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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

Le désir est reconnaissance de son être par autrui.

Ce que les sagesses antiques omettent, c’est la dimension intersubjective du désir. Sans la présence (même imaginaire) d’autrui, désirais-je autant et les mêmes choses ? Mon désir est-il réellement l’expression de ma singularité, mon identité ou le reflet du conformisme de la société ? De même, suis-je libre de désirer ce que je désire, n’y a-t-il pas au coeur du désir une véritable aliénation ?

Dans son texte Capital et Travail salarié (p.49 dans votre manuel), Marx enracine le désir dans la société. Pour lui, le désir est par nature relatif à autrui, d’origine sociale. Ce ne sont pas les objets que nous désirons pour eux-mêmes mais ceux que désire autrui car ils renvoient aux signes, symboles d’une classe sociale, du code du standing comme dirait Jean Baudrillard dans Système des objets. L’insatisfaction provoquée par le désir est toujours comparative. Seuls les besoins (vitaux) sont absolus. Les désirs sont relatifs au contexte socio-économique. Ainsi, on peut déjà voir dans la thèse marxiste l’idée que le désir est par essence mimétique et conflictuel, à l’instar de René Girard dans la Violence et le Sacré. Autrui, le rival est ce troisième terme dans la relation ternaire, triangulaire du désir. Autrui confère de la valeur à l’objet, pose ce qui est désirable. L’objet recherché n’est donc pas la fin visée par le désir mais un moyen de prouver à autrui la force de mon désir, de recevoir la reconnaitre de mon être dont je me crois privé et autrui pourvu.

Tous ces auteurs défendent l’idée selon laquelle la satisfaction liée au désir n’est pas immédiate mais médiatisée par autrui et la société, qu’il s’agit d’une jouissance immatérielle, symbolique. C’est là que l’on peut comprendre ce qui distingue foncièrement désir et besoin et qui nous fait dire que le désir est le propre de l’homme. La pression du besoin appelle une satisfaction immédiate, non différée. Le désir invente des médiations par lesquelles son objet n’est plus perçu mais imaginé et conçu. L’objet du besoin est réel, il existe indépendamment de celui qui le recherche. L’objet du désir est idéal : il est le fruit de représentation, par le sujet, d’une satisfaction imaginaire. 

Ainsi on pourrait reprendre la phrase de Spinoza  » Nous ne désirons pas les choses parce que nous les jugeons bonnes, mais les jugeons bonnes parce que nous les désirons »; c’est le désir qui confère de la valeur à l’objet du désir, qui peut très vite ne plus être désirable. Autrement dit, désirer n’est pas un processus rationnel contrairement à la volonté.

Alors, peut-être jugeons-nous une chose bonne parce qu’autrui la désire ?…

posted by charlierenard in autrui,désir,Etat et société,liberté and have Comment (1)

One comment

  1. Ping by Etat et Société | PhiloStjo on 30 mai 2016 at 10 h 05 min

    […] Kant et Schopenhauer s’intéresseront à la sociabilité de l’homme. Kant ne considère pas comme Hobbes que l’homme vit comme une contrainte sa mise en société et qu’il est seulement égoïste et calculateur. Il reconnait sa part d’insociabilité mais aussi le plaisir qu’il a à côtoyer d’autres hommes pour développer ses facultés (pensée, dialogue..). Il met donc en évidence son « insociable sociabilité ». L’homme aime la compagnie des hommes mais ne la supporte pas !! paradoxe qui pour Kant est le moteur de l’histoire et est à l’origine des progrès de l’humanité. En effet, qu’est-ce qui pousse les hommes naturellement paresseux à se dépasser, à améliorer, progresser…? Non la vertu du travail, le gout de l’effort ! mais les vices, la cupidité, la jalousie, l’avarice… En vérité, l’homme cherche non pas être meilleur, mais meilleur qu’autrui. Ainsi le désir est encore une fois désir mimétique. […]

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