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Archives pour la catégorie ‘Productions d’élèves’

La dictature et l’exil – Merci à M. Alcapia (par Jérémy S.)

Voici un texte où Jérémy S. raconte la récente venue en classe de M. Benito Alcapia, qui a bien voulu nous faire part de son expérience d’exil et de lutte contre la dictature. Les élèves de TES1 et moi-même nous associons à ce texte et remercions Benito une nouvelle fois !

La Benitoclasse de TES1 a eu le privilège d’accueillir, lors d’un récent cours d’Histoire-Géographie, Benito Alcapia, originaire du Chili, pays d’Amérique latine. Il est venu nous faire part de son histoire personnelle qui l’a mené du Chili à la France dans les années 1970.

Benito est né au Chili et y vivait encore lorsque Pinochet et sa junte militaire ont organisé un coup d’État en 1973, qui finit par réussir le 11 septembre de cette même année. Il a raconté ses conditions de vie à une classe vraiment touchée par son intervention, surtout au moment d’évoquer l’emprisonnement de nombreux citoyens chiliens dans l’Estadio Nacional de Santiago, la capitale.

Une du Journal espagnol ABC (favorable à Franco et Pinochet)

Une du Journal espagnol ABC (favorable à Franco et Pinochet)

Face à la répression qui l’a frappé ainsi que plusieurs membres de sa famille, Benito a dû fuir le pays pour rejoindre l’Argentine. Mais un autre coup d’État militaire dans ce nouveau pays d’accueil en 1976 l’a poussé une nouvel fois à l’exil. Il est donc venu en France où il a été très bien accueilli, tandis que sa famille s’éparpillait aux quatre coins du monde.

Benito a énormément milité contre le régime dictatorial et criminel de Pinochet et il est aux yeux des élèves un exemple de combativité et de courage. Il a surmonté de nombreuses épreuves et a mis sa vie en danger pour que son pays retrouve la démocratie.

L’ensemble de la classe remercie vivement Benito de nous avoir raconté ses souvenirs. Il nous a permis de nous rendre compte que les régimes politiques peuvent parfois faire régner la terreur dans une histoire récente ou dans l’actualité et qu’il ne s’agit pas juste d’un accident des années 1920 et 1930. Il nous a permis enfin de comprendre qu’il faut avoir le courage de se battre pour défendre la liberté.

L’anecdote du dimanche – ou alors il regarde

Voici le texte tant attendu de Clément F., élève de Seconde (et bientôt de Première ES), par ailleurs brillant membre de l’équipe de la classe « euro-espagnol ». Bravo Clément !

En 1932, une grande guerre se déroula en Australie. 12 hommes en armes menés par le général Lewis Mark affrontèrent 20 000 émeus. Les soldats furent vaincus.

Tout d’abord rappelons ce qu’est un émeu. Le Larousse nous apprend qu’il s’agit d’un « Grand oiseau ratite végétarien des plaines d’Australie, aux ailes rudimentaires ». Dit plus clairement, ce n’est rien de plus qu’une autruche en plus grand et plus stupide.

Or, en 1932, dans la localité australienne de Campion, la population demanda l’aide de l’armée pour gérer un conflit avec certains représentants prétendument nuisibles de la faune locale. Ces « nuisibles » étaient un groupe de 20 000 émeus que les habitants de la ville disaient pris de folie. L’armée répondit favorablement à cette demande et envoya 12 hommes avec 2 mitrailleuses dirigés par le général Lewis Mark pour régler le problème ! Vous appelleriez l’armée, vous, pour éliminer des poules que vous croyez folles ?

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Un émeu (de face) – Photographie de Carlos Delgado

La guerre commença le 2 Novembre 1932 et prit fin le 10 décembre de la même année. Elle a donc duré un peu plus d’un mois. Et à la plus grande surprise des habitants de Campion, les émeus remportèrent la victoire. Pourquoi et comment me direz-vous ?

Et bien parce que l’armée a battu en retraite. En effet, les soldats se sont vite rendu compte qu’en un mois, ils avaient utilisé 10 000 balles pour seulement 1 000 émeus tués (ce qui fait une moyenne de 10 balles par émeu, moyenne élevée pour atteindre un aussi gros piaf). L’armée a donc jugé inutile de continuer cette guerre, calculant qu’à ce rythme, il faudrait 200 000 balles pour les 20 000 émeus. Les soldats sont ainsi rentrés chez eux.

