Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler des références culturelles de nos chers élèves. Nous sont-elles inconnues, à nous, enseignants et formateurs, ou y a-t-il des points de convergence entre les nôtres et les leurs ?

Pour explorer ensemble cette interrogation principale, je vais vous parler de plusieurs exercices que j’ai mis en place pour connaître, tester et bien sûr développer les compétences culturelles de nos élèves. L’idée étant aussi, dans une certaine mesure, de créer du dialogue entre eux et nous à travers un intérêt croisé envers leurs goûts culturels.

Une initiative de confinement : les « mails de culture du dimanche »

J’ai testé tout d’abord, durant la période de confinement, la technique des « mails de culture du dimanche ». Étant professeure de culture générale en Baccalauréat professionnel, en Qualification et en BTS tertiaire dans un C.F.A. à cette époque, je mettais, comme vous tou(te)s un point d’honneur à « accompagner » mes élèves durant ces périodes difficiles. La culture avec les arts, la littérature, le cinéma, le sport, etc., a été une ressource intéressante pour garder contact d’une part et pour stimuler la curiosité intellectuelle des jeunes d’autre part.

En quoi consistait le principe du « mail de culture dominical » ? J’ai commencé à envoyer, chaque dimanche, un mail collectif à l’ensemble de mes classes, toutes filières confondues, en désignant à chaque fois une nouvelle thématique.

Voici quelques exemples de thèmes :

Petit à petit, mes jeunes se sont pris au jeu. Petit à petit, ce sont eux qui ont pris le relais en prenant en charge (à leur demande dans un acte de volontariat soit individuel soit en petit groupe) cette « habitude de fin de semaine ». À savoir que la musique a remporté un franc succès : notamment les musiques actuelles comme le rap, le hip-hop ou le scratching. Parmi les autres thématiques qui intéressaient mes élèves, il y eu des choses aussi variées que :

Il y a donc indéniablement rencontre autour de la culture au sens large, entre les jeunes et les enseignants, lorsque la liberté leur est offerte de s’exprimer. Pour poursuivre cette affirmation d’un partage intergénérationnel et d’une culture commune possibles, non seulement entre eux, mais également entre eux et nous, je vais vous parler maintenant d’une expérience d’atelier de réflexion créatif récente avec des élèves de BTS en études sportives.

Une expérience de pensée pour se présenter : exemple d’atelier de réflexion créatif

Pour vous présenter un peu le contexte de cette classe, il s’agit d’un petit groupe d’élèves engagé dans des études de sport de haut niveau. Bien sûr, ces élèves se connaissent dans le cadre de leurs entrainements sportifs, faisant le plus souvent partie du même club, en plus du partage de leurs séances de cours. Tout laisse alors à croire qu’ils se connaissent sur le bout des doigts et même sur le bout des crampons pourrait-on dire avec le sourire… Or, lors de ma toute première séance de culture générale sur le thème « Dans ma maison » avec eux, je leur ai proposé de faire un traditionnel tour de table pour faire connaissance. Ceci en se présentant d’abord de manière tout à fait classique, puis dans un second temps, de manière plus ludique en leur proposant l’expérience de pensée suivante : « Si vous deviez vous présenter sous les traits d’un lieu ou d’un objet de la maison, lequel seriez-vous et pourquoi ? ».

Je ne vous cache pas qu’en préparant cette activité, ne connaissant pas encore ce public étudiant, je m’étais logiquement attendue à ce que tous, puisqu’il ne s’agit que d’un public masculin, allaient, de façon quasi certaine, choisir des endroits tels que les extérieurs de la maison (le jardin, la piscine, etc.) ou la salle de musculation par exemple, ou encore la douche, la salle de bain, etc. Bref, autant de pièces ou d’endroits en lien direct avec la pratique du sport professionnel ou du sport loisir. Chose intéressante et inattendue, les élèves ont pour la plupart choisi autre chose, à savoir une réponse en lien avec le salon (la pièce elle-même ou le canapé !), sauf un qui choisit, lui, quelque chose en lien avec la cuisine.

