La Chasse aux Livres

Le soleil se lève et illumine le lycée. Aujourd’hui, il est 7 heures et 38 minutes du matin. Nous sommes le vendredi 29 janvier 2021.

Un jour quelconque qui pourtant ne l’est pas. Non. Aujourd’hui, il y a un événement assez spécial qui n’arrive qu’une seule fois par an.

Aujourd’hui, une chasse est organisée dans le lycée et non, la carabine n’est pas autorisée. Ce n’est pas nécessaire puisque nos cibles sont des livres et non des animaux.

Cette chasse aux livres ne s’adresse qu’aux curieux et aux petits amoureux de la lecture.

Clémentine et moi faisons partie de cette catégorie.

Nous avions prévu de nous retrouver tôt ce matin pour cela.

Je descends du bus et je sors mon téléphone de ma poche. Le bip résonne pendant un moment…

– Allô ?

– Oui, Clémentine. T’es où ?

– Je suis dans la mezzanine. Je t’attends.

Je lui dis que j’arrive et je raccroche…

Je replace correctement mon cartable sur le dos et je presse le pas.

Je rentre dans le hall. Il y a déjà beaucoup d’élèves. Je tourne vers la gauche et je monte les escaliers. Je cherche mon amie des yeux. Je la vois près de la porte en compagnie d’une autre fille. C’est Mattea. Elles me voient et me saluent. Je les rejoins.

– On commence par où ? demande Mattéa.

Clémentine sourit.

– Je propose qu’on commence par le bâtiment C.

Je hausse des sourcils, perplexe.

– Heu… pourquoi pas d’abord ici dans la mezzanine, le hall ou même le CDI ?

Clémentine me lance un regard qui en dit long. En clair, je crois qu’elle me traite de stupide.

– Non. Sois logique. Ça serait beaucoup trop simple. Tu sais le nombre de personnes qui passent sur la mezzanine ? De même pour le hall ? Et pour le CDI, il y a un ou deux livres mais c’est pour les profs.

Je cligne des yeux. En effet, ça semble logique.

Je ne dis rien. Clémentine prend mon silence comme une victoire.

– Bien, allons-y.

En tout, il y a 10 livres cachés dans tout le lycée. Si on en trouve un, le livre est à nous. C’est la règle.

Il y a deux bâtiments principaux dédiés aux cours.

Le bâtiment C, là où on va et le bâtiment D. C’est souvent là que les documentalistes cachent les livres. Bien sûr, il y a certains endroits que nous ne pouvons pas accéder tels que les salles de cours ou encore les laboratoires.

– Dites. Vous croyez qu’elles ont planqué des livres dans la garrigue ? demande Mattéa.

– Non. Je ne pense pas, je réponds. C’est un espace trop large pour rechercher des livres.

– Elle a raison, rajoute Clémentine. Il vaut mieux qu’on se concentre sur les bâtiments de cours.

On avance au bâtiment C. Il y a des portes en fer.

– Je regarde derrière les portes.

Je penche ma tête pour mieux regarder dans la fente. Il n’y a rien.

Je fais non de la tête. Les filles se regardent et entrent dans les toilettes. Mais ressortent rapidement bredouilles. On avance et deux chemins s’offrent à nous.

À gauche, le chemin continue dans le long couloir. Peut-être qu’on trouverait quelque chose au bout. Ensuite, il y a la droite qui nous mène à un escalier. C’est un accès pour aller dans la cour, si on venait à descendre. Sinon, on monte à l’étage du dessus.

Je me dirige rapidement à droite. Et je regarde dans le coin, à la recherche d’un quelconque livre. Mais il n’y a rien. Je reviens sur mes pas. Je regarde les filles.

– Alors ?

Clémentine réfléchit. Mattea prend la parole :

– Le mieux serait qu’on se sépare. Ça irait plus vite.

– Ouais, accepte Clémentine. Bah, du coup. Lisa, tu regardes dans le couloir et dans les coins et sous les escaliers. Moi, je monte là-haut avec Mattea. Je partirai à droite. Toi, Mattea tu partiras vers la gauche. Si l’une de nous trouve quelque chose, appelez. Ça vous va ?

Mattea et moi hochons de la tête.

Tandis que les filles montent à l’étage, je pars de mon côté.

Certains endroits n’ont pas d’intérêt. D’autres sont verrouillés.

J’atteins les toilettes de l’étage. Je regarde derrière la poubelle. Il n’y a toujours rien.

