Anecdote du dimanche (13) – trop propre pour être honnête
L’image du roi de France Henri III (1574-1589) reste aujourd’hui encore marquée par les soupçons d’homosexualité qui pesèrent sur lui dès son règne. Parmi ceux qui l’en accusèrent, on trouve un certain Thomas Artus qui en fit même un livre appelé L’Ile des Hermaphrodites (écrit en 1580, il est consultable en ligne). L’auteur imagine un pays où on ne peut faire de différences entre les hommes et les femmes, de par la nature, mais aussi du fait des lois en vigueur qui s’évertuent à confondre les individus des deux sexes. Vous vous en doutez, il s’agit là d’une tactique, d’un procédé littéraire pour éviter la censure. Car ce pays imaginaire, cette « Ile des Hermaphrodites » dans l’esprit d’Artus, c’est ni plus ni moins que la cour du roi Henri III !
Or, si ce dernier s’est attaché une telle réputation, c’est en grande partie à cause de son souci de propreté très en avance sur son temps. Le monarque avait en effet l’habitude de changer tous les jours de chemise… idée tout à fait incongrue en cette fin de XVIe siècle, où un linge de corps pouvait s’endurer plusieurs semaines d’affilée ! Il n’en fallut pas plus à certains pour voir dans cette exigence de propreté un signe d’extrême délicatesse, de sensibilité un peu louche. Pour Artus comme pour d’autres, Henri III aimait trop peu l’odeur de la sueur pour être pleinement viril…
Rassurez-vous tout de même, Henri III ne se baignait presque jamais, comme la plupart de ses contemporains, il était persuadé que l’eau abimait la peau et était porteuse de maladies. La propreté du linge, sa blancheur, suffisait déjà amplement à leurs yeux pour rendre le corps propre et sain : c’est le linge qui lavait.
—
source : Georges Vigarello, Le propre et le sale, L’hygiène du corps depuis le Moyen Age, 1985. [livre passionnant qui nous montre à quel point les notions de propre et de sale ont évolué au cours des siècles].
Commentaires récents