Farid Chebout, comédien , intervient à trois reprises pendant deux heures pour aider les élèves de la classe écriture à « mettre en voix » leurs textes poétiques , élaborés dans le cadre du travail avec le poète Arno Calleja.(voir précédent article)
Les élèves, après quelques exercices de théâtre sur le corps et la voix, apprennent à « dire » le texte avec le ton et l’énergie qui convient.

Voici les textes sur lesquels les enfants travaillent.
En général un bouquet de fleurs tient dans la main,
plein de douceur
Mais du fond de ses prunelles,
il prend déjà le chemin de la poubelle.
En général un bouquet de fleurs nous embaume de bonheur
Mais il se fanera et le bonheur disparaîtra.
En général un bouquet de fleurs désigne quelque chose
en dévoilant ses couleurs
Mais le lendemain toutes les couleurs pleurent.
Amélie Vigier, Lou Fouet et Luna Huynh
Le livre n’est pas fini, il reste à lire des panneaux, des pare-brises, des portes, des parlottes, des papiers, des parures. Je dois lire le livre des lascars, des larmes, des larves, des lagons, des limousines, des lions et des lionnes.
J’ai déjà lu le livre des vaillants, des valses, des varans mais j’ai aussi lu le livres des serpents, des serpentins, des serpentines, des seigneurs, des saintes, le livre des dessins et le livre qui descend.
Louise Aquadro
On dit que les chansons d’amour sont pour les romantiques
mais elles intéressent parfois les gros durs.
On dit que les chansons d’amour nous dévorent le cœur
mais parfois elles nous grignotent le foie.
On dit que les chansons d’amour sont pour les gens qu’on aime
mais parfois elles sont pour ceux qu’on déteste.
Louise Aquadro, Pauline Milhaud et Tocze Tiffany
On a l’habitude de penser
que les filles sont calmes et gentilles
mais parfois non.
On a l’habitude de penser
que les filles font très bien la cuisine
mais la plupart des grands-chefs sont des garçons.
On a l’habitude de penser
que les filles sont coquettes
mais elles se creusent aussi la tête.
Justine Eva Lucie
Les arbres sont verts
ils ne sont pas bleus
s’ils étaient rouges
nous serions en automne.
Le cheval est noir
avec une tâche blanche
on dirait un éclair dans un ciel sombre
Clémentine Ansel
Toutes les murailles du monde enferment tous les chênes du monde, tous les chênes du monde écrasent tous les amandiers du monde mais les chênes sont écrasés par tous les baobabs du monde, accrochés à toutes les branches des baobabs du monde il y a les conifères, les pins ont peur de tomber si bien que leurs aiguilles tremblent dans le vent, les sapins agglutinés aux branches se sont endormis, les mélèzes souples et élastiques font des figures acrobatiques, mais toutes les murailles du monde cèdent sous le poids du rien.
Tous les mots du monde se sont échappés en phrases, elles ne veulent plus rien dire, Ponctuation reste seule avec Phrase, et s’en va.
Clémentine Ansel
Vous bougez
lentement
silencieusement
vous vous arrêtez
instantanément
momentanément
vous recommencez
rapidement
nettement
vous vous stoppez
distinctement
définitivement
vous réfléchissez
activement
très longtemps
vous méditez
sagement
posément
vous pleurez
tristement
bruyamment
vous rougissez
honteux
regrettant
vous riez
gaiement
joyeusement
définitivement
Clémentine Ansel
Tous les présidents du monde
habillés comme des pingouins
sérieux froids et sévères
ont des chiens de garde enragés
qui mordent
qui dévorent tout ce qui
leur passe sous la dent
Laura Boukli-Hacene
Tu es
tu aimes ça
tu aimes être
tu es donc tu aimes
tu es un être
être un être c’est aimer
tu es
tu aimes cet être
donc tu es
aimer c’est être
être c’est aimer
tu es vivant
être vivant c’est aimer
être c’est aimer
donc être vivant c’est être
Mario
Sur un nuage j’ai dormi. Il était froid, il était mouillé, et gris. Il y avait aussi Cupidon. Je n’ai pas aimé dormir sur un nuage de pluie.