Finalement, les émeus perdirent 1 000 des leurs mais ressortirent victorieux alors que l’armée australienne perdit 10 000 balles et sa dignité. Par la suite l’armée mit une prime sur la tête des oiseaux et les paysans du coin tentèrent par eux-mêmes d’éliminer le reste des émeus dissidents. Mais vingt ans plus tard, les paysans et les habitants de Campion se dirent que c’était mieux de mettre des clôtures électriques infranchissables plutôt que de massacrer en masse des émeus. Malins ces Australiens.

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Princesse Mononoké (par Clément)

Voici un nouvel article d’élèves, présentant un film du réalisateur japonais désormais habitué de ces lieux : Hayao Miyazaki. Je remercie Clément pour sa patience – car ce texte est prêt depuis bientôt un mois maintenant. N’hésitez pas à le commenter !

Les films d’animation ont généralement tendance à rebuter les adolescents et les adultes car ils pensent que ce sont des films pour enfants, sans grand intérêt. Cependant, ils ne savent pas à quel point ils peuvent avoir tort de passer à côté de ce genre de films, notamment ceux du studio Ghibli. Si certains sont en effet enfantins, ce n’est pas toujours le cas. Ils apportent souvent un message universel et une réflexion sur l’Homme en général et sur le monde.

Princesse Mononoké (Mononoke Hime de son nom original qui signifie approximativement princesse des esprits vengeurs), conte l’histoire d’un jeune prince, Ashitaka. Le récit prend place au Japon durant le XVe siècle. La forêt est alors protégée par des animaux géants, les anciens dieux, mais elle se dépeuple à cause de l’action de l’homme. Un de ces dieux, un sanglier, est transformé en démon dévastateur et attaque le village d’Ashitaka. En voulant le tuer, le prince est touché au bras par la malédiction du démon. Pour être guéri, Ashitaka est forcé de partir à la recherche du dieu Cerf, le dieu de la forêt, et doit porter sur le monde un regard sans haine.

Mononoke_mori_Yakushima_07Au cours de son périple, Ashitaka se rend rapidement compte que la forêt du dieu Cerf est menacée par les hommes, notamment par les forgerons. Cependant, ce n’est pas l’habituelle lutte entre le bien et le mal. Il n’y a ni méchants ni gentils, mais seulement des protagonistes qui partagent une vision différente de l’avenir et qui défendent leurs propres intérêts. Les animaux comme les forgerons combattent pour leur survie. Le conflit naît de l’absence de dialogue entre les deux clans.

La nature est omniprésente dans le film. Avec Princesse Mononoké, Miyazaki souhaite donner une vision plus réaliste la concernant, contrairement à Mon Voisin Totoro où la nature est sublimée. Ici, elle est dangereuse et impitoyable lorsqu’elle est menacée, et cela se ressent particulièrement à travers le personnage de Moro, la déesse louve, qui lutte avec rage contre les humains.

Cependant, Princesse Mononoké n’est pas un film écologique basique qui prétend apporter une solution. Il se contente de présenter les deux camps et leurs motivations. Miyazaki insinue d’ailleurs une question : qui peut prétendre détenir la solution ? Avec ce film, l’auteur nous invite à une prise de conscience. Il nous montre notamment comment l’homme peut s’exclure d’une dimension pourtant essentielle à son existence. Miyazaki nous laisse réfléchir sur l’action de l’homme. Il dit lui-même :

« Notre espèce exploite la nature sans réfléchir un seul instant aux conséquences. En revanche, dès que la nature exerce sa fureur sur l’humanité, nous préférons nous plaindre plutôt que de nous interroger sur la valeur de nos actes ».

Avec leur technologie, les hommes se sentent supérieurs aux dieux de la forêt, à tel point qu’ils dévastent la nature sans réaliser qu’ils risquent de se détruire eux-mêmes. Leur aveuglement est symbolique d’une espèce qui perd le contact avec ses racines les plus anciennes, au point de se croire capable d’exister en malmenant leur environnement. Implicitement, tout ceci est contenu dans un dialogue entre Ashitaka et Moro :

Ashitaka – Quelle magnifique forêt. Okkoto n’a pas encore chargé ?

Moro – Les sangliers sont en marche. La forêt dévastée pleure à leur passage. Mais tu ne peux pas entendre le sanglot des arbres. Moi, je demeure ici à écouter leur lente agonie. Ces cris réveillent en moi la blessure de la balle, et je rêve du jour où je pourrais enfin broyer de mes crocs la tête de la femme qui nous tue !

