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La Droite en France, idéaux d’hier et d’aujourd’hui 2

HISTORICITÉ
La Droite en France, idéaux d’hier et d’aujourd’hui


Pour reprendre une vieille expression, « tout fout le camp », y compris le clivage gauche-droite, ce qui rend assez difficile le sujet de cette chronique. Ainsi le libéralisme et la patriotisme, valeurs de « gauche » à l’époque de la Révolution, ont-ils été récupérés depuis par la droite.

Nous sommes apparemment loin du bon vieux temps d’avant-guerre (la Deuxième), où il était possible de distinguer trois, voire quatre droites en France : la légitimiste (nostalgique de l’Ancien Régime), l’orléaniste (droite libérale), la bonapartiste (mélange de conservatisme, de nationalisme et d’idéal de grandeur) et la réactionnaire « populiste » (extrême-droite, louchant parfois vers un fascisme dont les racines sont aussi de gauche). Si elles ont toutes plus ou moins survécu aux aléas de l’Histoire, seules deux ont pu prétendre accéder et se maintenir au pouvoir : la libérale et la bonapartiste, rebaptisée gaulliste.

Les années 1990-2000, avec la fin de la guerre froide et le triomphe apparent d’un capitalisme planétaire mené par les Etats-Unis, ont permis à une jeune garde « néolibérale » de prendre peu à peu le contrôle du mouvement gaulliste, accélérant leur mainmise idéologique après la fondation de l’UMP en 2002. Pour ces jeunes loups, en partie issus de groupuscules d’extrême-droite anti-communistes des années 1960-70 (Alain Madelin, Patrick Devedjian, Gérard Longuet), parfois rejoints par des transfuges du gauchisme soixante-huitard (Denis Kessler), il fallait jeter aux oubliettes les vieilles valeurs de la droite (Autorité de l’Etat, Honneur, Patrie, Famille, Travail), pour y substituer un nouveau credo : culte de la concurrence, exaltation du marché mondial et de la compétitivité, individualisme absolu…Et surtout, détestation de l’Etat providence, cause de tous les maux économiques et sociaux.

Toutefois, les dégâts du libéralisme sauvage, avant même la crise financière de 2008, ont eu tôt fait de limiter le succès électoral de ces nouvelles valeurs de droite. Certes, ces « néolibéraux » avaient reçu le renfort d’une partie de la gauche libérale et de nombreux médias financés par de grandes entreprises (Dassault, LVMH, etc…), appuyés en haut lieu par la Commission de Bruxelles toujours assoiffée de libre-concurrence et de dérégulation. Mais si l’Union européenne peut être dirigée sans les peuples, on ne peut espérer gagner une élection majeure en France en ignorant la majorité des citoyens et avec le seul soutien des « élites », pas forcément toutes acquises d’ailleurs à l’abandon d’une « certaine idée de la France ». Aux présidentielles de 2002, la surprise d’un Jean-Marie Le Pen au 2e tour vint d’une abstention sans précédent de l’électorat populaire, qui fut également sensible à la thématique de l’ « insécurité sociale » développée par le candidat du FN, idée que la gauche de gouvernement jugeait à l’époque des plus ringardes…Ce qui lui fit perdre le pouvoir.

Il fallut donc toute l’habileté, finalement très bonapartiste, d’un Nicolas Sarkozy, pour faire une synthèse électoralement présentable de ces valeurs, épicée de quelques références à gauche (Jaurès et Blum), et ainsi conquérir l’Elysée à l’échéance présidentielle suivante. Celle-ci fut marquée par une surenchère de patriotisme avec sa principale adversaire, Ségolène Royal, lâchée par la frange libérale du PS qui l’accusait de se « droitiser ».

Depuis deux ans, le nouveau président de la République, naguère champion d’une droite décomplexée, se livre donc à un difficile exercice de haute voltige, où l’on retrouve toutes les tendances de la droite évoquée en tête de cet article, auquel il ajoutera le fameux « bling-bling » tout droit sorti des années fric de sa jeunesse.

le légitimisme de l’Ancien régime : phénomène de la « Cour », révérence exigée des médias, ascension programmée du Prince héritier…

le libéralisme tendance dure : démantèlement progressif des services publics, bouclier fiscal, alliance avec les grands groupes industriels et financiers…

le bonapartisme (façon Napoléon III) : exaltation de la « Grandeur de la France », coups de mentons socio-patriotiques, expéditions militaires lointaines sous tutelle anglo-saxonne…

le populisme réactionnaire : à chaque fait divers, une loi ; à chaque crise, un bouc émissaire…

Quant à savoir ce que l’Histoire retiendra de l’ère sarkozyenne et de ses « coups d’éclats permanents » (selon François Hollande)…rendez-vous dans quelques années !

Philippe BOUCHÉ
(professeur agrégé d’Histoire – diplômé de Sciences Po Bordeaux)


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