Django : guerre et swing.

Django Reinhardt 1910-1953

PARIS : du bandjo aux Quintet et Hot Club de France

23 janvier 1910 : né en Belgique, Django, grandit à la périphérie de Paris; Porte de Choisy, dans la « zone », avec son frère et sa mère Laurence « Négros » Reinhart.

Années 20. Un voisin offre à Django un bandjo qui ne le quitte plus même pour dormir. Pour gagner un peu d’argent, il accompagne les accordéonistes qui jouent le style  musette (java et valse) dans les bistrots  Porte d’Italie.

1928. A 18 ans, il est repéré par un célèbre chef d’orchestre anglais Jack Hylton qui vient l’écouter et veut l’engager dès le lendemain. Le soir même, sa roulotte prend feu, il est brûlé à la main gauche. Deux doigts (l’annuaire et l’auriculaire) sont atrophiés dont il se servira pour faire des accords barrés. Il abandonne le banjo pour la guitare.

Années Folles. 20-30 La culture américaine  arrive dans les capitales européennes grâce au cinéma (films de gangsters) et aux disques de 78 tours de jazz. Louis Amstrong, Ducke Ellington et la chanteuse Joséphine Backer se produisent à Paris.

Django fréquente le milieu musical parisien. Il a été engagé par Jean Sablon pour des concerts et des enregistrements. C’est ainsi que nait le groupe le  » Quintet et Hot Club de France » composé uniquement d’instruments à cordes (3 guitares Selmer, 1 contrebasse, et un violon) à la différence des formations de jazz américaines (trompettes et percussion). Les guitares manouches réinterprètent les standards américains à leur manière. le son court et puissant des guitares Selmer et la contrebasse donnent la rythmique, le swing. Django fréquente les hauts lieux jazzy de la capitale  et joue avec les célébrités américaines, Louis Amstrong et Ducke Ellington. Django compose également, mais ne lisant pas la musique, il fait retranscrire ses compositions par d’autres musiciens.Les américains nomment ce style le « French jazz ». Il est le premier musicien à imposer la guitare dans le jazz.

En 1930, il abandonne Bella dont il vient d’avoir un fils et part avec sa première femme Naguine. Nombreux voyages et concerts.

Le jazz et les nazis.

Au début de la guerre, les musiciens noirs américains rentrent aux Etats Unis. Le cinéma ne programme plus de films américains mais le jazz devient très populaire. Django connait le succès.

Dans l’Allemagne nazie, le ministre de la propagande, Goebbels, tente de contrer la vogue du jazz. En 1933, le jazz est interdit sur les ondes radiophoniques de Berlin. Puis à partir de 35, l’interdiction est étendue à tout le Reich. Les nazis traitent le jazz comme une musique de « dégénérés », une musique de « sauvages », »judéo-nègre« .

https://img.lelivrescolaire.fr/upload/emilie-bret/3000.p16kfdr9sb15cf2mmhcj83g1aca1.jpgEn 1938, sur le modèle de l’exposition de Munich sur l’art dégénéré en art (1937), s’ouvre à Dusseldorf une exposition sur la musique dégénéré. Le concept de « dégénéré » est emprunter à vocabulaire de la médecine. L’affiche de l’exposition présente la caricature d’un saxophoniste noir avec une étoile jaune illustrant le jugement de Pétain : « Le jazz est nègre mais le swing est juif. » Pour Goebbels, le jazz, c’est de la « musique de la jungle« . La propagande dénonce le rythme syncopé et la batterie.

1941. Alors que la musique américaine est prohibée par les nazis, Django enregistre le slow Nuage et fait danser le tout Paris. Au violon le célèbre Stéphane Grappelli. Il traverse les événements avec distance et mène la grande vie à Paris; Il loge dans un grand appartement des Champs Élysées et dilapide son argent au billard, aux cartes, au casino et dans l’achat de vêtements élégants.

 

Affiche DjangoBerlin, 1942. La guerre s’enlise et le jazz reste très populaire dans les classes moyennes et supérieures allemandes. Pour éviter que le public ne se détourne de la radio officielle pour écouter les radios étrangères qui diffusent du jazz, Goebbels cherche un jazz compatible avec les thèses aryennes. C’est l’âge d’or du jazz français, les standards du jazz américain francisés par Django Reinhardt.