Ashitaka – Moro, cette guerre a trop duré. Pourquoi n’y mets-tu pas un terme ? Vous pourriez vivre en paix avec les humains !

Moro – Les humains se rassemblent pour une dernière bataille. Leur feu bientôt viendra nous brûler.

Le récit épique du film est accompagné de musiques magnifiques composées par Joe Hisaishi. Ses compositions nous entraînent littéralement dans l’aventure. Elles retranscrivent vraiment bien l’atmosphère onirique présente dans le film. Princesse Mononoké est donc un film vraiment très mature. Riche en émotions et révélateur d’un message universel, ce film est pour moi un véritable chef-d’œuvre.

source de l’image : Chris73, Wikimedia Commons

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Tenkû no shiro Rapyuta (par Jane H.)

22/12/2013 6 commentaires
Après Manon A. il y a quelques semaines, Jane H., élève de Seconde  prend dignement la relève avec un brillant article sur le premier film de H. Miyazaki (si celui-ci lit ce blog, il peut venir faire un tour au lycée J.-M. Boivin, il sera accueilli par une foule d’admirateurs).

Hayao Miyazaki
Le château dans le ciel (1986)
(Tenkû no shiro Rapyuta)

Tout premier film d’Hayao Myazaki pour le studio Ghibli, Le château dans le ciel est sûrement une des plus belles œuvres du réalisateur. Mélangeant humour, magie et émotion, il plonge le spectateur dans une incroyable aventure, vraie et touchante, qui vous envoûte littéralement.

L’histoire se passe au Japon, à l’époque de la révolution industrielle (vers la fin du XIXe siècle). Sheeta, une adolescente d’environ treize ans, possède une pierre volante qui suscite bien des convoitises. Enlevée par Muska, un agent du gouvernement, elle parvient à s’échapper et rencontre Pazu, un orphelin de son âge travaillant, dans les mines. Leur rencontre les mènera, après de multiples péripéties, sur la mythique cité volante de Laputa, le château dans le ciel.

Si le film est magnifique, c’est tout d’abord grâce à ses personnages. Effectivement, que cela soit Sheeta ou Pazu, les pirates de l’air ou encore les habitants de la cité minière, tous ou presque attirent la sympathie du spectateur. De plus, en mettant en vedette un couple d’enfants, Miyazaki s’adresse à un public plus jeune que Nausicaä de la Vallée du Vent par exemple. Il arrive ainsi à nous faire retomber en enfance, dans un univers où l’on se laisse emporter par le courage, la pureté et la sensibilité des deux protagonistes.Château dans le ciel

Il faut également souligner la beauté des décors. En effet, malgré « l’âge » du film, les paysages sont déjà magnifiques, et les scènes déjà époustouflantes (notamment, comme souvent dans les films miyazakiens, celles qui se passent dans le ciel).

Mais Le château dans le ciel n’est pas qu’un simple film d’aventure à la narration parfaitement maîtrisée : il est aussi porteur d’un message et dénonciateur d’un monde matérialiste, qui mise tout sur le pouvoir et la technologie.

En effet, le pouvoir destructeur de l’île volante est immense. Cette dernière est armée de robots guerriers quasi-indestructibles, et possède un dôme capable de créer une sorte de bombe atomique, dont le personnage de Muska fait une démonstration. Au moment de s’en servir, il prononce les paroles suivantes :

Dans les saintes écritures, c’était le feu sacré qui détruisit Sodome et Gomorrhe. Dans le Ramayana, c’était la flèche d’Indra. Et prochainement, le monde entier se prosternera à nouveau devant Laputa. 

Cela nous fait comprendre qu’il fut un temps où Laputa dominait le monde. En invoquant des événements aussi importants, des mythes provenant de religions différentes (Sodome et Gomorrhe étant deux villes qui auraient été anéanties pour des raisons qui diffèrent selon les textes religieux), Miyazaki augmente considérablement la puissance de la cité volante car cette dernière explique tous les événements divins survenus depuis le ciel. Elle devient la cité des maîtres du monde et symbolise le pouvoir destructeur universel venu du ciel.

