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Le rappel des Oiseaux Rameau : Ecoute, Analyse.

https://www.youtube.com/watch?v=ibCTTrDiMYs

Le recueil de 1724 de Jean-Philippe Rameau compte deux suites (une en mi et une en ré). Le rappel des oiseaux fait partie de la 1ère suite, qui regroupe 10 pièces, toutes en mi (majeur ou mineur).

Le rappel des oiseaux est une pièce de caractère (ou pièce de genre). C’est-à-dire que son titre n’a pas pour origine le nom d’une danse (gavotte, sarabande, etc.), c’est un titre évocateur, poétique, qui présage d’une musique imitative, descriptive ou narrative.  C’est la première pièce de caractère de Rameau. La pièce, ainsi que d’autres de la suite (RigaudonTambourin), est un hommage à la Provence, région que Rameau a connue dans sa jeunesse, lorsqu’il tenait l’orgue d’Avignon. Globalement, la pièce évoque les incessants sifflements, gazouillis de deux petits oiseaux, leurs dialogues, leur agitation continuelle. Le mot “rappel” dans le titre fait, quant à lui, dans doute référence à l’oiseleur rappelant ses oiseaux. C’est une allusion à la Nature, à la chasse et plus particulièrement à la fauconnerie  Néanmoins, comme on va le voir, la pièce va bien au-delà de cette simple imitation. C’est une pièce complexe, très construite, où le motif des oiseaux sert de prétexte à Rameau pour faire montre de tout son savoir-faire musical et dramatique.

La pièce est de forme binaire avec reprise : AA BB (dans l’original pas de reprise de A). Le parcours tonal vu de manière large est le suivant :

mesures 1à27 : mi mineur /28à36 : sol majeur/37à44 : si mineur/45à46 : transition modulante/47à57 : mi mineur

Thématiquement parlant, le morceau repose au début sur la répétition d’un appel de quarte (si-mi) à la main droite conjuguée à une réponse donnée à la main gauche sur la tierce mineure mi-sol. Le registre est plutôt aigu. Rameau va progressivement varier le motif : Des répétitions, des renversements, des intervalles de plus en plus grands (créant une tension)Alors que l’on aurait pu s’attendre après l’écoute des premières mesures à une musique légère et enjouée, on s’aperçoit vite que la pièce prend des allures plus tendue et dramatique, notamment par l’utilisation d’intervalles dissonants (4te augmentée et 5te diminuée dès la 6ème mesures).

La première partie est ponctuée de marches harmoniques qui lui donne un caractère très orchestral, voir théâtral. En effet, elle s’achève par une demi-cadence amenée par un tétracorde descendant, cliché de l’époque joué à l’octave à la main gauche et dans le grave. Cette première partie A, bien que simple harmoniquement (des Ier et Ve degré) va déjà loin dans la variation du motif initial de l’oiseau. La 4te ascendante du début n’est qu’un point de départune source d’inspiration. Rameau déforme le motif, le varie, l’exploite déjà au maximum.

La partie B, va aller encore plus loin, en ajoutant d’audacieuses modulations. La partie B débute comme la partie A, mais en Sol majeur (relatif de mi). Passer en majeur après du mineur est un procédé très courant à l’époque. Elle est brusquement interrompue par un silence, étonnant, dramatique.

(Les oiseaux ont-ils peurs de quelque chose ? Rameau souhaite-t-il attirer notre attention ?)

Après cette rupture, Rameau va user de tous les moyens à sa disposition pour dramatiser le discours :

  • Répétition obstinée du rythme ïambique (brève-longue) notamment à la basse
  • Tension mélodique (par des retards)
  • Phrases très rapides (Rameau les appelait des “roulements”)
  • De nombreux chromatismes
  • Des intervalles dissonants
  • une subtile polyphonie à trois parties
  • notez le ré # qui ramène en mi mineur

Finalement, Le Rappel des Oiseaux est déjà une pièce plus proche de la musique d’opéra, que de la musique de salon. Tous les procédés mis en œuvres tendent à dramatiser le discours au maximum, à créer une sorte de narration, mais sans histoire précise. Libre d’organiser thématiquement et rythmiquement (décalage, syncopes), il fait preuve d’une grande virtuosité dans l’écriture de cette pièce,description d’un foisonnement, de l’agilité, de la volubilité des oiseaux mais cela participe également d’un projet pédagogique. En effet, Rameau laisse une longue préface au 2° livre de pièces de clavecin, nommée « de la mécanique des doigts sur le clavecin», dans laquelle il explique comment tenir son poignet, son bras, comment travailler techniquement, et détaille les règles d’exécution de ses pièces (doigtés, ornements …). Il propose également une table des ornements où il explique comment réaliser chaque ornement.

Ornements : trille (alternance rapide de 2 notes)… (A l’époque l’ornement entendu au début s’appelle un pincé, il ressemble au trille mais on ne fait qu’un battement).

https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/pdf/2014-09/bac-2015_rameau_f.platzer_aix-marseille.pdf

http://musicolycee.fr/2014/12/21/rameau-le-rappel-des-oiseaux-suite-en-mi-pieces-de-clavecin-1724/

Pour La prochaine fois, comparez les deux interprétations (clavecin et piano).

posted by charlierenard in musique and have Comments (3)

3 comments

  1. Commentaire by Nadia on 23 décembre 2015 at 21 h 37 min

    Parfait pour lanalyse merci
    Ça va surment me servir pour le bac musique

  2. Commentaire by Graffin on 12 mars 2018 at 16 h 44 min

    Fasciné par ce XVIII ème tellement brillant… votre analyse est des plus judicieuse,
    on y entend bien la qualité imitative et descriptive de cette musique sublime;
    Non, je ne passe pas de bac et je n’ai rien a m’approprier, seulement vous remercier
    d’avoir mis en évidence une dimension apparemment légère mais toujours grave que rameau nous apporte. Merci

  3. Commentaire by DURBECQ on 26 mai 2022 at 17 h 42 min

    Dans le contexte de cette œuvre, « le rappel des oiseaux » faut noter l’étymologie du mot « appeau » qui vient de « appeler » (on le nomme d’ailleurs aussi « appelant »). L’appeau reproduit le son de différents oiseaux, mais si chaque espèce d’oiseau a son chant, celui-ci varie en fonction de la météo et de la saison. C’est une parenthèse, mais je pense qu’elle est intéressante au niveau de l’étymologie. Pour l’œuvre elle-même, je me demande si, à un moment donné, l’interprète ne doit pas passer la main droite au-dessus de la main gauche pour aller chercher des notes en amont sur le clavier, ce qui donnerait une image de chamaillerie d’oiseaux. C’est une impression et je ne suis pas claveciniste, donc je m’exprime peut-être mal. En tout cas, l’œuvre n’est pas surchargée et ressemble à de la dentelle.

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