J’ai dormi sur les flammes, il faisait chaud, un peu trop chaud, je transpirais, j’ai vu le diable. J’ai cru que j’étais dans un spa. J’y étais.
J’étais sur une fleur, elle était belle. Il y avait une abeille, elle m’a piquée, je n’ai rien dit, car je dormais. Je dormais sur un lit de pétales.
Yellis
Tu marches, tu marches sur les nuages, c’est doux, doucement, douloureux, dommage, tu redescends, tu redescends sur terre, tu es triste et tu pleures, tu t’étonnes, tu résonnes, tu marches pour oublier, tu marches dans l’herbe, tu t’allonges, tu t’allonges dans l’herbe et tu t’endors, et tu marches, tu marches dans le rêve, c’est doux, doucement, douloureux, dommage.
Noémie Commier
La poubelle est pleine de bonbons, de balles, de boules, de bombes, de bébés, de biberons, de billes, de ballons, de bidons, de bières, de baobabs, de bananes, de babouins, de bourses, de bateaux, de bouchons, de barbecues, de barreaux, de beaux bureaux. Les éboueurs arrivent. La poubelle est vidée de piments, de poulets, de poivres, de poules, de panneaux, de pare-brises, de paparazis, de pantalons, de papiers, de portes, de pliages, de parents, de piles, de pas, de poneys, de poussins, de pirates, de poèmes, de poésie, de poissons, de poison.
Luna Huynh
Je t’orage ( te déteste )
Je te journal ( t’informe )
Je te clef ( t’enferme )
Je te coeur ( t’aime )
je te livre ( t’instruis )
je t’oiseau ( te fais voyager )
je t’alarme ( te crie dessus )
je te pinceau ( te dessine )
je te puzzle ( te reconstruis )
Alix
Il y a des pas dans le couloir
des lumières blafardes
je ne dors pas souvent
quand je suis chez mes grands parents
je regarde les nuages
j’avais cinq ans d’âge
je sors mes crayons
quand je suis dans l’avion
je sens le tango de l’eau
dehors, il fait beau
j’ai mal au coeur, je mets mon chapeau
quand je suis en bateau
Alix
Les mots dansent, dansons, dansez, danseront, ont dansé, se mettront à danser, les mots dansent une danse dansante, chantante, valsante, éblouissante, souriante, foudroyante, bouleversante, les mots dansent un
alphabet, un alphabet phonétique, international, constitutionnel, élastique, grammatique, dramatique, hypodramatique, apocalyptique, hiéroglyphique, pictographique, photographique, énergétique.
Les mots s’immobilisent, les verbes s’écrasent au sol, les adjectifs s’endorment, les adverbes disparaissent, les noms propres se décomposent, les pronoms se taisent, ils se taisent à jamais.
Collectif
Tous les mots du monde sont des mots doux et des mots durs,
tous les mots du monde ont des sons étranges,
parfois blanc, parfois noir.
L’imaginaire
est un étrange
fil magique qu’on ne peut contrôler
Tiffany
Je respire sur le sable chaud, le soleil me caresse le visage, une douce chaleur m’entoure le corps, je rêve de magie, je rêve de musique, je souris, j’entends l’eau, l’océan pacifique peut être, ou l’océan atlantique, ou l’océan indien, je ne sais pas, le monde est si vaste, si grand, et je connais si peu d’endroits, je connais de petits villages, je connais des mers des rivières et des fleuves, j’entends les vagues qui se cassent sur le sable chaud, un beau son, mélodique, vrai, le ciel est rose, bleu, le soleil me réchauffe, le soleil me brûle, mes pieds sont dans l’eau, une eau claire, froide et salée, je reste couchée, les yeux fermés, à attendre que le sommeil vienne, j’attends depuis longtemps, peut être quelques instants, peut être quelques années.
Tiffany Tocze