De plus, le réalisateur nous met en garde contre la fascination des hommes pour la technologie, au détriment de la nature et de son équilibre. Par ailleurs, elle ne peut pas résoudre tous les problèmes, bien au contraire, et c’est ce que Sheeta explique parfaitement à Muska dans la salle du trône :

À présent, je sais pourquoi Laputa a été détruite. Comme le dit une chanson à Gondoa : plonge tes racines dans la terre ; laisse nous vivre avec le vent ; passe l’hiver comme les graines ; et chante au printemps comme les oiseaux. Pour vivre on n’a pas besoin de semer la mort. Et on n’a pas besoin de milliers de misérables robots. Mais personne ne peut vivre loin de la terre !

Elle justifie ainsi le départ des humains, qui ne peuvent remplacer le lien profond qu’ils ont eu avec la nature et s’en éloigner.

Oui, s’il y a bien un film du studio Ghibli que j’aime par dessus tout, c’est Le château dans le ciel. Et pourtant, avec Le Voyage de Chihiro, Nausicaä de la vallée du vent ou bien encore Princesse Mononoké, la concurrence est rude ! De par les décors splendides, l’histoire captivante, la pureté des deux enfants ou encore les messages qu’il fait passer, il est et restera selon moi la plus belle réussite d’Hayao Miyazaki.

source de l’image : Toei Company (image en faible résolution pour éviter les problèmes de copyright)

Nausicaä de la vallée du vent de H. Miyazaki (par Manon A.)

Voici un texte d’une vieille ancienne élève de Chalon-sur-Saône, Manon A.. Elle nous fait part ici, avec fougue et conviction, de son goût pour le réalisateur japonais Hayao Miyazaki. Chaque élève est invité à proposer des contributions à ce blog (sous forme de devinette, anecdote ou en nous faisant part, comme Manon, d’une passion).


Nausicaä de la vallée du vent, chef d’œuvre clef Hayao_Miyazakid’Hayao Miyazaki (voir sa photo ci-contre) est, presque trente ans après sa sortie, passé dans la mémoire collective japonaise et reconnu aujourd’hui comme étant une de ses plus grandes œuvres.

Mêlant décors féériques, personnages porteurs de symboles et grands thèmes musicaux (issus de la première collaboration de Miyazaki et Hisaishi), ce film d’animation japonais nous dévoile un monde lentement recouvert par une forêt toxique peuplée d’insectes géants (le Fukaï), apparue suite aux « sept jours de feu » et l’effondrement d’une ancienne civilisation industrielle.

Dans ce monde abimé par la guerre, Nausicaä, princesse d’une vallée protégée par un vent marin (la vallée du vent !), va essayer de comprendre le Fukaï et reconstruire le lien entre l’humanité et la nature, qui avait été brisé suite aux périodes de guerre et d’industrialisation massive, empoisonnant progressivement les sols, l’air et l’eau.

Le film est tiré du manga éponyme (écrit et illustré par Miyazaki lui-même) mais, loin d’avoir la prétention de résumer l’intégralité de l’histoire de la saga, ce film se regarde pour lui-même et reste une grande œuvre porteuse d’un message non seulement environnemental mais aussi bien plus large sur la nature humaine.

Il ne faut pourtant pas voir l’œuvre de Miyazaki comme une leçon de morale présentant des solutions à la crise environnementale, mais bien plus comme une sonnette d’alarme, un appel à une prise de conscience générale. Bien plus largement, Miyazaki nous donne l’occasion de s’interroger sur le comportement de l’être humain face au danger, à la haine d’autrui, à la peur, mais aussi sur le rapport au pouvoir, le vivre ensemble, etc. Ces grandes questions sont encore et toujours présentes dans nos sociétés à l’heure des débats sur l’immigration, les religions, mais également par rapport à la montée de l’individualisme, le repli sur soi et les actions d’un système financier mondial allant jusqu’à mettre à mal certains droits fondamentaux de l’être humain…

Les autres œuvres de Miyazaki telles que Mon voisin Totoro, Le voyage de Chihiro Princesse Mononoke,  Le château ambulant  et tant d’autres encore,  s’inscrivent toutes, ou majoritairement, dans les thèmes centraux abordés par Nausicaä et présentent, pour la plupart, une critique non dissimulée des forces militaires et de leurs actions, celles-ci étant souvent représentées au travers d’individus méprisants et méprisables, avides de pouvoir et de destruction.

Outre les polémiques pouvant surgir autour des films d’Hayao Miyazaki (voir la sortie de son dernier film d’animation, Le Vent se lève), ses œuvres constituent en elles-mêmes tout un tas de petits chefs-d’œuvre à regarder sans modération !

source de l’image : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hayao_Miyazaki.jpg