme aux concours de grandes écoles. Sans bruit, elles ont préempté un système éducatif et ont contribué, malgré elles, à pervertir un mode de sélection qui se voulait démocratique au profit d’une élite intellectuelle, échappée du monde réel. Elles choisissent souvent leur partenaire dans l’enclos préservé des profs agrégés ou des cerveaux de cabinets ministériels. Comme les parents de Sébastien, ces couples assurent ainsi la pérennité d’une caste brahmane, propre à notre pays, qui se perpétue dès les marches du CP pour réalimenter les hautes fonctions du service public de la génération suivante, rentière du savoir et déconnectée des autres espèces parentales. »

Sur la dyslexie, aucune information, aucune explication. Elle présente ce trouble comme une incapacité à orthographier correctement mais rien de plus. Or, vu les remarques des enseignants et des spécialistes, il semble évident qu’Hercule ne présente pas seulement une dyslexie. Celle-ci ne justifie pas les écarts de comportement. Un TDA/H est fort possible et a certainement été diagnostiqué à un moment puisque la ritaline a été proposée. Mais elle écrit :

« Oui, Hercule est intelligent, il a des capacités très au-dessus de la moyenne mais il est certainement hyper-actif (comprenez surdoué) et a donc du mal à évoluer dans un système traditionnel. »

Quelle confusion ! Non, l’hyperactivité et le haut potentiel ne sont pas identiques ! Ils cohabitent parfois mais on peut présenter un haut potentiel et ne pas être hyper-actif. Ou l’inverse.

[title maintitle= » » subtitle= »A qui s’adresse ce livre ? »]

Le livre conviendra aux parents qui cherchent de bonnes écoles, sans doute, puisque les 20 dernières pages proposent des établissements incontournables, les « musts ». Il est même donné une liste d’écoles maternelles pour « génies en herbe ». Dans ces annexes toujours, « les 10 commandements pour mère dans la tourmente » , empruntant à maître Yoda son discours inversé, seront utiles pour éloigner le côté obscur de la force: « Ton boulot jamais tu ne sacrifieras ». Pour finir, « Le kit de survie pour mères en détresse » offre encore un choix de collèges privés sous contrat et de pensionnats. Pas un mot sur les associations qui soutiennent et conseillent si bien les parents !

[title maintitle= » » subtitle= »Enfin…après 170 pages de galère… »]

Enfin, après avoir attendu une prise de conscience ou un changement de route durant 170 pages, (très agacée qu’on s’acharne à maintenir cet enfant dans des établissements qui manifestement ne lui convenaient pas, au point de lui imposer un nomadisme scolaire hallucinant et destructeur, très énervée qu’on ne cherche pas à comprendre Hercule et à répondre à ses besoins…) à la fin, toute fin de l’histoire, la carapace se fendille et entrevoit une autre solution. Surprise : Hercule sera sauvé par un petit collège public … Un autre regard sera donc posé sur ce monde « peu fréquentable », et un peu d’humanité percera les dernières pages de cet ouvrage inclassable.

Témoignage d’une victime d’un système scolaire élitiste, récit autobiographique romancé, considérations sur le système éducatif français… qui peuvent paraître totalement incongrues à celui qui n’érige pas la réussite scolaire dans un établissement « prestigieux » comme une priorité absolue.

Le livre se termine sur un mot d’encouragement assez universel :

« A tous les parents qui croiseront le chemin du mammouth, je souhaite bonne chance. »

 

[title maintitle= » » subtitle= »Pour trouver des témoignages sur les troubles des apprentissages et des outils de compréhension et de remédiation : »]

Une chronique de Claire Nunn

3 réponses

  1. Bonjour Claire,
    Excellente chronique.
    Je vous conseille très vivement le ou les livres de Jeanne Siaud Facchin sur les surdoués et le livre sur la méditation en pleine conscience.
    Votre dévoué jacques san.

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