Et l’aigle russe déploya ses ailes.

Le Mardi 11 Août 2020, le président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine, annonçait la fin du développement de son vaccin contre le coronavirus. Se référant au premier satellite envoyé dans l’espace par l’URSS en 1957, le Sputnik V se veut être le premier vaccin au monde, contre l’épidémie.

Devançant l’Occident et les États asiatiques, la Russie démontre à nouveau qu’elle demeure encore et toujours une grande puissance de ce monde sur le plan géopolitique. Et pourtant, ce ne fut chose aisée de le redevenir, suite à l’effondrement de l’URSS !

Afin de comprendre comment la Russie a pu se relever, il est nécessaire de retourner plus de 20 ans en arrière, avant les années Poutine.

L’effondrement de l’empire soviétique, ou la traversée du désert du peuple russe.

Le 26 Septembre 1991, l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes prend fin. Après 69 ans d’existence, l’Ours Communiste disparaît, et cesse d’être une menace pour son ennemi les États-Unis. Le monde bipolaire s’effondre et laisse place à l’hégémonie de l’Empire Américain sur le monde.

Les années suivantes vont être une véritable traversée du désert pour le peuple russe. Si une grande partie de la population demeure pauvre, elle bénéficie tout de même des services publics qui assurent un certain niveau de vie aux habitants (garantie d’un logement, de services de santé, d’éducation). Mais la privatisation massive des compagnies gazières et pétrolières achève le modèle social russe, condamnant le peuple de Russie à la misère.

Le niveau de vie chute considérablement (il est divisé par 2), la paupérisation de la société s’accentue, le prestige du pays s’effondre, l’État s’endette. Il essaie de rester aligné sur la politique américaine, assistant impuissant à l’expansion de l’OTAN, lorgnant les frontières russes ( contrairement au traité signé par les 2 nations). C’étaient les années Eltsine… Ajoutés à la réduction du territoire de la Russie, l’alcoolisme de Boris Eltsine et le déclassement : la décadence de ce pays est totale.

Le tournant, 1999

L’année 1999, le président de la Fédération passe le flambeau à Vladimir Poutine. Cet ancien agent du KGB arrive à la tête d’un pays malade. Son accession au pouvoir provoque un véritable bouleversement dans le pays, et annonce des jours meilleurs à venir d’un point de vue économique.

Le règne du « tsar » Poutine dure depuis plus de 20 ans et peut se diviser en 2 parties : l’avant et l’après 2014. Durant les premières années de son mandat, l’action de Poutine consiste en la reconstruction de l’État russe et de son autorité, sabordée durant la Perestroika (autre nom donné aux années Eltsine). L’économie, quant à elle, démarre avec une forte croissance allant jusqu’à 7 %.

L’État reprend la main sur les compagnies pétrolières et gazières, telles que Yerkas en 2003. Ces nationalisations demeurent importantes en raison de la dépendance de l’État russe à la rente des hydrocarbures : la Russie, du fait de l’immensité de son territoire, est recouverte de nombreux gisements de gaz et de pétrole. Source de richesse non négligeable dans le PIB russe, elle contient un défaut primordial : cette richesse est versatile, elle dépend du cours du baril et par conséquent, celle-ci est impactée par la baisse ou la hausse du prix du baril. Ainsi, lorsque le cours de la rente est élevé, l’État économise de l’argent qui sera destiné aux investissements dans les services publics, pour compenser les périodes où la rente est faible. Mais les années Poutine, c’est également l’aménagement du territoire entrepris avec des grand projets tels que la construction de lignes ferroviaires, la construction de réseaux de gazoducs, ou encore de grands ponts (nous retiendrons le pont entre la Russie et la Crimée, inaugurée en 2018).

L’année fatidique, 2014

Et puis vient 2014. Se sentant menacée (l’élargissement des bases de l’OTAN vers les frontières russes est vue d’un très mauvais œil parmi le peuple russe) et profitant de la crise politique en Ukraine, la Russie annexe la presqu’île de Crimée, une terre russophone, historiquement attachée à la Russie (elle en avait été détachée à l’époque de l’URSS) . Ce rattachement, véloce, par l’action éclair de l’armée russe (due à son perfectionnement après la guerre de Géorgie en 2008) provoque la guerre à l’Est de l’Ukraine, dans la région du Donbass ainsi qu’un rebond de la popularité du président russe. Et pour tout dire, la ferveur populaire, enthousiasmée par le retour de la Crimée dans le giron russe, se range derrière celui qui venge ainsi l’honneur perdu par la fin de l’URSS, effaçant le sentiment d’humiliation.

