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Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue

La culture nous rend-elle plus humains ?

Analyse du sujet :

« La culture » : trois sens

-universel : processus de transformation de la nature pour la rendre fertile, féconde, l’enrichir voire la maitriser, la dompter.

  • individuel : instruction, éducation, se cultiver (sens figuré du premier sens) (me singularise)
  • collectif : modes de vie, traditions, coutumes, us, moeurs, croyances, représentations du monde, valeurs… (me conforme à un groupe d’appartenance)

« nous » : vise davantage le sens collectif de la culture, est-ce à dire que la culture au sens collectif peut avoir des effets négatifs, délétères ou du moins « dénaturant » ?

« rend-elle » : changement d’état, processus, passage d’un état à un autre, interroger ce passage : est-il bon ou mauvais…

« plus » : degrés d’humanité ? plus ou moins humains ? infériorité, supériorité, domination, hiérarchie

extension du sujet => plus du tout humains  ? plus qu’humains (transhumanisme)  ?

humains : sens biologique, ADN, espèce, genre / sens anthropologique humanité définie par la culture / sens moral : humain/inhumain immoral

Problématique : la culture condition ou ruine de notre humanité ?

I la culture fait notre humanité.

A : la culture fait notre humanité, sans elle, nous ne serions des hommes qu’au sens biologique du terme (ADN) mais nous n’aurions développé aucune caractéristique proprement humaine (parole, station debout, maniement d’outils, libido).

Nous serions plus bas que l’animal même dit Rousseau. « Pourquoi l’homme seul est sujet à devenir imbécile ? » parce qu’il se définit essentiellement par de l’acquis et non de l’inné comme l’animal. Ainsi s’il n’apprend pas, il ne développe pas de qualités proprement humaines et s’il oublie ou perd (par la vieillesse, la maladie ou le manque d’entretien de sa culture) il redescend plus bas que l’animal qui lui ne peut rien perdre (inné). Cette capacité, faculté qu’il nomme perfectibilité, est cette possibilité qu’a l’homme de progresser mais qui ne se développe que s’il fait un effort dans ce sens. On retrouve cette idée que la culture est un état qui nécessite courage et résolution. Cf. texte de Kant Qu’est-ce que les lumières ?. Cf. sens romain des humanitas enseignement qui nous fait accéder à la réelle humanité au sens fort du terme.

« Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l’homme et de l’animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c’est la faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis et qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme reperdant par la vieillesse ou d’autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? Il serait triste pour nous d’être forcés de convenir, que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l’homme ; que c’est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents ; que c’est elle, qui faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature. »

Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1ère partie, § 16

Cf. Les enfants sauvages. comme exemple pour illustrer la thèse de Rousseau.

Les enfants sauvages http://philophil.com/philosophe/malson/sauvage.htm 

article sur le blog https://lewebpedagogique.com/charlierenard/2016/09/29/les-enfants-sauvages/

 

B : Sans la culture, et notamment la technique,  nous ne pourrions survivre dans notre environnement. C’est ce que développe le mythe de Prométhée qui montre que contrairement aux animaux, l’homme n’a « reçu » aucune caractéristique qui lui permettrai de survivre (ni palme, ni griffe, ni ailes etc.). C’est pour cette raison que Prométhée vole le feu et la connaissance des arts et techniques aux dieux afin de les donner aux hommes. La culture nous rendrait plus humains, au sens où ce serait le signe (de la faiblesse pour Platon ou de la force pour Aristote) de l’humanité, son signe distinctif puisque les autres êtes vivants précisément n’en ont pas besoin, étant déjà parfaitement adaptés à leurs milieux (cf. finalisme de la pensée grecque).

Mythe de Prométhée

C : La culture ou état civilisé se retrouve dans toutes les cultures. Tout homme est homme d’une culture. L’homme développe son humanité dans une culture, on ne peut donc trouver de comportement qui soit inné ou strictement biologique chez l’homme. « Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme ». La nature de l’homme est d’être un être culturel, il est naturellement culturel. Nature paradoxale.

Texte de Merleau Ponty dans le cours sur la culture.

De plus, nous trouvons dans toutes les cultures les mêmes caractéristiques (outils, langage, organisation sociale, concepts rationnels, spirituels ou symboliques).

Texte de Malinowski dans le cours sur la culture

II Critiques de la première partie.

A : La culture ne nous rend pas plus « humains » car la culture n’est pas l’apanage de l’humanité. 

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/03/18/l-homme-n-a-pas-le-monopole-de-la-culture_5437894_1650684.html?fbclid=IwAR3ici8-Nny7mYXwAL5L4PBd-CH6USYYBFLPI0Qlz_OfMDqG4t1DWwqPkWE 

On trouve des comportements (manipulation d’outils, rapports sociaux, communications) chez certaines espèces qui ne sont pas le fait de l’inné mais propre à certains groupes (pas universel) et le fruit d’un apprentissage (pas inné). Ils ne relèvent donc pas de l’instinct. De plus, tou comme il est non pertinent de parler de culture au singulier, il est aussi injustifié scientifiquement de parler des animaux ou de la nature au singulier comme un tout indistinct. La diversité dans le vivant fait légion.

B : Cette culture (sens individuel et collectif) amène soit un sentiment de fierté et de supériorité (se sentir plus intelligent que les autres par exemple en corrigeant systématiquement les fautes d’orthographe des autres :) ) soit un sentiment d’appartenance, d’identité partagée qui tend à être défendue et s’affirmer contre les autres . C’est plus facile de s’affirmer en s’opposant (cf. groupes, communautés). Ayant grandi dès la naissance dans une culture, on pense que ce qui est habituel, spontané est Naturel, normal. Ainsi on juge comme supérieur sa propre culture, n’ayant que cela comme grille de référence. ( Peut-on juger la culture à laquelle on appartient ? / ethnocentrisme. Cf. cours). Ainsi avoir une culture conduit les hommes à juger et défendre leur culture comme la meilleure, la seule légitime. Mais l’ethnocentrisme n’est pas seulement théorique mais pratique. La plupart du temps, ces jugements s’accompagnent d’actes (esclavage, colonisation,croisades, ethnocide…). La culture ne nous rend donc pas systématiquement humains au sens moral du terme car bien au contraire elle peut amplifier, susciter des comportements immoraux, discriminants, ségrégatifs, intolérants.

C : Enfin on peut se demander ce que « humains » signifie réellement. D’une part, parce que même les biologistes considèrent que la définition est arbitraire et susceptible d’être modifiée à la prochaine découverte anthropologique et biologiques. D’autre part, parce qu’on bute toujours la diversité des cultures, pratiques et donc que ce concept universel est creux, sans contenu. La vacuité de la notion d’humanité nous amène à questionner les intentions de ceux qui l’utilise comme étendard dans leurs discours ou pratiques. L’idée de nature humaine (humanité universelle) semble à chaque fois être un moyen de discriminer, exclure certains du groupe des hommes. C’est donc moins un concept totalisant qu’un concept qui permettrait d’en exclure certains. D’où en face de l’humain, le sauvage, le barbare, le primitif. Finalement la culture amènerait à penser que certains sont plus humains que d’autres ce qui serait le propre de l’inculture ! C’est ce que dit Claude Lévi Strauss dans Race et histoire : « Le barbare c’est d’abord celui qui croit à la barbarie. »

Cf. texte sur la nature humaine dans le cours sur la culture.

Texte de Levistrauss et Montaigne dans le cours sur la culture

Dans ce cas, la culture ne nous rendrait pas plus humains car elle exacerberait les comportements inhumains, cruels, intolérants. Sauf à dire que ces comportements sont le propre de l’homme… mais c’est encore poser une nature qui justifierait donc dédouanerait l’homme de ses actes.

Alors est-ce à dire que la culture dénature l’homme (qui serait innocent et pur moralement) ? Est-ce à dire que la culture en nous rendant plus humains (sens universel) nous rendrait moins humains (sens moral) ? N’y a-t-il pas une moralité qui serait le fruit d’une culture bien comprise ? Comment résoudre ce paradoxe et dépasser, trouver une culture qui nous rendent réellement plus humains ?

III Les conditions d’une culture réellement « humaine »

A : Développer une culture qui nous invite à nous interroger sur nous-mêmes. pas un relativisme mou qui accepte tout, qui s’interdit de juger ou critiquer mais un relativisme critique qui se sert de la découverte de l’autre qui porter un regard neuf sur soi-même.  Cf. Montaigne.

B : La culture a longtemps servi à dominer, utiliser la nature à ses propres fins. Elle a permis de justifier de transformer se servir de la nature comme moyen. L’homme, être de culture séparé de la nature, de l’animal-machine pour Descartes, s’est longtemps considéré comme le couronnement de la créations la fois unique et supérieur à tous les autres êtres vivants. La culture nous a donc rendu immoraux (inhumains) à l’égard de la nature car toujours dans un rapport intéressé, si ce n’est immoral du moins amoral. Une culture qui nous rendrait plus humains serait une culture qui nous inviterait à développer un rapport éthique avec la nature et les animaux, leur reconnaître des droits par exemple. Peut-être faudrait-il alors trouver autre chose que le mot humain pour désigner cette moralité… Peut-être que la culture devrait nous sensibiliser à notre proximité, nos ressemblances avec les animaux. La culture nous rendrait-elle plus animaux, non pas dans le sens de rabaisser l’homme mais de lui faire comprendre de son inscription profonde dans la Nature.

C : Il faudrait aussi être vigilant à l’égard d’une culture qui nous rendrait « plus qu’humains ». 

Pensons à l’interprétation que l’on fait souvent du mythe de Prométhée (Cf. Frankenstein de Mary Shelley). L’homme se prend pour dieu à vouloir se rendre « comme maitre et possesseur de la nature »(Descartes Discours de la méthode LVI) et il ne mesure pas toujours les conséquences de ses actes (dérives, impact sur l’environnement, sur son mode de vie, ses valeurs etc.). L’homme aujourd’hui considère la technique comme un moyen de devenir plus qu’humains, un humain amélioré, génétiquement modifié, c’est l’idée défendue par les partisans du transhumanisme. Développer ses facultés physiques, intellectuelles jusqu’à transformer son propre corps. L’homme cherche depuis toujours à transformer son donné biologique, à s’émanciper des contraintes naturelles pour satisfaire ses besoins et ses désirs les plus fantasques. Avec toutes les formidables perspectives que cela préfigure (faire reculer la mort, la maladie, la faim…), il faut comme dans toutes choses raison garder, comme le rappelle Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

rapport aux animaux

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