Au parent qui a gâché ma rencontre parents-profs

profparent

Cher parent qui a gâché ma rencontre parents-profs,

C’est moi la prof d’anglais, un peu désolée qu’on en arrive là. Tu ne m’as pas demandé à devenir un héros (ou une héroïne, hein !) de chronique web et pourtant t’y voilà malgré toi. Je dirais presque aussi malgré moi.

Car pour venir te rencontrer cher parent qui me prend pour une c…, j’ai dû trouver une garde pour mes enfants en faisant venir ma belle-mère de Nowhereswille (Pétaouchnok pour la vf !) et me payer un taxi pour ne pas arriver en retard de mon autre établissement où j’exerce mon métier de TZR, qui trouille, qui zône et qui râle, parlons-en justement. Ben non, tu ne le sais pas, parent pas content, tu penses que je suis montée tranquillou de ma petite classe en mode toutouyoutou (sportif et léger) to see you. Eh ben not at all. Je me suis pointée mal fringuée, moi, la fan de look car ma pile de sapes à repasser est bien plus haute que ma pile de copies à corriger. That’s life.

Donc, cher parent, un peu casse-biiiiiiiiiiip, je suis polie et ne saurais écrire ce que je reproche toujours aux demoiselles qui s’en battent régulièrement les biiiiiiiiiiiiiiiiip, tu captes. D’ailleurs, comme tu m’énerves enfin pas toi mais ce que tu m’as dit, tu vois, je deviens moins polie et même je te tutoie, alors que les gamins, je les vouvoie de la 6e au post-bac pour leur montrer qu’on est déjà dans une relation professionnelle. Je ne te tutoie que par écran interposé, mais je suis en colère because

Jusqu’à ton arrivée, tout se passait bien : j’ai reçu une dizaines de parents, la plupart avec leurs gamins. On a parlé de leur projet d’orientation, de leur niveau d’anglais. Ils m’ont dit merci, c’était cool de les emmener au théâtre, c’est cool de bien les préparer au lycée mais toi…

Toi, tu me reproches de vouloir leur redonner les bases et de les prendre pour des petits alors qu’ils pataugent pour aligner trois mots en fin de collège. Tu me dis, vous devriez faire ci plutôt que ça, juste pour voir. Tu me dis, ce coloriage, dans leur cahier, c’est vraiment bébé alors que qu’est-ce que t’en sais ? T’as pas compris que c’était une petite activité (très plébiscitée en plus) et just for fun ?!

Tu veux m’apprendre mon métier ? Je ne cherche pas à t’apprendre le tien. Je te demande juste de me laisser faire mon job car je le fais avec tout mon cœur et en donnant mon maximum. Ah t’es délégué de parents ? Pas cool… On risque de se friter au conseil de classe mais comme je suis patiente mais vraiment très, presque trop, je te propose de me dire d’avance s’il y a un truc qui bugge we have to talk about it.

Parce que moi, parent qui m’a gâché ma soirée, je veux juste te dire que sans confiance, rien n’est possible et que je suis un peu triste que les choses se passent ainsi. Si nous faisons ce métier, c’est parce que nous le faisons bien… Bon, je vais pas non plus t’hypnotiser façon serpent Kaa dans Le livre de la jungle : Trussssssssst in me, jussssssssst in me (aie confiance, je suis là dans l’adaptation française). Si ton ado ne veut pas travailler et qu’on a essayé pas mal de choses, on ne fera pas de miracle.

Si tu crois que t’avoir écrit ça m’a calmée, je dirai franchement pas vraiment mais au moins, je t’ai dit ce que j’avais à te dire. Et si des collègues à moi reconnaissent des collègues à toi, ça me fera un peu plaisir, un tout petit peu, je me sentirai un peu moins seule car tu as presque réussi à me faire penser l’espace de quelques instants que je suis nulle. Car si on travaillait en bonne intelligence toi et moi, ça irait tellement mieux, no ?

Enfin bye-bye surtout car ce soir, je suis d’humeur râleuse, yes, yes, yes.

PS : j’allais poster cette petite chronique hier soir mais ma messagerie est tombée en panne, c’est bête mais je ne pense pas que les choses arrivent toujours sans raison. Parfois si, mais là, peut-être non. Aujourd’hui ta progéniture dont j’ai la charge en cours a fait quelques efforts. Ca m’a fait plaisir. Peut-être notre conversation n’a-t-elle pas complètement servi à rien. Je crois que je ne t’en veux plus. Il faut savoir accepter la critique sans se remettre en question, il faut savoir trouver le petit point de vérité (qui blesse) dans ce que tu as dit. À savoir dans mon cas qu’on ne fait peut-être pas des choses assez marrantes en classe au nom de la révision de bases. Du coup, maintenant, on fait des jeux en fin d’heure, comme ça pour voir et comme j’aime en faire le plus souvent possible. Je crois que je te dirais bien merci car les profs, c’est bien souvent comme les élèves, ça n’aime pas accepter la critique mais ça sait parfois en tenir compte. Alors, bye-bye until the next conseil de classe.

Une chronique de Frédérique

8 réponses

  1. Tout à fait d’accord; moi aussi en hist géo ; je me suis fait engueuler , certains parents viennent aux réunions juste pour en découdre et protéger l’enfant -roi!!! Pauvres citoyens de demain!!!!

