J’ai lu : L’enfant multiple d’Andrée Chedid
22 03 2022L’enfant multiple
Andrée Chedid
Résumé : Omar-Jo est est un jeune garçon qui vient d’un pays ravagé par la guerre. Il y a perdu ses parents, Omar et Annette et l’un de ses bras. Pourtant, malgré cela, c’est un enfant heureux, qui prend les bons côtés de la vie et les transforme en véritable bonheur. Il vit avec Joseph, son grand-père troubadour qu’il aime beaucoup. Pourtant, pour l’éloigner de la guerre et des souvenirs trop lourds à porter pour un enfant de cet âge, Joseph décide d’envoyer Omar-Jo chez des cousins, à Paris. Le jeune garçon croisera ainsi la route de Maxime, un forain désargenté, qui a misé toute sa fortune dans un manège qui décline. Omar-Jo se prend d’affection pour Maxime et son manège et décide de les sauver, tous les deux ! Sa force de conviction et sa joie communicative auront-elles raison du cœur fermé et déçu de Maxime ?
Mon avis : ça fait un moment que j’entends parler de ce livre et qu’il trône sur les étagères du CDI, pourtant la 4ème de couverture ne m’avait guère séduite. Mais le conseil d’une collègue qui l’a lu m’a donné envie de découvrir cet ouvrage. Et là… ça a été une merveilleuse surprise. C’est l’un des plus beaux livres qu’il m’a été donné de lire jusqu’à présent. Loin de la littérature fantasy bourrée de héros aux pouvoirs surnaturels ou de mondes parallèles, L’enfant multiple va droit au cœur. Andrée Chedid a une plume légère mais tellement incisive à la fois, une plume qui pénètre l’esprit et sème les graines de l’imagination. Vraiment, le personnage d’Omar-Jo est tout simplement fascinant. Éprouvé… je dirais même plus que durement éprouvé par la vie, c’est lui qui aide les autres à retrouver une joie de vivre perdue. C’est un rayon de soleil, candide mais pugnace, qui refuse le fatum qui peut parfois assombrir les jours qui pourraient être heureux. J’ai aimé la poésie de cet ouvrage, son optimisme dénué de leçon de morale, sa douceur qui bouleverse. Je vous conseille de le lire. Moi, il m’a enchantée.
Extrait : « Lorsqu’il sentait son public avec lui, applaudissant et riant de ses loufoqueries, Omar-Jo changeait brusquement de répertoire. D’abord, il faisait taire la musique ; ses pitreries se fracassaient contre un mur invisible. Ensuite, il laissait un silence opaque planer au-dessus des spectateurs. D’un seul geste, il arrachait alors les rubans ou les feuillages qui dissimulaient son moignon. Puis, il présentait celui-ci au public, dans toute sa crudité. Il ôtait son faux nez. En se frottant avec un pan de sa chemise, il se débarbouillait de son maquillage. Sa face apparaissait d’un pâleur extrême ; enfoncés dans leurs orbites, ses yeux étaient d’un noir infini. Il s’était également dépouillé de ses déguisements qui s’entassaient à ses pieds. Il les piétina avant de grimper sur leurs dépouilles comme sur un monticule, d’où il se remit à parler.
Ce furent d’autres paroles.
Elles s’élevaient du tréfonds, extirpant Omar-Jo de l’ambiance qu’il avait lui-même créée. Oubliant ses jongleries, il laissait monter cette voix du dedans. Cette voix âpre, cette voix nue qui, pour l’instant, recouvrait toutes ses autres voix. L’enfant multiple n’était plus là pour divertir. Il était là aussi pour évoquer d’autres images. Toutes ces douloureuses images qui peuplent le monde. »
Tags : adoption, amitié, amour, douleur, enfant, exil, famille, forain, guerre, handicap, joie, manège, multiculturalisme, tradition