Taux de chômage : une comparaison entre quelques pays de l’OCDE

Dans un numéro de « Flash Economie » mis en ligne le 5 septembre 2018 – « Les gains de productivité augmentent-ils quand le taux de chômage se rapproche du taux de chômage structurel ? » – (ici), l’économiste français P. Artus et son équipe se proposent de comparer les taux de chômage entre quelques pays de l’OCDE et de corréler leur évolution avec celle de la productivité par tête.

Ils aboutissent notamment à la conclusion selon laquelle, dans ces pays de l’OCDE, le taux de chômage observé tend à se rapprocher du taux de chômage structurel, c’est dire de la composante du chômage qui ne dépend pas du niveau de l’activité à court terme mais des performances macroéconomiques longues du territoire considéré (taux d’emploi, progression de la productivité des facteurs, progression de la qualification de la population active, efficacité des politiques de soutien à la croissance, etc.). La mesure de cette composante structurelle dans le chômage global est délicate. En dépit de la prudence qui s’impose quant à la comparaison des données entre les États-Unis, le Royaume-Uni et la zone euro, il est manifeste que, pour cette dernière, le niveau élevé du taux de chômage (8 % de la population active est sans emploi dans la zone euro en 2018 contre à peine 4 % aux États-Unis et au Royaume-Uni) s’explique aujourd’hui principalement par sa composante structurelle alors qu’au début des années 2010, juste après la crise, la composante conjoncturelle du chômage (avec un taux de chômage global autour de 12 % pour la zone euro) était significative dans le chômage global. Les deux premiers graphiques reproduits dans la publication de P. Artus fournissent un éclairage frappant de la situation (voir ci-dessous).

On peut dégager de ces données les quelques enseignements suivants :

a) si le taux de chômage est deux fois plus élevé dans la zone euro qu’aux États-Unis, cela s’explique notamment par une croissance économique potentielle – c’est à dire la croissance qui résulte de l’usage efficient des facteurs de production, sans tensions inflationnistes -, significativement plus faible sur le continent européen ;

b) Au lendemain de la crise mondiale de 2008, les taux de chômage aux États-Unis et dans la zone euro se situaient à des niveaux comparables (autour de 10 % de la population active). Sur le continent américain, les politiques macroéconomiques conjoncturelles de reprise de l’activité ont été plus efficaces sur la période 2009-2013 (alors que la zone euro traversait sa crise des dettes souveraines). Il s’en est suivi une baisse de la composante conjoncturelle du chômage outre-atlantique tandis que celle-ci restait soutenue en Europe.

c) Comme le montre P. Artus dans ses travaux depuis plusieurs années, la dégradation conjoncturelle de l’économie d’un territoire finit toujours par avoir des effets structurels : en zone euro, le ralentissement de l’activité imputable à la crise de 2008 et combiné avec la crise des dettes souveraines a conduit à déprécier la croissance potentielle (estimée à seulement + 1 % annuel par l’équipe de Artus). C’est aujourd’hui la faiblesse de cette croissance potentielle (perte de compétitivité des firmes de la zone euro, faible efficacité pour cause de défaut de coordination des politiques de soutien à la croissance notamment) qui maintient le taux de chômage de la zone à un niveau élevé.

d) On voit donc le rapport avec le titre du post de l’équipe de Artus : dans les pays de l’OCDE, les politiques de l’emploi ne peuvent aujourd’hui être efficaces que si elles se donnent en priorité pour objectif une hausse de la productivité par tête (meilleure formation de la main d’œuvre, incitation à l’innovation pour les firmes, meilleure efficacité des politiques éducatives coordonnées…), condition nécessaire de la réduction du chômage structurel. Toutefois, certains pays de la zone euro à l’image de la France disposent d’un autre levier (qui apparait aussi comme une contrainte supplémentaire) : la nécessaire amélioration du taux d’emploi dans les années à venir. Ce taux d’emploi est inférieur à 65 % en France en 2018. C’est un point de moins que la moyenne de la zone euro et 10 points de moins que l’Allemagne !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *