Le bonnet phrygien

Le bonnet phrygien est un couvre-chef (ou coiffure), souvent de teinte rouge, pouvant porter ou non une cocarde bleu-blanc-rouge.

C’est un des symboles de la République française et l’un des attributs de Marianne, mais également de nombreux pays d’Amérique latine. On le considère traditionnellement comme étant un bonnet d’origine antique anatolienne, plus précisément de Phrygie, d’où son nom.

Le bonnet phrygien tire sa symbolique de liberté de sa ressemblance avec le pileus1 (chapeau en latin) qui coiffait les esclaves affranchis de l’Empire romain, représentant leur libération. Aux États-Unis, il a été un symbole de liberté pendant la guerre d’indépendance. Il est toujours présent sur le drapeau de l’État de New York.

Ce bonnet est repris en France au début de l’été 1790 comme symbole de la liberté et du civisme, d’où son nom de « bonnet de la liberté ». Le bonnet phrygien devient symbole de la Révolution française, et de l’automne 1793 à juillet 1794 (période de la Terreur), il est porté dans beaucoup de collectivités administratives du pays. Depuis la Révolution, le bonnet phrygien coiffe Marianne, la figure allégorique de la République française. Il fut aussi porté par les Patriotes de la rébellion de 1837-39, héros nationaux du Québec, et figure sur plusieurs drapeaux et armoiries des pays d’Amérique latine.

 

On s’en coiffa pendant la Révolution pour évoquer la liberté. Qu’il ait été d’emblée choisi comme bonnet phrygien en souvenir des esclaves romains affranchis, ou bien qu’il s’agisse du bonnet rouge des premières bandes marseillaises venues à Paris, peut-être emprunté aux galériens de Toulon2, ou aux montagnards catalans3 et assimilé ensuite au symbole phrygien, il fut, en tout cas, pris comme insigne par les partisans les plus déterminés de la République. Il existe à l’Arsenal de Vienne (Autriche) trois drapeaux pris durant les guerres de la Révolution, qui, au lieu de pique, portent à l’extrémité de la hampe, un bonnet phrygien. Cet emblème est assez rare et la plupart des drapeaux n’en sont pas munis.

Louis XVI :

Selon Auguste Dupouy, des soldats suisses du Régiment de Châteauvieux qui s’étaient révoltés à Nancy contre leurs officiers avaient été envoyés au bagne de Brest (affaire de Nancy). Leur grâce ayant été décidée en 1792 par l’Assemblée législative, ils reviennent à Paris coiffés du bonnet rouge des bagnards et sont reçus en triomphe par la population qui adopte ce bonnet pour emblème de la République4. Le 20 juin 1792, le peuple de Paris, qui avait investi les Tuileries, força Louis XVI à se couvrir du bonnet rouge, alors déjà identifié comme phrygien.

En effet, dans le Journal des Révolutions de Paris (3-10 octobre 1789), on voit la gravure d’un projet de cocarde où la nation est figurée, une main sur les tables de la Constitution et des Droits de l’Homme ; l’autre sur un faisceau couronné du bonnet phrygien de la liberté, sans préjudice d’un médaillon de Louis XVI, à l’écusson fleurdelisé. Toujours selon Auguste Dupouy, il est même possible que l’assimilation à un symbole antique ait été faite pour amoindrir la portée provocatrice d’un bonnet de rebelle, de bagnard et de galérien. Dans L’Histoire numismatique de la Révolution, par M. Hennin (in-4°, 1826) on voit divers dessins où rayonne ce bonnet phrygien, orné de la cocarde, comme celui de la médaille relative à la nomination de Jean Sylvain Bailly comme maire de Paris, après la prise de la Bastille ; la ville de Paris y est représentée tenant à la main une pique surmontée du bonnet, tandis qu’à sa gauche on aperçoit un vaisseau (sans doute le vaisseau légendaire), dont la proue est ornée de fleurs de lys. Grâce à ce glissement symbolique vers l’Antiquité, une partie de la Cour elle-même put se prêter de bonne grâce à l’étiquette du temps, comme le prouve l’aveu du marquis de Villette : « Nous avons pris le bonnet de la Liberté sans tant de cérémonie » (Chronique de Paris du 25 janvier 1790).