En 1943, Django épouse officiellement Naguine, après 15 ans de vie commune. Le même jour, Jean Moulin est arrêté par l a gestapo. Depuis quelques mois, les services de la kommandantur insistent pour que le quintette aille se produire en Allemagne comme l’on fait la plupart des vedettes du music-hall français. C’est une tournée risquée en Allemagne où les tziganes s’entassent dans les camps. A Paris, Django Reinhardt et sa famille ne sont pas inquiétés grâce à leur nom à consonance allemande et à sa célébrité. Mais les autres Roms sont persécutés. En novembre 1940, ils sont internés dans des camps (34 camps en France) puis à partir de 1942, ils sont déportés en Allemagne vers les camps d‘Auschwitz et de Birkenau. Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, 4300 tsiganes ont été assassinés par les nazis à Auschwitz Samudaripen.

Pour ne pas aller en Allemagne, Django s’enfuit alors avec Naguine à Thonon-les-Bains, près du lac Léman. Ils jouent pendant un mois dans une auberge où se côtoient les allemands et les maquisards. Ils tentent de passer en Suisse mais ils sont arrêtés par une patrouille.Fouillés, on trouve sur eux la carte de la Société des auteurs et compositeurs de Grande Bretagne, ils sont alors soupçonnés et conduits au poste. Heureusement, les officiers chargés de l’interroger, amateurs de jazz, le reconnaissent et le relâchent.

Quelques jours plus tard, Django tente de repasser la frontière. Il est intercepté par les douaniers mais n’étant ni juif ni noir, il est renvoyé en France. Finalement, il remonte à Paris et entame une tournée de concerts épuisante dans la France occupée (trains bondés, contrôles incessants, bombardements, tickets de rationnements)

En 8 juin 1944 (2 jours après le débarquement), naissance de son fils Jean Jacques, surnommé Babik. De nombreux soldats américains cherchent à le rencontrer car il très célèbre. Il sympathise avec Fred Astaire

Années 50. Django découvre la guitare électrique et le be bop. Il fait une tournée aux Etats Unis qui est un échec ( Il n’a pas sa guitare Selmer, il arrive en retard aux concerts…)

Il s’installe ensuite à SAMOIS et meurt en 1953.

Depuis 1978, le Festival Django a lieu tous les ans, fin juin à Samois  et depuis 2 ans à Fontainebleau (près du Grand Canal)

Le film Django. 1927. Réalisateur, Etienne Comar, acteurs, Keda Kateb et Cécile de France.

http://www.auvergnerhonealpes-cinema.fr/fr/film-django.html

Le film est adapté du roman Folles de Django d’Alexis Salatko, paru en août 2013. Django est le premier long métrage d’Etienne Comar, il est réalisé avec la collaboration de David Reinhardt, le petit-fils de Django.

Le personnage de Louise de Klerk est inspiré d’une résistante. « Les séquences de Thonon-les-Bains fusionnent deux épisodes historiques : Django cherche sans succès à passer en Suisse par Thonon en 1939, puis fait une nouvelle tentative en 1943, également infructueuse: le film s’achève sur le passage de la frontière, laissant penser qu’il réussit, mais en réalité les garde-frontières suisses l’arrêtent et l’obligent à rentrer à Paris. » (Wikipédia)

À l’exception de Reda Kateb, tous les tsiganes qu’on voit dans le film sont interprétés par de véritables tsiganes.

Les parties musicales sont interprétées par le groupe de jazz manouche Rosenberg trio

Dossier de presse sur le film.

Exposition Cité de la musique

Critique : Django, la guerre et le swing.

La mémoire du génocide des gitans durant la Deuxième Guerre mondiale n’a pas été perdue. Le groupe français Les Doigts de l’homme le prouve d’ailleurs avec son morceau Camping sauvage à Auschwitz.

quand le pouvoir tente de démolir et de déformer l’art pour en faire un outil de propagande, l’art s’échappe et survit. Django rappelle que la musique survit à la politique et à l’Histoire. Elle survit même à ses musiciens. S’il faut retenir une chose de ce film, c’est bien cela.

Prolongement. Histoire des persécutions contre les tsiganes :

Le « Samudaripen » ou génocide des Tsiganes, une histoire occultée

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