Mais alors que je me retire, je vois soudainement un paquet jaune avec le numéro 1 inscrit dessus. Il est, non pas à côté de la poubelle, mais à l’intérieur de celle-ci. Je le prends.

– Hé ! crie-je. J’en ai trouvé un et vous ne devinerez jamais où !

J’entends Clémentine se rapprocher.

Je me recule et je lève la tête. Elle est au-dessus de moi sur la passerelle. Je lui montre le livre.

– Où ? demande Mattea en la rejoignant.

– Dans la poubelle, je réponds.

Clémentine rit. Mattea hausse les sourcils, surprise.

– Non ? Sérieux ?!

– Pour une fois oui, je suis sérieuse, dis-je en rigolant.

– C’est assez malin, avoue Clémentine en souriant. Qui penserait qu’il y aurait un livre dans une poubelle ?

– Personne, répondis-je.

– C’est exact. Allez. Il n’en reste plus que deux. Le mien et celui de Mattea. On va dans le bâtiment D. Il n’y a pas grand-chose ici.

– Bien Madame. Je vous rejoins.

– Ne m’appelle pas Madame !

– Oui « Madame » !

Je ris en entendant Clémentine grommeler.

Je range mon livre dans le cartable. Et je monte à l’étage pour rejoindre rapidement les filles dans le bâtiment D, passant par la passerelle.

– Bon, soupire Clémentine. On refait le même schéma.

Je hoche de la tête et je redescends.

À force de me faire les escaliers, je vais finir par me faire les mollets. C’est sportif au moins. C’est bien, ça réveille dès le matin…

J’aurais mieux fait de rester en bas. C’était plus logique.

À peine ai-je entamé les cinq premières marches que j’entends Clémentine appeler. Je reviens alors sur mes pas. Elle tient un autre paquet jaune.

– Derrière le tuyau, dit-elle.

– OK. Donc du coup il ne reste plus que celui de Mattea.

– Ouais bah. Allons-y du coup !

Je suis Mattea mais Clémentine reste sur place, semblant réfléchir. On revient vers elle.

– Je me demande…

On l’observe et on s’interroge. Puis elle commence soudainement à marcher dans le couloir. On la suit rapidement. Elle marche si vite. Je me demande comment elle fait avec ses talons…

On s’arrête enfin devant les toilettes du bâtiment D.

Ah ! Je commence à comprendre. Mais les documentalistes ne l’auraient pas fait. Si ?

Mattea s’avance et regarde la porte qui attire Clémentine. Ah ! Elle aussi vient de comprendre.

– C’est vraiment nécessaire ? demande –t– elle.

– Si tu veux ton livre, va falloir, répond Clémentine.

– Qui rentre ? Je demande.

– Pas moi.

– Moi non plus.

– Sérieusement ce sont juste des toilettes !

– Ce sont celles des mecs !

– Ah ! Mais c’est pas vrai ! On va pas rester là à savoir qui va y aller !

– Vas-y. Rentre dans les toilettes.

Je regarde Clémentine et Mattea. Je regarde les toilettes. Je soupire.

– Bien.

Je pose mon cartable par terre. Je remonte mes manches. Je regarde autour de moi. Personne, mis à part Clémentine et Mattea.

– Surveillez.

Je rentre et fouille. Un paquet jaune était posé sur une des toilettes. Je l’attrape et je sors rapidement en triomphe.

– Ouah ! s’exclament Clémentine et Mattea d’une voix particulière. Tu es trop forte !

Je les regarde, plissant les yeux. Je garde la bouche fermée. Là, je ne vais pas faire de commentaire. Je donne le livre à Mattea.

– On les ouvre ?

On se regarde et on déchire le papier jaune. Je vois la couverture.

Un recueil de poèmes d’amour…

Je montre mon livre. Les filles font de même.

Clémentine était tombée sur un livre de Mazarine Pingeot, Le cimetière des poupées. Mattea, sur Marc Lavoine et Driss El Kesri, Toi et moi, on s’appelle par nos prénoms.

© Clémentine – 29/01/2021

Mattea me regarde et me tend son livre.

– On échange ?

Je souris et je lui tends mon livre.

Aujourd’hui, il est 7 heures et 57 minutes du matin. Nous sommes le vendredi 29 janvier 2021. La chasse s’achève sans effusion de sang, fort heureusement.

L. D. B., Clémentine et Mattea

NB : Les éléments relatés ici présentent d’une façon quelque peu romancée la chasse aux livres qui s’est déroulée au lycée fin janvier.