    J’ai été obligée de demander des excuses sinon je faisais une main courante, je prévenais la Maïf etc….Le parent pour le coup s’est excusé, c’est fatiguant, vexant, pénible et j’en passe!!!

  2. Bonjour Frédérique,

    I try to teach English too et j’ai eu droit à ce genre de remarque de la part de parents qui s’improvisent enseignants le temps d’une réunion. Peut – être sont-ils d’ailleurs dentiste, médecin, entraîneur de foot voire député selon leur auditoire. Pour ma part, il faudra m’expliquer le concept d’apprendre en s’amusant : je n’ai qu’à regarder mon fils de 3 ans jouer aux Légos, toute langue dehors et l’air grave pour m’apercevoir qu’il n’y a pas d’activité plus sérieuse que l’apprentissage! Merci pour ce texte fort bien écrit et pour finir sur une note positive: pourquoi ne pas retenir la dizaine de parents qui se sont montrés solidaires tout comme il faudrait penser à la majorité des élèves qui nous donnent satisfaction au lieu de donner tant de place aux casse-pieds ? Courage!

  3. Je pense qu’il faut continuer notre « gentille dénonciation » avec notre bonne humeur. Boris Vian le chantait si justement : « On n’est pas là pour se faire engueuler ». C’est d’autant plus vrai si on n’est pas un prof qui gueule et terrorise ! C’est un peu le défaut des gentils, on ne fait pas peur. Mais on a d’autres armes : le courage, l’humour qui nous permettent de dire les choses et faire passer des messages de manière marquante, j’ose le croire.

  4. Merci pour vos commentaires. Je vous assure, le cours ludique, ça me connaît mais avec un groupe qui ne sait rien dire du tout et qui doit boucler un programme colossal en un an, ça ne me connaît plus le rigolo et le sympathique… On alterne boulot avec une grammaire et tâches sympas (poster, rapports de stages etc). Je pense qu’à certains moments il y a des urgences. J’en parlais avec ma direction et des collègues, il paraît que mon système peut aider les plus largués à se réapproprier les bases. L’autre jour, les élèves ne savaient pas l’heure, on a dû la revoir. Je n’aurais pas osé proposer en 3e mais là, pas le choix… Et après, j’assume complètement ce que je fais.

  5. Je suis tout á fait de ton avis Frédérique.
    Á l’Académie Pédagogique, on nous a imprégné avec le triangle d’or : prof-élève-parent. Seulement si l’élève ment, et le parent ne croit pas ce que dit le ou la prof, on est bien esseulé et comme tu le dis ce n’est pas « cool » du tout. Ici en Serbie, depuis une bonne vingtaine d’années impossible de faire entrer quoi que ce soit dans la tete des enfants, surtout au lycée – ils ont peur de faire des fautes et devenir ridicules « devant les autres », ne veulent pas apprendre leurs expressions.
    Le système local avec sa banderole invisible « parle serbe pour que le monde entier te comprenne » (sauf que ce « monde », l’ex-Yougoslavie n’existe plus depuis 1991), la plupart des parents et grands-parents d’élèves avec leur comportement « anti-étrangers » (qui a dit xénophobe ?) et pro-Russie nous fichent en l’air quotidiennement notre boulot de prof de langues étrangères.
    De même ces mêmes gens de « bonne volonté » insistent que lire et compter c’est une mode idiote que l’on ne doit pas suivre, alors pour lire un bouquin de 120 pages il leur faut 6 mois au lieu de quelques heures. Et l’année scolaire dure ici 10 mois (37 semaines de 5 jours) Que faire ?

  6. Bonjour Frédérique,

    Quel talent.
    Comment vous fêtes pour écrire si bien et si juste?
    Pour moi, l’apprentissage d’une langue étrangère au collège et au lycée est un non-sens.
    Si je veux apprendre une langue étrangère de façon efficace, je m’inscris dans une boîte privée et avec les écouteurs sur les oreilles j’apprends les bases.
    Espèce de crétin utopiste. Tu sais ce que cela coûterai aux contribuables ce que tu demandes?
    Oui, je sais.
    Cela aurait un coût énorme.
    Et alors, il faut faire des choix dans la vie.
    Je propose une enquête nationale, un espèce de sondage pas encore un référendum. Du style:

    Madame, monsieur ( cher futur électeur… C’est bientôt les érections présidentielles )
    Vous avez le choix entre :

    1) Un beau porte avion ( qui s’appellerait le Charles de Gaule ) à propulsion nucléaire qui serait capable , grâce à ses super avions Raphales ( ou raffales ou rafale ) de M Dassault de bombarder n’importe où et n’importe quand les méchants qui nous embêtent.

    2) Pour la même somme de permettre aux profs de langues étrangères qui travaillent dans nos beaux collèges et super lycées de travailler avec vos enfants comme ils souhaiteraient travailler.
    Une salle spéciale, bien équipée, un effectif très réduit d’élèves pour faire du bon travail.
    Rapidement, vos enfants pourraient acquérir de façon efficace la maîtrise d’une langue étrangère afin de favoriser les échanges fructueux avec d’autres pays . Ils ne s’ennuieraient plus en cours, ils seraient super motivés. Ils seraient con vaincus de l’utilité de cet apprentissage.

    Je suis certain que les parents préfèreraient le porte avions .

    jacques san.

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