Outre le symbole que représente la Crimée (une terre conquise par Catherine la Grande des siècles auparavant), elle constitue également un élément stratégique de premier plan : la base navale de Sébastopol, qui garantit l’accès de la Russie à la Mer Noire. Elle risquait de la perdre, car ne l’oublions pas, l’Ukraine devait rejoindre l’OTAN. Ce pays représente également un marché important pour la Russie.

Face à cette démonstration de force, les réactions des pays occidentaux ne se font pas attendre, et outre l’exclusion de la Russie du G8, une vague de sanctions économiques frappe ce pays. Si l’économie russe a traversé des moments difficiles (10 % de son économie a été impactée), elle a pourtant résisté, en répliquant avec des embargos économiques sur l’Occident, dont la France. Ces sanctions contre la Russie ont eu un effet négatif, celui de faire de ce pays une puissance agricole, en devançant la France (la Russie est devenue la première nation exportatrice de blé dans le monde). La Russie a dû en effet redresser son secteur agricole afin de palier les manques d’importations.

Les années Poutine se caractérisent aussi par le retour de l’Église Orthodoxe dans la société civile, balayée par les bolcheviks. Ce régime néo-traditionnel rejette le « progressisme » de l’Occident en le jugeant décadent, ce sentiment étant partagé par la majorité du peuple russe. S’opposant aux « mœurs décadentes » de ce même Occident, la Russie se voit comme une troisième Rome en voulant défendre le christianisme à travers le monde, du moins ce sont ses prétentions.

Quelles perspectives pour la Russie ?

Jusqu’ici la Russie a effectué des efforts considérables : en la sortant d’un âge sombre qui la condamnait à demeurer un pays de second plan, Vladimir Poutine a assuré un redressement total de son pays dans tous les secteurs. Ayant retrouvé l’entière souveraineté de sa nation, le chef d’État russe n’hésite pas à user de la force pour faire respecter ses droits et rend la Russie indispensable sur des terrains d’opération étrangers tels que la Syrie, apportant un soutien militaire à Bachar Al-Assad, ou la Libye. C’est le grand retour de la Russie sur la scène internationale.

Si l’économie du pays demeure fragile, souffrant notamment de carences industrielles, elle reste performante dans le secteur agricole, celui des énergies mais également dans le secteur des hautes-technologies (elle détient son propre internet, ses réseaux sociaux etc). Toutefois, les inégalités sociales demeurent très fortes (1 % de la population détient 20 % des richesses), et la corruption n’a pas été éradiquée.

Restant une puissance spatiale, l’État a rendu l’armée russe aussi puissante que l’armée américaine et chinoise, avec ses 8 000 000 soldats, et ses avions hypersoniques. Prônant un monde multipolaire, en opposition à l’hégémonie américaine, Poutine fait cavalier seul sans pourtant s’isoler du reste du monde et fait sienne la doctrine russe d’Alexandre II : « l’armée et la flotte sont les seules alliées de la Russie ».

Une nation dont le pouvoir personnel de Poutine s’appuie sur un État fort depuis plus de 20 ans paraît aux yeux des Occidentaux comme un état despotique. Mais après tout n’est-ce pas au peuple russe de juger de l’action de son président ? Aux antipodes de l’Occident, la Russie demeure à la fois unique et mystérieuse.

Si la Russie a renoué avec son destin historique de grande puissance, elle se doit d’affronter les péripéties des jours à venir et de montrer qu’une nation dont la population est tout juste deux fois plus grande que la France, représente autant de poids géopolitique qu’une nation comme la Chine. Au carrefour des grandes civilisations, il semblerait que la Russie ait encore un rôle à jouer dans l’histoire du monde, à l’aube du troisième millénaire.

Thomas

Sources : La Russie de Poutine en 100 questions, de Tatiana Kastouéva-Nean, Diplomatie numéro 57 et Le Spectacle du monde, numéro 1 juillet 2020.