Bien que j’aie déjà parlé de cochons dans une précédente « anecdote du dimanche », je me permets de remettre la bête sur le tapis. Il s’agit cette fois d’une affaire particulièrement grave, celle d’un régicide.
Nous sommes en plein Moyen Age, en l’an de grâce 1131, le 13 octobre pour être précis. Ce dit jour, le jeune Prince Philippe, fils du roi de France Louis VI le Gros, chevauche avec quelques compagnons à travers les rues d’un faubourg de Paris. Dans ces lieux sales et étroits, la visibilité est souvent très faible. Cela explique sans doute pourquoi personne ne voit un animal se précipiter dans les jambes de la monture princière, qui cabre et s’affole tant et si bien que Philippe tombe au sol et se blesse mortellement…
Cet épisode tragique a longtemps figuré dans les livres d’Histoire. Et pourtant, ce n’est ni la première, ni la dernière fois qu’un fils de roi mourait d’une chute de cheval. De plus, Louis VI avait d’autres garçons, la succession était donc assurée. Ce qui a rendu cet épisode si douloureusement mémorable, c’est que la bête coupable de la mort du Prince était un cochon. Non pas un sanglier fier et furieux de subir une chasse, mais un simple cochon des rues, animal méprisé entre tous pour son impureté supposée et sa gloutonnerie.
Dès lors, cet accident est perçu comme une souillure pour toute la dynastie capétienne. Il est interprété comme un signe d’infamie, remettant en cause le pouvoir monarchique. Les chroniques historiques en parlent comme d’une mort « ignominiosa, miseranda, turpis, improba, flagitiosa » (ignoble, misérable, honteuse, déshonnête, qui punit) ! Et pendant de nombreux siècles, on crut que tous les malheurs qui s’abattirent sur les rois de France ne furent que les échos différés de ce lamentable incident.
Allez savoir si Louis XVI ne maudissait pas encore ce porcus diabolicus à l’heure de monter sur l’échafaud, un certain 21 janvier 1793…
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source : Michel Pastoureau, Le cochon, Histoire d’un cousin mal aimé, Découvertes Gallimard, 2009.
source de l’image : Manuscrit du XIVe siècle, qu’on peut trouver à la bibliothèque de Besançon et qui représente cette tragique anecdote.
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