Week-end mortel
Jean-Paul Nozière
Résumé : Irma Cole est invitée par sa meilleure amie, Angéline Cosma, à passer un week-end au Moulin du Bief, la maison de campagne d’un ami d’Angéline. Si au début Irma se montre très enthousiaste à cette idée, elle déchante rapidement : pour partir en week-end, elle doit mentir à ses parents, elle leur dit qu’il n’y aura qu’elle et Angéline au moulin, alors qu’en réalité, trois autres garçons seront présents. De plus, tous les autres sont des gosses de riches, ce qui n’est pas le cas d’Irma… Mais, tout est déjà décidé et voilà qu’elle prend le train, direction le Moulin du Bief. Ce week-end, qui s’annonçait radieux ne se déroule pas comme prévu. En effet, Irma, quoique très impressionnée par le luxe environnant, perçoit très vite une atmosphère tendue entre les autres adolescents. Jean-Alain Ménétrier, le fils des propriétaires de la maison, passe son temps à l’humilier et semble avoir une emprise très forte sur les trois autres. L’ambiance malsaine qui pèse dans le Moulin du Bief laisse à penser qu’un secret lie les adolescents, un secret peu reluisant. Irma ne se sent pas à l’aise. Elle veut rentrer chez elle. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Mon avis : ça fait un moment que ce livre est au CDI et j’avoue que la première de couverture ne m’attirait pas énormément. Mais bon, c’est la fin de l’année et je me suis dit, pourquoi ne pas tenter la lecture. Je n’ai pas été déçue du tout, bien au contraire. Franchement, l’écriture est fluide, limpide et l’auteur a su avec brio créer une atmosphère angoissante dans son roman de seulement 146 pages ! Le personnage d’Irma dénote totalement avec les autres. Il s’agit d’une fille réfléchie et responsable (quand elle ne ment pas à ses parents pour aller se détendre pendant un week-end), qui ne se laisse pas facilement impressionner par l’argent des autres. Elle connaît la valeur des choses. Sa meilleure amie, Angéline, paraissait être une fille intéressante au début du roman : garçon manqué qui s’habille toujours en noir, elle donnait l’impression d’être un peu rebelle sur les bords. Mais on final, on découvre au fil de l’histoire que c’est juste une façade, c’est une nunuche prête à tout pour plaire à Jean-Alan Ménétrier. ce dernier, que peut-on en dire, à part qu’il s’agit d’un fils à papa gâté pourri, auquel on passe tous les caprices. Il a une emprise malsaine sur Angéline, Alphonse et Luc, les deux autres personnages. Luc est du genre anxieux, il semble vouloir se rebeller, mais ne le fait jamais vraiment. Irma est attiré par lui, mais en même temps, la violence sous-jacente qu’elle perçoit en lui l’effraie un peu. Franchement, je ne pourrai vous dire qu’une chose : LISEZ-LE !
Extrait : « Alphonse se colla au grillage du court. Jean-Alain apparut dans l’allée. il tenait un radiocassette sur l’épaule et marchait du pas chaloupé des frimeurs. C’est du moins ce qu’estima Irma, mais son envie de rire s’étrangla quand elle découvrit la tension des autres. Ils suivaient l’approche du garçon sans prononcer un mot. Jean-Alain s’arrêta assez loin de la clôture.
_Tu joues avec moi ? Luc est fatigué. Irma le remplacera, annonça Angéline.
Elle ne manquait pas de culot. Luc ne contesta pas cette décision prise sans son accord. Jean-Alain sourit.
_Je vous entends brailler depuis la maison.
« Pas un vrai sourire, pensa Irma, une gesticulation des lèvres dissimulant sa colère ».
Alphonse s’empressa.
_Excuse-nous, on ne se rendait pas compte. Si tu remplaces Luc, le jeu sera plus équilibré et on criera moins.
Jean-Alain montra le tuyau d’arrosage.
_Et vous mettrez moins de flotte sur le court ? Je ne joue pas. Je vous regarderai, comme ça je comprendrai pourquoi vous beuglez comme des veaux à l’abattoir.
Les mots humiliants s’accompagnaient du sourire.
_Allez, joue avec moi ! insista Alphonse.
_Non, avec moi ! s’écria Angéline.
Le regarde de Jean-Alain passa de l’un à l’autre. Le sourire disparut. un soupir.
_Vous êtes sourds ? J’écoute de la musique, on verra après !
J’ai une cassette super, mets-là ! proposa Angéline.
Elle courut vers la chaise d’arbitre, fourragea dans son sac. Pendant ce temps, Luc ramassait les balles. Jean-Alain l’interpella.
_Eh Luc, il y en a trois dans l’herbe, dehors. c’est toi le pro qui confond tennis et badminton ?
Luc continua tranquillement à rassembler les balles. Il attendit qu’Angéline revienne vers le groupe pour dire :
_J’en ai marre du tennis? Je ne joue plus.
_Du rap, annonça Angéline.
Jean-Alain s’approcha de la clôture et tendit la main à travers un trou du grillage.
Du rap ? La musique des banlieues ! Tu écoutes ces connards ? Tu trouves qu’ils ne nous font pas assez chier comme ça !
Les mâchoires du garçon se soudèrent l’une à l’autre. Les fossettes s’ouvrirent aussi profondément que s’il riait.
_Voilà ce que j’en fais de ta musique de singe !
Son bras décrivit une courbe. La cassette monta haut, passa par-dessus la haie de résineux et disparut de leur vue.
Plus un bruit, à part le roucoulement d’un pigeon qu’ils ne voyaient pas. le sourire de Jean-Alain était revenu. Son regard se posa sur leurs visages. L’un après l’autre. Longtemps. Il les défiait. Leur disait : « Râlez, je vous écoute. » Irma attendit son tour.
_Tu n’es qu’un sale con, dit-elle, sans hausser la voix. Je vais jusqu’à la ferme, ça me donnera l’occasion de respirer l’air pur.
_Je t’accompagne, annonça Luc.
Jean-Alain éclata de rire.
_Bonne idée ! Rapportez donc une douzaine d’œufs, au moins vous rendrez service. Irma, surveille Luc : il a un air de chien battu, mais ne t’y fie pas, c’est un dragueur ! »