J’ai lu : La voie de Tina, d’Ada Ruata
17 01 2019Ada Ruata
Résumé : Tina est une jeune collégienne qui vit avec sa mère dans la loge de concierge d’un immeuble. Elles ne roulent pas sur l’or, toutes les deux, mais elles vivent bien tout de même, même si parfois Tina a un peu honte de leur situation. La jeune fille est fascinée par la Dame du sixième étage, une comédienne. Cette femme, la Dame Bleue, Léa, représente tout un univers pour Tina. Elle l’idéalise et voudrait lui plaire, l’impressionner. Elles ont souvent de grandes discussions sur la vie, la liberté, son amitié avec Orianne, et aussi Modibo, ce garçon sans-papier dans sa classe. Modibo qu’elle aime bien… Elle lui parle aussi de sa passion, le chant. Elle lui ouvre totalement son cœur. Une amitié solide et indéfectible naît alors entre elles.
Mon avis : J’ai lu cet ouvrage en une journée. Quelle bouffée d’air pur. Cette auteure que je ne connaissais pas jusqu’à maintenant, dispose d’une plume émouvante. Elle traduit si bien les émotions, aussi bien la joie que la tristesse, d’une façon si profonde et si juste qu’on se sent bouleversé. Vraiment, c’est de la poésie à l’état pur. Je n’ai pas connu beaucoup d’auteurs qui ont réellement ce talent, d’autant plus qu’il ne s’agit pas du tout d’un roman d’aventure, d’une histoire prenante à rebondissement. Non. Il s’agit simplement de la vie, voilà tout et de ce que l’on peut ressentir lorsqu’on a treize ans et qu’on est soi-même incapable de mettre des mots sur ses émotions. Vraiment, je ne regrette pas d’avoir dévoré cet ouvrage qui nous montre que la vie est belle, malgré les moments parfois douloureux et les incompréhensions. A lire sans modération.
Extrait : « Je décidai de commencer par la fin. Pour le moment, je ne me sentais pas capable de faire résonner ma voix dans cet espace si peu familier. Cela dura. A la fin, j’allai vers le piano, je l’ouvris et je fis résonner quelques notes isolées. La, do, fa. Je sentais un nœud dans ma gorge, puis d’un coup, comme on se jette à l’eau en se pinçant le nez, je fis surgir ma voix. La, do, fa. La, do, fa, sol, si ré. Je travaillai ainsi pendant un long moment avant de me lancer dans le premier morceau. Lorsque je commençai à chanter les premières notes de la mélodie, ma voix n’était pas très ferme et je ne pouvais m’empêcher de jeter des coups d’œil furtifs vers la porte. Mais, dès la seconde répétition, j’oubliai tout ce qui m’entourait, prise entièrement par la musique, les sons que je sentais vibrer dans ma poitrine, monter dans mon larynx. Je retrouvai, seule, les sensations que j’avais connues l’année précédente lorsque je m’étais mise à chanter dans la chorale. Elles étaient même plus fortes, le son allait plus profondément en moi, y dissolvait quelque chose. Lorsque je me tus, j’éprouvai un grand bien-être. Je me sentais à la fois aérienne et dense, comme ces gâteaux que savait si bien faire ma grand-mère. Je restai silencieuse quelques minutes, les yeux clos. Puis je refermai mes cahiers, la porte, et j’allai remettre la clé à la concierge. J’avais dû passer un très long moment dans la salle de musique, car elle n’était plus derrière son comptoir. Je me penchai et je glissai la clé près du téléphone, l’étiquette Musique tournée vers le haut, bien en vue. »
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