 

Ce bonnet est considéré comme un emprunt d’un bonnet traditionnel porté par les Phrygiens, un ancien peuple indo-européen ayant habité l’Anatolie dans l’Antiquité, ce qui lui donna son nom. Pâris, fils du roi troyen Priam, originaire de Phrygie, est souvent représenté coiffé de ce bonnet.

Il semble cependant d’origine plus ancienne, car il est commun à plusieurs peuples indo-européens orientaux de l’Antiquité, comme les Thraces, les Phrygiens, mais aussi le vaste ensemble des Scythes d’Eurasie centrale très souvent représentés avec un bonnet phrygien ou d’autres variantes de bonnets pointus. Repris dans l’iconographie romaine tardive, il est par exemple porté par des prisonniers parthes (possiblement d’origine scythe, les Scythes étant nombreux dans les armées perses sur les bas-reliefs de l’arc de Galère ou de la colonne d’Arcadius en Perse).

Plus tardivement, les marchands sogdiens, un peuple scythe qui vivait dans la région de Samarcande et commerçait sur la Route de la Soie, sont encore fréquemment représentés avec un bonnet phrygien ou d’autres bonnets coniques apparentés sur des figurines chinoises en céramique. Il est également porté par les rois mages sur les reliefs ou les fresques paléochrétiennes comme symbole du mage oriental.

Mithra ou Mithras, divinité des anciens Perses et d’autres peuples indo-iraniens, qui serait apparue au moins au XVIe siècle av. J.-C., était représenté sous la forme d’un jeune homme avec presque toujours un bonnet phrygien, une tunique verte et un manteau flottant sur l’épaule gauche ; il était armé d’un glaive qu’il plongeait dans le cou d’un taureau.

Essor dans les républiques d’Amérique latine :

Depuis le XIXe siècle, il a été adopté, comme emblème héraldique, par les Républiques suivantes :

République du Paraguay en 1854 : un lion assis sur son derrière, au pied d’une pique surmontée d’un bonnet phrygien de gueules.

République de Colombie : dans la deuxième bande de bouclier colombienne, il y a un bonnet phrygien cloué à une lance (qui signifie la liberté pour le pays) et d’un métal précieux, dans ce cas platine.

République argentine : coupé d’azur et d’argent à deux bras au naturel se donnant la main, mouvant des flancs de l’écu et tenant une pique haute en pal surmontée d’un bonnet phrygien de gueules. L’écu est sommé d’un soleil radié d’or.

République d’Haïti : d’argent à un palmier planté sur une terrasse de sinople, sommé d’un bonnet phrygien de gueules et accosté de deux canons acculés au naturel.

République française : le bonnet phrygien coiffe une tête de jeune femme sur les monnaies. La République n’a pas encore adopté légalement un blason officiel.

République du Salvador : un bonnet phrygien (gorro frígio) de gueules figure comme emblème patriotique sur les armoiries du Salvador, depuis le 17 mai 1912. Aussi dénommé « bonnet de la liberté » le bonnet proclame, de ce fait, la liberté et les rayons de sable qui en émanent représentent les idéaux du peuple salvadorien.

Les timbres-poste de la République de Liberia (Afrique) gravés en 1860 pour l’affranchissement de la correspondance, représentent la Liberté coiffée d’un bonnet phrygien, armée d’une pique et portant un bouclier ovale. Elle est assise au bord de la mer sur une pierre portant ce mot inscrit : Liberia. Comme sur le sceau national, un navire, toutes voiles dehors, paraît à l’horizon.

  

Illia et Mehdi

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