Tous se sont alors mis à échanger spontanément sur les derniers films qu’ils avaient vus au cinéma ou bien sûr dans leurs salons ou encore à parler de leur futur métier post-carrière sportive professionnelle. En effet, l’un de ces élèves, contre toute attente, se dévoila en choisissant la cuisine comme pièce « identitaire » de la maison. Il nous raconta alors qu’après le sport il était passionné de pâtisserie et qu’il rêvait d’entreprendre par la suite des études dans ce domaine, nous parlant de ses essais culinaires, de son admiration pour de grands chefs tels que Yann Couvreur ou autre. Belles surprises pour moi et étonnantes découvertes pour les élèves qui se voyaient ainsi, soudain, sous un autre jour !

Rester à la page ou tourner la page de nos références ?

Dernier petit exemple de situation pour répondre à ce dilemme de se renseigner auprès des élèves pour coller au mieux à leurs références culturelles ou, au contraire, ne pas s’en encombrer et faire « à notre idée » pour coller aux référentiels et aux programmes ministériels ? Pour ma part, j’ai très à cœur de faire un peu les deux ou du moins d’essayer. Voici comment.

Pour revenir aux séances de tour de table, il n’est pas rare que je demande aux élèves s’ils lisent ou vont dans des lieux historiques et culturels (musées, expositions d’art, bibliothèques, etc.). Ma rengaine « allez en bibliothèque, découvrez un monde inexploré de connaissance et d’imaginaire ! » a le chic de les faire rire, car malheureusement, comme vous le savez, la bibliothèque n’est pas leur lieu de prédilection… Ainsi, pour créer du lien, les inciter à lire davantage tout en restant au plus près des thématiques ministérielles, le passage en revue de la bibliographie officielle est un bon exercice pour eux comme pour moi. Ceci me permet, en effet, de cibler les références communes éventuelles et de les privilégier par la suite dans mes cours.

Pour compléter ce point et combler les écarts générationnels au niveau des références mobilisées en cours, je leur propose de réaliser une ou plusieurs fiches de lecture sur un ouvrage de leur choix en lien avec le thème, dans ou hors bibliographie officielle. Exercice classique en somme mais toujours « ouvert » à leur choix individuel et à leur préférence culturelle. Petite innovation quant à la fiche de lecture basique, ils peuvent introduire leur fiche « écrite » par une présentation orale de l’ouvrage choisi avec les raisons de leur choix, le ou les liens avec le thème annuel de culture générale, un passage joué théâtralement ou simplement lu à haute voix pour illustrer tel ou tel concept et ainsi faire profiter la classe entière de leur découverte de ladite lecture et générer du débat. Car il n’est pas rare, lors de cet échange collectif, que mes propres réflexes et références d’auteurs ou pire, bien sûr, d’acteurs ou chanteurs viennent à les faire sourire du fait du décalage générationnel les rendant immanquablement obsolètes. Au contraire, il n’est pas rare aussi que j’en vienne à les surprendre quand je leur explique que je suis fan de Maître Gims ou d’autres idoles de la génération Z ! Il est donc important à mes yeux de se tenir à la page et à leur page pour que nos élèves ne nous tournent pas le dos, en tournant du même coup la page de notre matière ! En tout cas, c’est le sentiment et la leçon que j’en tire !

Pour conclure, mettons les élèves à l’honneur

En somme, ces quelques situations d’échanges entre pairs, comme d’échanges entre nos élèves et nous, enseignants, montrent que si des écarts de génération existent, à n’en pas douter, concernant nos idées sur les références culturelles de la jeunesse actuelle, de nombreux cas prouvent également qu’un chemin commun est possiblement empruntable par tous. Ceci encourage donc très positivement les discussions et le partage culturel entre nos élèves et nous, tuteurs signifiants pour cette jeunesse en devenir personnel autant que professionnel.

 

Une chronique de Séverine Oswald

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